peace and love, they say → frank

Il est pas peu fier de lui, le Frank. C’est qu’avec Sarah, il a eu de l’entraînement en matière d’improvisation face aux questions gênantes. Sauf qu’avec Sarah, il essaye le plus possible de lui expliquer les choses sans trop avoir à mitonner. Cela dit, si elle lui avait demandé ce qu’étaient un cockblock et un chick magnet, sûrement qu’il lui aurait sorti le même bobard qu’au p’tit con parce que faut pas déconner, quand même. Encore que, devant Sarah, il aurait peut-être pu réussir à se contenir d’employer de tels propos mais ça, ça reste encore à voir. Frankie will be Frankie. D’ailleurs, Noomi l’a bien compris puisqu’elle commente sur le fait qu’il s’y connait en matière de poulettes et, loin de s’en vexer, Frank hausse les sourcils en lui décrochant en réponse un sourire Colgate qui en dit long sur le fait qu’il prend ça pour un compliment. Et pour en rajouter, il la désigne de l’index en faisant claquer sa langue, se fendant d’un :

« Et toi en matière de coq, ma poulette. »

À lire en Anglais dans le texte, évidemment.
 
Bientôt, la balade à dos d’âne prend fin et c’est sans regret que Frank largue Stanislas à la maîtresse. Sarah, elle, a l’air en pleine discussion animée et passionnée avec la fermière et, de loin, Frank se prend à observer sa fille d’un air rêveur et même ravi. Voir sa fille si épanouie lui réchauffe le cœur et lui fait même oublier le fond de migraine qui le lance toujours au-dessus du sourcil. Avisant Noomi non loin, Frank lui désigne la scène d’un signe de tête.

« T’as vu ça ? Tu penses qu’elle s’est découvert une vocation ? »

Peut-être que Noomi va penser qu’il contemplait ainsi la fermière plutôt que leur fille mais non, cheh.

« P’t’être qu’on aurait dû nous emmener faire des tours en âne aussi, quand on était gamin. On aurait peut-être tourné autrement. »

Frank fronce les sourcils, quelques secondes, le temps de considérer ce qu’il vient de dire, puis ricane.

« Ouais, nan, c’est pas une bourrique qui aurait rattrapé le coup. »

Evidemment que Frank n’allait pas prendre mal cette remarque ; elle devrait le connaître depuis le temps. Et pourtant, Noomi ne put s’empêcher d’éprouver un brin de déception en voyant ce sourire. Exactement le même que Sarah lui servait parfois. Mais puisqu’il lui donnait pas la satisfaction de réagir comme elle l’aurait souhaité, elle le ferait pas non plus. Raison pour laquelle elle aussi se mit à sourire lorsqu’il insinua qu’elle aussi était une experte dans le domaine de la volaille. Enfin pas vraiment, mais vous avez saisi ; l’important c’est que Stanislas et Wendy non. Puis de toute façon, nier aurait été mentir, alors :
« Oh, pas que. »
Pendant qu’on y était, autant se la péter un peu quand même puisqu’elle aussi, elle en avait connu pas mal des poulettes. De tout en fait. Et elle n’en avait jamais eu honte, même si elle n’allait bien sûr pas s’amuser à le crier sur tous les toits non plus puisqu’elle était une mère respectable. Oh et puis chacun faisait ce qu’il voulait de son cul et ça regardait pas les autres, voilà ce qu’elle pensait. Puis la balade prit fin sans qu’aucun des autres gamins ne mouftent et c’était une chance parce que quelque chose disait à la grecque qu’ils en auraient eu des questions à poser s’ils l’avaient pu. Noomi allait se séparer de Wendy avec un peu plus de classe que ce que Frank avait fait de Stanislas quand elle capta les yeux de chat potté de la fillette. Se baissant pour se mettre à sa hauteur, elle lui tapota doucement l’épaule.
« Tu peux v’nir quand tu veux, Wendy, t’as qu’à t’arranger avec Sarah. »
A l’appartement s’entend parce qu’il était pas question qu’elle remette trop souvent les pieds ici. Tu parles, c’est ce qu’elle ferait si Sarah avait décidé qu’elle voulait faire de l’âne tous les week-ends et elle le savait très bien. Mais ça ne serait pas elle qui lui soumettrait l’idée en tout cas. C’est alors que la voix de son ex-mari s’éleva de nouveau. Et si elle avait cru ne serait-ce que l’espace d’une seconde que c’était la fermière qu’il était en train de mater, elle se serait vue détrompée puisque, se mettant à la taper la discute comme s’il parlait de la pluie et du beau temps, voilà qu’il lui demanda si elle pensait que sa fille s’était découvert une vocation. C’est vrai qu’elle avait l’air heureuse et que ça faisait plaisir à voir.
« Qui sait ? Peut-être que c’est pas son truc à elle, la ville. »
Et ça ne serait qu’à moitié étonnant puisque Noomi avait grandi dans un bayou. Et n’avait pas franchement été ravie de le quitter suite au divorce de ses parents, c’est le moins qu’on puisse dire. En fait, tout ce qui lui avait permis de tenir et même de commencer à apprécier sa situation en ce temps-là se tenait devant elle. Comme quoi, les choses peuvent changer du tout au tout et ce presque du jour au lendemain. La question suivante la fit rire. Tous deux étaient autrefois des causes perdues. Moins maintenant, en tout cas la concernant.
« On aurait très certainement fini par la rendre chèvre, c’te pauvre bête. »
Non, Noomi n’avait jamais été quelqu’un de facile, pas même enfant et elle savait que c’était un peu pareil pour Frank. Au fond, tous deux étaient chanceux que Sarah n’ait pas hérité de ce tempérament. Et en parlant du loup, voilà qu’elle se mit à courir dans leur direction en criant un peu à cause de toute cette excitation pour leur demander s’ils pouvaient aller voir les poussins maintenant. Ah, le retour de la volaille, donc.

La ville, pas son truc, à Sarah ? Ça le fait s’interroger, le Frankie. Sur ses propres trucs, à lui. Il était pas jouasse à l’idée de passer la journée dans la cambrousse mais il doit bien reconnaître que jusqu’ici, mis à part la migraine et la rencontre avec un gamin qui a de la merde dans le dos à force de péter plus haut que son cul, il passe pas un si mauvais moment que ça. À croire que le grand-air, c’est pas une légende, ça fait vraiment du bien. Après, on ne peut pas dire non plus qu’Island Bay pue la pollution à plein nez, ça respire plutôt bien même. Mais là, dans cette ferme, c’est tout de même une autre ambiance. Ou alors, peut-être est-ce le simple fait de voir sa fille passer un si bon moment qui lui fait du bien, à Frank. Quoiqu’il en soit, même avec Noomi, l’atmosphère semble moins pesante et même s’il faudrait lui arracher un ongle ou deux pour qui l’admette à voix haute, Frank constate qu’il ne s’en sent vraiment pas plus mal. Il rit même de bon cœur à la boutade de son ex-femme et y réplique :
« Transformer un âne en chèvre, ça c’est pas de la délinquance : c’est de la sorcellerie, Nooms. »
Sarah, après sa conversation passionnée avec la fermière, court maintenant vers eux, réclamant d’aller voir les poussins. Pris de court, Frank regarde alentour, à la recherche de la prof qui semble s’être volatilisée.
« Ah, je sais pas, » lui répond-il, embarrassé, « c’est que c’est pas à nous de décider, tu sais. »
‘Nous’, c’est sorti tout seul mais ça lui râpe un peu la langue, quand même. Il n’en montre rien, cependant, et jette même une œillade à Noomi pour lui demander son appui : quand il s’agit du bien être de Sarah, il est prêt à pactiser avec le diable.
« Il faudrait trouver ta prof mais je la vois pas. »
C’est alors qu’une ampoule s’allume au-dessus de la tête de Frankie.
« J’vais aller demander à la fermière ! » déclare-t-il avec un sourire on ne peut plus satisfait. « Pas la peine de venir avec moi, je gère la situation. »
Ben tu penses. Et le voilà parti, pas peu ravi d’avoir une occasion de taper – à son tour – la discute avec la jolie campagnarde. Il prend son temps, d’ailleurs, trouvant moyen d’étirer la conversation plus longtemps que nécessaire, en commençant par la remercier profusément de s’être si bien occupée de Sarah, que cette dernière a l’air vraiment ravie et d’avoir eu un coup de foudre pour l’endroit, les ânes, et son accompagnatrice de promenade et blablabla, avant d’en arriver à la question pour laquelle il est censé être là. Ainsi, c’est plusieurs minutes plus tard qu’il rejoint finalement Noomi et Sarah, et leur signale d’un haussement d’épaules qu’il n’est pas vraiment plus avancé.
« Georgia ne sait pas non plus où est la prof. »
Oui parce qu’évidemment, il a réussi à demander son prénom à la fermière et il ne se gêne pas pour le laisser savoir à Noomi.
« Peut-être qu’on l’a oublié dans un tournant pendant la promenade, » ricane-t-il, « ou que la journée à la ferme s’est transformée en murder party. »

A bien des égards, cette journée à la ferme ressemblait pas des masses à ce à quoi elle s’était attendue. Déjà parce que Frank était là aussi mais également parce qu’ils n’étaient pas constamment en train de se prendre le bec tous les deux. Evidemment, y avait bien quelques piques par-ci, par-là, mais rien de vraiment méchant, surtout les connaissant. Alors bien sûr, Noomi aurait préféré qu’il ne vienne tout simplement pas parce que y avait rien qu’elle aimait moins que de devoir partager sa fille, mais force était d’admettre que ça se passait quand même plutôt bien puisqu’ils étaient même en train de plaisanter comme si de rien n’était.
« Ouais, t’en sais quelque chose. »
Et elle aussi techniquement puisqu’on peut dire que si son ex-belle-mère était une sorcière, sa propre mère n’était pas beaucoup mieux. Enfin, un peu quand même. Quoi qu’il en soit, c’est ce moment que choisit une Sarah légèrement survoltée pour venir leur demander s’ils pouvaient aller voir les poussins, maintenant. Si ça n’avait tenu qu’à elle, Noomi aurait accepté sans même se poser de questions et elle aurait cru que Frank aurait fait pareil mais non. Celui-ci préférait d’abord obtenir l’accord de l’institutrice en charge de cette sortie scolaire. Peut-être n’avait-il pas tort, mais se mettant à la chercher elle aussi parmi la foule, la grecque ne la trouva pas non plus. C’était toujours le même problème avec les personnes d’autorité : jamais là quand il le fallait.
« C’est vrai qu’ça peut être dangereux si on suit pas l’programme prévu alors on va quand même essayer d’la trouver d’abord. »
C’est alors que Frank eut une idée de génie. Et pas besoin qu’on lui emboîte le pas – comme si c’était ce que Noomi avait prévu de faire, de toute façon -, puisqu’il allait demander son aide à la fermière. Ne retenant même pas un roulement d’yeux, elle prit sa fille par la main et lui proposa d’aller voir les vaches qui broutaient tranquillement dans un coin – après s’être tout de même assurée qu’il y avait pas de taureau dans cet enclos. D’un air un peu craintif quand même, Sarah finit par accepter et après quelques minutes, prit même une poignée d’herbe en main pour voir si ça pouvait éventuellement intéresser l’une d’entre elles. Mais ce ne fut pas le cas. Et ce le fut encore moins quand Frank revint vers elles pour leur préciser que Georgia ne savait pas non plus où pouvait bien se trouver la prof de la petite. Noomi avait bien capté ce que son ex-mari essayait de faire mais elle resta de marbre. Grand bien lui fasse s’il parvenait à trouver quelqu’un d’autre capable de le supporter, cette personne mériterait une médaille, qu’il s’agisse de la dénommée Georgia ou de quelqu’un d’autre. Mettant la main en visière pour se protéger du soleil, la blonde élucida finalement le mystère en un clin d’œil.
« C’pas elle, là-bas ? »
Comme quoi, elle était pas si dure à trouver, tout compte fait. Et comme celle-ci se trouvait tout à côté de Georgia, elle en déduisit que la pauvrette devait avoir un problème de vue. Tout comme Frank, d’ailleurs, mais ça, c’était moins étonnant, il devait être un peu aveuglé par la présence de la fermière, sans doute.

Frank ne se retient même pas de rouler des yeux face à l’air narquois de Noomi qui désigne une direction dans laquelle se trouve, effectivement, la prof. Cette dernière, quelque peu échevelée et essoufflée, a limite l’air d’avoir tout juste vu la queue du diable – et non, ce n’est pas une métaphore pour parler de Frank. Elle semble venir de s’arrêter après avoir couru, et prononce ces paroles qui viennent confirmer la théorie :
« J’ai fait aussi vite que j’ai pu ! »
Elle est pâle, la prof, une main sur le cœur et l’autre à laquelle est accrochée une gamine en pleurs, l’un de ses bras pendant à un angle qui semble pas vraiment être celui qui a été prévu à la chaîne de montage. Frank désigne ce duo tragique à l’intention de Noomi, lui rendant son air narquois l’air de dire c’est p’t’être pour ça qu’on la trouvait pas.
« Ça a l’air grave, on ferait bien d’aller voir. »
Qu’il fasse du zèle semble peu probable. Il a peut-être plus envie de frotter ça dans le nez de son ex-femme ou d’en profiter pour retourner près de Georgia. Certainement les deux. Quoiqu’il en soit, le voilà de retour près des encadrantes, Noomi et Sarah sur ses talons, ainsi que quasiment la totalité des élèves qui, certains poussés par l’esprit grégaire et d’autres – se dit Frank – par la curiosité morbide, s’agglomèrent autour du drame en train de se dérouler. Les mots clés sont : chute, appelé l’ambulance, oh mon dieu la pauvre chérie et j’avais vraiment pas besoin de ça aujourd’hui, ces derniers soufflés du coin des lèvres blêmes de l’instit qui n’en mène vraiment pas large. Et le Frankie, peut-être motivé par les grands yeux désolés de la fermière, qui se sent subitement pousser des ailes :
« Vous en faites pas, » déclare-t-il en venant poser ses mains sur les épaules de la prof, « faites ce que vous avez à faire. Mrs Savalas et moi, on s’occupe de surveiller les enfants. »
Mrs. Bien sûr qu’il l’a fait exprès. Pas que ça le mène à grand-chose mais ça l’amuse ce con, et il ne s’en cache pas, décochant un grand sourire goguenard à l’intention de son ex-femme. Et ça aurait pu être pire : il aurait pu la taxer de Mrs Adler et se cacher derrière les bonnes vieilles habitudes, mais ç’aurait été griller sa carte auprès de la fermière. N’empêche qu’il rigole pas longtemps, Frankie : son sourire retombe en même temps que le coin des sourcils quand il constate l’air déçu de Sarah qui commence à comprendre que le bon déroulement de leur sortie à la ferme a été compromis. Mais hors de question qu’il laisse une petite connasse qu’a pas été assez intelligente pour tenir droit sur sa bourrique gâcher la journée de sa fille, alors Frank s’avance vers cette dernière et lui glisse :
« T’en fais pas, ma princesse. La bonne nouvelle, c’est que maintenant, on a plus besoin de ta prof pour décider de ce qu’on fait. Et tu sais quoi ? On décide d’aller voir les poussins. »
Il ne sait pas trop pourquoi, mais il jette alors un regard à Noomi, comme s’il s’attendait bel et bien à recevoir ici son approbation.

Bon, peut-être bien que la prof de Sarah était là mais ne l’était pas la minute d’avant. C’était même plus que peut-être puisqu’une des fillettes les accompagnant avait l’air de souffrir le martyr et ladite prof est, quant à elle, était toute échevelée. Noomi resta de marbre face à l’air narquois de son ex-mari et se demanda pourquoi est-ce qu’il faudrait qu’ils aillent voir ça de plus près ? Il était secouriste, lui, maintenant ? Parce que bon, de toute évidence, le bras de la môme était cassé alors à moins d’improviser un plâtre naturel à base de lait de brebis et de jaune d’œufs, elle voyait pas bien de quelle manière ils pourraient aider, surtout que tout le monde était venu en car.
« Pff, c’est ça, passe devant. »
Le truc, c’est que ses mots, bien qu’ils leur soient pourtant adressés à toutes les deux, semblent être approuvés par le reste de l’assemblée qui commence alors à les pousser dans la direction de Frank. A croire que le reste du monde n’avait pas envie qu’ils soient séparés trop longtemps ce jour-là. Voilà, ils étaient donc tous là, vraiment super et maintenant quoi ? La grecque sortit son téléphone portable pour appeler une ambulance mais quelqu’un signala que c’était déjà fait. Serrant la main de Sarah dans la sienne, elle voulut alors prendre un peu ses distances pour laisser la gamine respirer, c’était bien la seule chose qu’elle pouvait faire, compte tenu des circonstances et c’est à peu près à ce moment-là qu’elle entendit Frank clamer haut et fort – sûrement pour se faire entendre par la dénommée Georgia – que la prof n’avait qu’à faire ce qu’il fallait, qu’ils s’occuperaient du reste. C’est-à-dire eux deux. Car c’est ça qu’elle retenait de sa tirade, pas tellement le fait qu’il l’appelle mrs. En divorçant, Noomi avait trouvé ça stupide de redevenir miss alors elle avait juste changé de nom. Ayant capté l’air déçu de sa fille, elle répondit, un peu hésitante :
« Euh… Ouais. Avec l’aide des autres. Puis d’Georgia, bien sûr. »
Histoire de lui faire comprendre que finalement, ça changerait pas grand-chose à ce qui était prévu de base. Quant à la fameuse Georgia, si Noomi avait mentionné son nom c’était d’abord parce que s’il arrivait un autre malheur, ils ne seraient pas seuls fautifs, mais elle aussi et puis qui sait ? Peut-être qu’elle occuperait un peu Frank. Dans tous les cas, tandis que lui la regardait en quête de soutien, la blonde, elle, regardait la fermière qui, avec l’air complètement paumé de ceux sur qui ça tombe sans qu’ils aient rien demandé, finit par acquiescer.
« Super, allons voir les poussins alors ! »
Ayant retrouvé le sourire, Sarah s’élança dans une direction – très certainement celle des poussins, du coup – traînant Noomi derrière elle mais jetant un coup d’œil par-dessus son épaule pour voir si Frank suivait aussi.

Il faudrait le torturer en lui enfonçant des pousses de bambous sous les ongles mais au fond de lui, Frank doit bien s’avouer que ouais, les poussins, c’est quand même trop mignon. Surtout quand ils viennent manger dans la main de Sarah, il sent son cœur fondre, le paternel. Sûrement qu’il doit même avoir laissé un sourire bien niais poindre sur son visage parce qu’il capte soudain sur lui le regard à la fois amusé et attendri de Georgia qui, prise en flag’, se détourne en gloussant. Putain, c’est que ça fonctionne vraiment le coup du papa gaga pour soulever des nanas, et même Frankie a du mal à le reconnaître, tout gêné qu’il est à se passer la main dans les cheveux pour se redonner un semblant de contenance. N’empêche que ça pourrait être un plan à tenter plus souvent. Et après les poussins, les agneaux, tout aussi adorables. Puis les porcelets et ceux-là, pour le coup, Frank les verrait bien à la broche plutôt qu’à lui couiner dans les oreilles surtout avec son fond de migraine mais bon, il se garde bien de le préciser.
Bientôt vient le moment du goûter et la ferme a préparé tout une dégustation à base de lait frais accompagnés de tartes réalisées avec le beurre fait sur place et les fruits du verger. Et Frank, il a une sorte de dégoût du lait alors pour éviter d’avoir à trop y penser, il se dévoue pour aider à faire le compte des gamins aux côtés d’une autre maman. C’est alors que la terrible nouvelle tombe : il en manque une. Vous êtes sor ? Tout à faire sor ! Oh ça alors ! Furieux mais essayant de se contenir pour ne pas faire une scène qui pourrait stresser Sarah, Frank prend la daronne à part car la gamine faisait partie du petit groupe dont elle était chargée de la surveillance, et fait signe à Noomi de les rejoindre.
« Putain de merde ! s’énerve-t-il en chuchotant. On en a perdu une ! Mais comment ça a pu arriver ? »
L’autre bouffonne est au bord des larmes, à s’excuser en boucle plutôt que d’essayer de trouver une solution et Frank aurait bien envie de la noyer dans un pot de lait.
« Mais ressaisissez-vous, merde ! Faut pas alarmer les gamins.
- Je sais pas comment c’est arrivé, je le jure, je les ai pas quittés des yeux.
- Bah faut croire que si puisqu’il en manque une ! Bon, faut que quelqu’un reste pour les surveiller, au moins pendant qu’ils bouffent ils devraient pas bouger. Et les autres iront à la recherche de… Elle s’appelle comment déjà ?
- Daenerys.
- … Sérieusement ? »
Il se voit déjà gambader dans la pampa en appelant ce prénom sûrement donné avant l’avènement de la dernière saison de Game of Thrones et fort regretté depuis et ça lui plaît vraiment pas, au Frankie.

En ce qui la concernait, Noomi pouvait affirmer qu’elle était toujours pas super fan de la ferme et de la campagne parce que oui, okay, les petits poussins et tout c’était mignon, mais ça sentait quand même beaucoup le fumier – et elle visait personne en particulier – et puis c’était super loin de tout. Elle qui crevait littéralement d’envie de café, elle pouvait même pas aller jusqu’au Starbucks du coin parce qu’il y en avait pas. Est-ce que ça signifiait que Noomi était une citadine pure souche ? Sûrement. Et pourtant, on rappelle qu’elle avait pas non plus grandit dans le coin le plus urbain qui soit. Peut-être qu’elle aimait juste pas les fermes, du coup. En tout cas, si elle était pas fan de la ferme, elle l’était en revanche de l’expression de pur bonheur qu’elle pouvait lire sur le visage de sa fille. Ça lui faisait même carrément oublier le fait que son ex-mari était en train de jouer les jolis cœurs avec la fermière. Ça le lui ferait oublier, oui, mais pas ne pas voir qu’ils avaient quand même l’air grave niais à s’échanger des petits sourires et regards qui en disaient long en pensant que personne ne les voyait faire. Ce fut peut-être d’ailleurs ce détail qui fit prendre conscience à Noomi que Frank avait bel et bien changé depuis le temps parce que ça lui ressemblait pas du tout de se comporter de cette manière. Lui, il était plus du genre à faire à faire du rentre-dedans totalement assumé, non ? Bref, les poussins, les agneaux et puis enfin le moment du goûter. Sûrement celui que la grecque attendait avec le plus d’impatience. Les tartes à base de fruits du verger, tout ça, ça la tentait grave. Et elle aurait pu en profiter si une autre mère n’avait pas eu l’air aussi perturbé. Elle voyait tout ça du coin de l’œil parce qu’en ce qui la concernait, le lait la dérangeait pas alors elle pouvait aider au service. Continuant d’observer distraitement la scène, elle vit Frank lui faire signe de venir. Ce qu’elle fit parce que la femme avait vraiment l’air chamboulé. C’est alors que la sentence tomba : une gosse manquait à l’appel. Noomi arqua un sourcil dubitatif.
« Z’êtes sûrs ? »
Non parce que y avait quand même beaucoup de gamins et la plupart se ressemblait pas mal, c’était facile de se laisser avoir. Mais partons du principe qu’il en manquait bien une, celle-ci s’appelait Daenerys. La blonde ne dit rien mais elle en pensait clairement pas moins. Et bien sûr, aucune idée de par où elle aurait bien pu partir.
« Okay, bon ben j’suppose qu’c’est à nous d’aller la chercher… Essayez d’faire en sorte d’en plus en perdre durant notre absence, ça s’rait cool. »
Puis Noomi partit directement en direction des enclos. La petite Daenerys avait peut-être bien décrété qu’elle avait pas passé suffisamment de temps en compagnie des ânes ou des dragons, allez savoir, et avait pris la décision d’y retourner solo.
« DAENERYS ! »
Ouais, ça faisait bizarre…
« DRACARYS ? »
Rien. Hé merde !
« J’espère bien qu’ils l’ont appelée comme ça à cause d’son blond polaire et d’ses yeux violets qu’on puisse la r’trouver facilement dans toute c’te verdure au moins. »