Parce qu'il faut savoir se défendre dans ce monde de brutes (Keegan)

Après mon agression et notre arrivée à Island Bay, à mon père et à moi, j’avais entamé des cours de self défense, mais aussi de tire. J’avais besoin de faire ce genre de sport pour ne plus avoir peur de mon ombre étant donné que mes heures chez le psychologue ne donnaient absolument rien. J’en avais fait pendant de long mois, et puis, j’avais espacé les séances lorsque j’étais rentrée à l’université, jusqu’à totalement cesser de m’y rendre lorsque j’avais trouvé mon premier poste. La peur des autres et surtout des hommes était toujours là, mais j’avais appris à vivre avec et puis, j’avais parfaitement bien intégré les différentes techniques, je saurais me défendre en temps voulu, m’étais-je dis. Finalement, j’avais appris tout ça pour rien, puisque malgré ma peur constante, mais vie était tranquille. Il ne se passait rien de bien compliqué ou méchant. En gros, tout allait bien. Du moins, tout allait bien jusqu’à il y a quelques semaines. J’étais seule chez moi ; enfin il y avait bien mon chat mais comme il ne fait rien d’autre à part dormir il ne compte pas ; je lisais car il n’y avait rien de bien intéressant à la télévision, quand, étrangement, j’ai entendue du bruit dans l’appartement à côté du lien. J’ai tout de suite trouvé ça suspect, car ma voisine, une vielle dame, s’était absenté pour aller rendre visite à son fils, l’épouse de ce dernier venait d’avoir un bébé. Je m’occupais de prendre son courrier et de le conserver chez moi, le temps qu’elle revienne, mais je n’avais pas les clés, car comme moi, c’est une femme méfiante. Je savais donc que l’appartement était vide, en principe, car si elle était rentrée, elle serait aussi venue me voir pour récupérer son courrier. Enfin voilà, je m’étais posée toutes sortes de questions et finalement, j’avais appelé la police. J’avais eu raison, la pauvre s’était faite cambriolée. Depuis, j’avais constamment la trouille de me réveiller la nuit et de tomber sur un type armé jusqu’aux dents, alors j’avais à nouveau poussé à porte de la salle ou je suivais mes cours de self défense, à l’époque. Force est de constaté que j’avais tout oublié de ce que j’avais appris. Je me sentais inutile et bien sûr, ma peur des autres, m’obligeais à rester seule dans mon coin, pendant toute la durée du cours. Seule, mais très attentive, je ne perdais pas une miette de ce qui disait le coach, me disant que oui, avec ce qu’il y avait eu dans mon immeuble, ça pourrait m’être très utile.

Keegan était quelqu’un de très énergique. Il avait énormément besoin de se dépenser s’il voulait se sentir bien. Il avait essayé de nombreux sports avant de se rendre compte que ce qu’il lui allait le mieux, c’était les arts martiaux. Ainsi, il réussissait à sortir toute sa frustration et sa colère. Ce n’était pas quelqu’un de spécialement violent, mais pouvoir exprimer son agressivité autrement que par les mots lui faisait du bien. Cela faisait des années qu’il avait rejoint ce club de self-defense. Il s’y sentait bien, il connaissait l’instructeur et il avait l’impression de continuer à progresser malgré tout.

Il était arrivé et s’était changé avant d’aller discuter avec quelques autres participants du cours avant le début. Il s’appliquait dans ce qu’il faisait, il prenait ça au sérieux. Après l’échauffement et avoir répété quelques mouvements, ils passèrent aux exercices à deux. Keegan regarda qui était seul lorsque son regard se posa sur une jeune femme. Il fronça les sourcils quelques secondes avant de se diriger vers elle.

« Helsie, non ? Ca fait un moment. »

Il ne s’approcha pas trop d’elle, lui laissant un large espace. Il se souvenait qu’elle n’était pas à l’aise avec les contacts et il ne savait pas trop comment ça avait évolué avec le temps. Peut-être en pire, si elle était de nouveau là.

« Ca te va si on se met ensemble ? »

Comme ça, ça leur permettrait de discuter un peu. Ce n’était pas son genre d’être bavard au sport, mais il pouvait faire une exception pour elle. Ce n’était pas souvent qu’il revoyait quelqu’un qu’il connaissait et avec qui il avait envie de discuter. Généralement, les gens de son passé avaient plutôt une dent contre lui. Keegan était un peu… beaucoup un connard quand il s’y mettait. Mais Helsie, il l’aimait bien, du peu qu’ils s’étaient cotoyés.

J’aimais l’idée de pouvoir savoir me défendre sans me mettre en danger, sans être en situation de faiblesse. Mais j’aimais aussi profiter des cours de self défense pour me défouler, évacuer mon trop plein de rage ou d’énergie. Là, j’étais en colère, parce que ce cambrioleur aurait très bien pu pénétrer chez moi. Et j’aurais fait comment ? je l’aurais attaqué avec ma lampe de chevet ? Je ne pouvais certainement pas compter sur mon chat pour me défendre si je me faisais agressée. Non, dans une situation pareille, je ne pouvais compter que sur moi-même, et sur personne d’autre. Et puis, j’en avais marre d’avoir peur de tout. Encore l’autre, j’avais piquer ma crise en allant courir parce que j’étais tomber sur un mec et je croyais qu’il me suivait, alors qu’en fait, pas du tout ! Le pauvre, il avait dû me trouver bonne pour l’internement. Alors voilà, ce soir, j’avais à nouveau pousser les portes du club. Je me sentais toute intimidée, comme si c’était la première fois que je prenais ce genre de cours. Je suis allée m’installer dans le fond, là, ou à l’époque, j’avais pris mes marques. Bien vite, le cours commença. On s’échauffa, on fit quelques exercices, puis nous passâmes aux choses sérieuses. Un cours de self défense n’aurait aucune utilité, aucun but si on apprenait pas, si on ne pratiquait pas les gestes de défenses. Evidemment, ce n’était pas ce que je préférais, car ça faisait remonter de vieux souvenirs à la surface, mais j’essayais de prendre sur moi. Les gens qui étaient avec moi étaient là pour des raisons similaires, voir identiques aux miennes. Je n’avais donc rien à craindre. Absolument rien. Un jeune homme s’adressa à moi, et je le reconnu aussitôt. Au tout début que je venais ici, il était là lui aussi, et on avait un peut parler. Il savait par exemple, que je n’étais pas une personne aimant les contacts humains. Non pas que je n’étais pas chaleureuse ou souriante, rien à voir, disons que je restais méfiante quoi qu’on m’en dise. J’eu un simple sourire quand il indiqua que ça faisait un moment. Et pour cause, je n’avais pas repoussé les portes d’ici depuis la fac. Autant dire que ça faisait une paye. On aurait pu se croiser quelques par en ville, mais j’évitais au possible de m’y rendre. C’était, encore une fois, plus fort que moi, voilà tout. Finalement, il me proposa de faire l’exercice tous les deux, ce que j’acceptais. « Comme au bon vieux temps ! » plaisantais-je, en le regardant.

Il répondit à son sourire. Il était content qu’elle accepte, ça leur permettrait de discuter un peu. Keegan avait bien besoin de ça, de papoter comme une petite vieille. Il se rendait compte qu’il recommençait à se refermer sur lui… mais il était bien déterminé à ne pas se laisser faire. Il n’avait plus quinze ans, mais presque trente, il était temps d’arrêter les conneries. Et pour profiter de la vie, il ne fallait pas avoir envie en permanence de jouer les ermites, non ?

« Je me souviens que tu te débrouillais vraiment pas mal… Tu m’intimidais même un peu. »

Keegan avait beaucoup de défauts, mais pas énormément de préjugés. Ce n’était pas parce qu’Elsie était une femme qu’il la sous-estimait, loin de là. Avec des années de pratique en arts martiaux et un nombre incalculable de défaites en combat, il savait qu’une femme d’un mètre trente pouvait parfois être aussi redoutable qu’un gros baraqué faisant deux fois cette taille.

« Tu te souviens un peu de ce qu’il faut faire ? Je peux faire l’attaquant si tu veux. »

Ce jour-là, ils revoyaient comment se défendre en cas d’attaques frontales. Ils avaient revu rapidement les mouvements avec le professeur, mais il voulait s’assurer qu’elle était au point avant de lui sauter à la gorge. Question de courtoisie tout de même.

« Et tu avais disparu où alors, pour qu’on ne te voie pas pendant si longtemps ? »

Il se plaça en face d’elle, à une distance toujours respectueuse, attendant son top départ avant de faire quoi que ce soit. Qu’elle décide de l’attaquer ou de se défendre, il suivrait son rythme. Si elle reprenait, ce n’était pas toujours facile de s’y retrouver tout de suite. Mais c’était comme le vélo, ça ne s’oubliait pas.

Parler, ça pouvait parfois faire du bien. Je le savais. D’ailleurs, je n’étais pas une personne timide, je n’avais pas peur de parler devant un publique, de prendre la parole devant un groupe d’inconnus. Le cas contraire, je ne serais jamais devenue journaliste. C’est un métier public que je fais, il ne faut donc pas être timide. Loin de là. Non, mon seul problème, c’était le manque total de confiance que j’avais envers les inconnus. Avec ce que j’avais subie à l’âge de dix-sept ans, il ne fallait pas s’en montrer surpris. J’avais compris que je ne pouvais faire confiance à personne et c’était dur. Je ne m’étais jamais vraiment liée d’amitié avec mes collègues de travail. Ils n’étaient pas méchants, quelque part, je me doutais que je ne risquais rien avec eux, tout comme je ne risquais rien l’autre jour quand j’avais rencontré ce jeune homme sur la plage déserte. Mais, c’était plus fort que moi, j’étais toujours méfiante, nerveuse. On me jugeait froide, mais les gens jugent toujours trop vite. Je n’étais pas froide, j’avais seulement peur de donner ma confiance à la mauvaise personne. « Ah oui ? C’est bon à savoir ! » dis-je, en lâchant un petit rire. Pas que mon but était de faire peur à un visage ami, mais il est vrai que c’était bien de savoir qu’on se débrouillait bien au point d’être intimidante, ça voulait dire qu’au moins, j’aurais pu avoir le dessus. Du moins, j’aurais eu le dessus, à l’époque. Aujourd’hui, je ne savais pas si c’était toujours le cas. « Pas vraiment non. Je suis quelque peu larguée ! » dis-je, piteusement. Quand j’avais cessé de venir, je n’avais pratiqué, seule de mon côté, alors forcément, je me sentais à l’ouest. Le jeune homme me demanda ensuite ou j’avais disparue, car, il est vrai, que j’avais été absente pendant très longtemps. Je m’agenouillais, le temps de resserrer le lacet de ma chaussure de sport, qui venait de se défaire. « Et bien, avec mes études, puis par la suite, quand j’ai trouvé mon job, je n’avais pas le temps de venir. Enfin, c’est plus une excuse qu’autre chose. Disons plutôt que je me sentais en sécurité. Plus forte. Jusqu’à ma voisine se fasse cambriolée la semaine dernière, là, j’ai décidée de reprendre ! » Expliquais-je, avant de me relever.

« N’en profite pas trop ! »

Keegan sourit doucement. Ca ne lui arrivait pas souvent d’avouer être impressionné par quelqu’un. C’était un peu quelque chose en contradiction avec son caractère, surtout celui qu’il affichait à l’extérieur. Mais ci, ils étaient tous égaux et il savait faire preuve d’humilité. Les années passées à faire des arts martiaux lui avaient au moins appris à être humble dans certaines circonstances.

« On va y aller tranquillement alors. »

En même temps, si elle n’avait pas pratiqué depuis la dernière fois qu’il s’était vu, c’était normal. Ce n’était pas le genre de geste qu’on faisait tous les jours… en tout cas, il l’espérait pour elle.

« Non, mais c’est vrai que dès qu’on commence à travailler, on a beaucoup moins de temps pour tout ça. C’est vraiment dommage que ce soit un événement dans ce genre qui te fasse revenir. Mais tu vas vite retrouver ton niveau. Au fond, je pense qu’une fois que tu sais et que c’est devenu un automatisme, il faut juste le répéter un peu avant que ça ne revienne. »

Une fois qu’elle fut relevée et visiblement prête, il se plaça en face d’elle, à environ un mètre.

« Je vais poser ma main sur ton épaule, comme si je voulais t’empoigner. Il faudrait que tu me prennes la main entre le pouce et l’index et que tu lui fasses faire une rotation vers l’extérieur. »

Il mima le geste qu’elle était censée faire avant d’effectivement poser sa main sur elle, toute en légèreté. Il lui laissa d’abord retrouver ses marques avant de mettre un peu de résistance, ne serait-ce que pour la laisser retrouver un minimum de confiance en elle.

« On pourra revoir les différents points de pression après, si tu veux. Comme ça, si le cambrioleur rôde encore dans le coin, t’auras de quoi le mettre K.O. »

En profiter, moi ? Ce n’était pas mon intention, encore moins dans mes habitudes. « Hum, non, ne t’inquiète pas. Ce n’est pas dans mes habitudes ! A part peut-être lorsque je dors ! » fis-je, en me mettant à rire. Et avant qu’il ne me pose la question, j’entrepris de lui parler du rêve que j’avais cette nuit. Je suppose que le fait d’avoir prévu de revenir ici, l’avait déclenché. « J’ai mis le prof au tapis dans un rêve ! » Expliquais-je, en me grattant l’oreille. « J’étais nerveuse à l’idée de revenir. Et je ne sais pas, je me suis imaginée qu’il me suivait, alors je l’ai mis à terre en frappant là où ça fait mal. » Pas besoin de faire un dessin, étant un mec, il devrait comprendre de quoi je parle. « Là où ça devient idiot, c’est qu’il s’est mis à rire, alors qu’il se tordait de douleur. J’ai pas compris. Alors j’ai recommencer, et puis je me suis réveiller ! » finis-je par dire. « Et je ne sais pas pourquoi je te raconte ça ! » Terminais-je, en pouffant. Quoique, Keegan est ce qui rapproche le plus d’un ami à mes yeux, même si on ne se connait pas en dehors de cette salle. Enfin, je finis par me ressaisir et lui avouer que j’avais plus ou moins oublier les exercices et il me proposa d’y aller en douceur. Tant mieux, je ne me sentais pas prête à y aller franchement. Il me demanda ensuite pourquoi je n’étais pas revenue et j’avais expliqué mes raisons. « Ce n’est pas un manque de temps. Juste que je commençais à me sentir en sécurité, alors je n’avais plus de raison de venir. » Expliquais-je. Je lui parlais du cambriolage de ma voisine, il trouvait dommage que ce soit ce genre d’évènement qui m’ait poussée à revenir. Il n’avait pas tort. Si je m’étais sentie en sécurité dans ma ville, dans mon appartement, jamais je ne serais revenue. Il m’expliqua que les gestes devraient me revenir facilement, car j’avais un bon niveau. « C’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas ! » dis-je, mais c’était plus une question qu’une affirmation. Il m’expliqua ensuite ce qu’il allait faire et dès qu’il posa sa main sur mon épaule, je fis le geste. « Comme ça ? » je demande, histoire d’être certaine de ne pas me tromper.

Keegan haussa les sourcils alors qu’elle racontait son rêve avant de rire doucement. Ce n’était pas très banal tout de même.

« Tu as des nuits mouvementées… C’est peut-être une envie au plus profond de toi de lui prouver que tu es meilleure. Genre, l’élève dépassera un jour le maître. »

Bon, il n’était pas sûr que ça arrive avant un moment. Lui-même redoutait quand il se retrouvait face à leur professeur. Il avait beau être un peu tête brûlée sur les bords et adorer les défis, il semblerait qu’il lui restait un minimum d’instinct de survie. Elle précisa les raisons de son absence et il hocha la tête. C’était normal, c’était normalement ça le but de ces cours. Une fois qu’on était sûr de soi, on partait. En tout cas, il espérait qu’elle allait vite se sentir de nouveau en sécurité. Ce ne devait pas être une sensation agréable.

« Oui, c’est ça, c’est exactement pareil. Une fois que tu as chopé l’automatisme, même si ce n’est pas actif, ça va te revenir instinctivement. »

Et ce fut en effet le cas, elle réussit à se dégager sans aucun problème. Il lui fit un sourire encourageant.

« C’est exactement ça. Tu vos, ça reviens tout seul. »

Il recommença plusieurs fois, augmentant progressivement la vitesse et la tenant de plus en plus fermement. Ce n’était pas du jeu s’il se contentait de poser sa main, il fallait bien qu’il résiste un peu. C’était de toute façon lui rendre service, car si elle devait faire ça en conditions réelles, l’autre ne se laisserait pas faire tranquillement…

« Tu me dis quand tu te sens à l'aise ? On passera à quelque chose de plus ardu, histoire de te tester un peu. »

J’avais des nuits mouvementées, ce n’était rien de le dire. Le plus souvent, je faisais des cauchemars, même quand je n’étais pas malade. Oui, parce que on dit que les médicaments peuvent provoqués des terreurs nocturnes, mais moi, j’en avais même lorsque je ne prenais rien. Et à dire vrai, je ne prenais rien depuis très longtemps. Mes cauchemars c’étaient calmés quand j’avais commencé à me sentir en sécurité, mais ils étaient revenus à fond ces derniers jours. Le plus souvent, j’avais affaire à des inconnus, mais de temps à autre, ceux qui visitaient mon paysage nocturne étaient des gens que je connaissais, comme mon professeur ou même mon père. Je le voyais me tourné le dos alors que j’avais besoin de lui. À ce moment-là, je me réveillais, sans parvenir à me rendormir. De ce fait, j’étais épuisée alors même que la journée débutait. J’en avais vraiment assez de vivre tout ça. Je voulais avoir enfin une vie normale, mais c’était bien trop demander que d’espérer. « Oui, peut-être, mais je pense que ça ne restera qu’un simple rêve ! » dis-je, avec un petit rire. Parce que bon, j’étais toute menue à côté de ce type. Un grand costaud, voilà ce qu’il était. Nous commençâmes l’exercice, puis Keegan constata à voix haute que je n’avais pas complètement perdu la main. Après, peut-être qu’il me ménageait, mais si mes souvenirs me revenaient correctement en mémoire, ce n’était pas dans ses habitudes. Ceci dit, là, même si on était en condition, je me sentais en sécurité, parce que je savais que l’attaque était fictive. Nul doute qu’en vérité, je prendrais mes jambes à mon cou ou me ratatinerais sur place, comme une petite fille sans défense. Oui, à mon avis, c’est comme ça que je réagirais et c’était bête de ma part. Nous continuâmes ainsi pendant plusieurs minutes, jusqu’à ce qu’il me demande de lui dire quand je me sentais à l’aise, afin de passé à quelque chose de plus difficile. Je secouais la tête. Ça faisait du bien de se défoulé, j’en avais grand besoin. « Oui, on peut y aller ! » lui dis-je, avec un petit sourire.

Il haussa les épaules avec un petit sourire. On ne savait pas de quoi l’avenir était fait… Keegan pensait qu’en se donnant le temps et les moyens, on pouvait arriver à faire énormément de choses, même des choses qu’on pensait impossible. Elle était peut-être plus petite et plus fine, mais ça pouvait aussi être un avantage. Et la confiance en soi jouait pour beaucoup aussi, il avait eu l’occasion de s’en rendre compte à plusieurs reprises, que ce soit dans sa vie professionnelle ou tous les jours.

Ils commencèrent sérieusement les exercices. Il lui laissait le temps de se réhabituer doucement aux mouvements et à lui. Et pour lui, c’était aussi un bon rappel. Les bases étaient ce qu’il y avait de plus important, il fallait les maîtriser parfaitement pour espérer progresser. Finalement, elle lui donna le top départ pour corser l’exercice.

« Alors c’est parti ! »

Il lui tourna un moment autour avant de fondre sur elle, lui attrapant le bras et réalisant une clé, l’immobilisant. Sa prise était ferme, tout en faisant attention, pour éviter de lui tordre violement le bras et de la blesser. Il appuya sur son épaule, la forçant à se baisser.

« Alors, tu fais quoi maintenant ? »

Il avait fait exprès de se mettre dans une position un peu bancale, pour lui laisser des ouvertures. Après tout, en combat réel, il y avait peu de chances pour qu’un adversaire ait une posture et un geste parfait. En tout cas, il ne comptait pas se laisser faire et il tenterait de résister, voir de détourner sa défense. Fallait bien qu’il s’amuse un peu aussi. Et qu’il transpire, parce qu’il appréciait sortir d’un cours en étant un peu mort.

Oui, parfois, ça aidait d’être petite et menue. Je pouvais me faufiler partout, ou bon me semble, me fondre dans la masse, écouter des conversations que je n’avais pas le droit d’entendre, comme lorsque j’étais petite fille. Etre petite à ces avantages. Mais être petites a aussi des inconvénients. Passé inaperçue, ne pas réussir à se faire entendre, ne pas être vu, être bousculée, ce genre de choses. Ce n’était pas toujours évident. D’ailleurs, quand on y pense, si j’avais agressée quand j’étais plus jeune, c’était bel et bien à cause de ce côté invisible qui me caractérisait. Mon petit côté fragile, comme une poupée de porcelaine. Il n’avait pas voulu me protégée, comme il l’avait prétendue, c’était tout le contraire. Il avait agi de la sorte pour me mettre en confiance et je l‘avais cru. Au fond, je n’avais rien à me reprocher. Je n’avais pas été naïve ou quoique ce soit. Je n’ai jamais été amoureuse de ce garçon, je l’aimais bien, mais je savais que ça ne serait pas sérieux. L’avait-il compris ? Avait-il su que je n’avais pas de réels sentiments pour lui ? c’est possible. Ça expliquerait les raisons qui l’avaient poussé à me droguer pour abuser de moi. Suite à ça, mon père et moi, on n’était partis. Je suis presque certaine qu’aujourd’hui, il est en liberté, peut-être même qu’il a recommencer. Ou alors, il regrette ce qu’il a fait et il est heureux. Si tel est le cas, je trouve ça injuste. Parce que moi, par sa faute, je ne suis pas heureuse. Par sa faute, je fuis ce que tout le monde recherche : un amour sincère et tendre. Je n’aurais sans doute jamais cela, à cause de ce type, qui avait tellement pas confiance en lui, qu’il a abusé de sa première copine. Fin de l’histoire. A cause de lui, je vivais sans arrêt dans la peur. A cause de lui, un petit cambriolage m’avait conduite à revenir suivre des cours ici. Nous continuâmes l’exercice pendant encore quelques minutes, puis, comme j’étais prête à passer à quelque chose d’un peut plus difficile, je signalais à Keegan, qu’il pouvait y aller. Je le savais. J’étais préparé. Et pourtant, quand il passa à l’attaque, je fus prise de panique. Complètement tétanisée, j’osais à peine respirée, à peine bouger, tandis qu’il me demandait ce que je devais faire.

« Helsie ? »

Elle ne réagissait pas… Sur le coup, il pensa lu avoir fait mal. Il desserra légèrement sa prise avant de comprendre que définitivement, quelque chose clochait. Il se rendit compte de sa respiration et elle n’avait pas l’air franchement bien. Il la lâcha, reculant d’un pas. Merde. Son but n’était pas de lui faire peur, loin de là. Il posa un genou sur le sol, les mains bien en évidence. Dans cette position, il ne représentait aucun danger pour elle, il n’y avait aucun moyen qu’il lui fasse mal ou même qu’il puisse la toucher. Il lui dit d’une voix douce :

« Helsie, tout va bien. Tu es en sécurité. Je ne vais pas te faire du mal. »

Bien au contraire… Il se sentait coupable. Il aurait normalement dû sentir qu’elle n’était pas prête, il aurait dû y aller plus doucement. Enfin, il ne savait pas ce qui la mettait dans cet état-là, mais il ne pouvait s’empêcher de se faire des reproches.

« Tu veux aller prendre l’air ? Ou t’asseoir un peu ? »

Il voyait bien que ce n’était pas le genre de situation où elle allait se remettre juste en reprenant son souffle. Il était curieux de savoir pourquoi elle avait réagi comme ça, mais pour une fois, il ne poserait pas de question. Le contexte laissait penser que quelqu’un avait dû s’en prendre à elle. Il comprenait doucement qu’il avait dû réactiver quelque chose, un traumatisme ou quelque chose dans ce genre-là… Il avait fréquenté assez de psychologues après l’assassinat de sa sœur pour savoir à quel point ça pouvait être important et causer un blocage. Ca le fit redescendre un peu sur terre, ça lui rappela qu’il n’était pas le seul à cacher une blessure derrière une apparence sûre au premier abord.

« Tu… préfères peut-être que je te laisse tranquille ? »

Ma réaction était excessive. Je ne me souvenais pas de mon agression puisque j’avais été droguée. Je m’étais réveiller dans un endroit sombre, sans ma culotte et j’en avais fait les bonnes déductions. Par la suite, il ne n’avait pas retouché, mais il m’avait séquestrée, aussi, je ne comprenais pas pourquoi, j’avais été tétanisée par la suite de l’exercice. Je savais que Keegan ne me ferait aucun mal, je le savais au fond de moi et pourtant, j’avais eu peur. Comme si, le geste qu’il avait eu, pourtant dans le cadre d’un exercice, était précisément ce que j’avais subie comme attaque. Au fond, peut-être que c’était le cas, mais je ne m’en souvenais pas. Le souvenir était trop enfoui dans mon subconscient et ne refaisait pas surface. Ce n’est que lorsque le jeune homme m’indiqua que j’étais en sécurité, que je refis surface. « Je … je suis désolée, j’ai eu une réaction stupide ! » avouais-je, finalement. J’avais soudain très froid, alors que je transpirais. Autour de nous, personne ne semblait s’être aperçue de ma crise de panique. Brève certes, mais elle m’avait vidée et j’étais épuisée. Il me proposa de m’assoir ou de prendre l’air un moment. J’acquiesçai d’un signe de tête. Je ne savais pas ce que je voulais entre prendre l’air ou m’assoir. « J’ai besoin d’un verre d’eau, je crois. Ou d’un truc plus fort. » fis-je, encore tremblante. Bon sang, mais que c’était-il passé ? Pourquoi avais-je réagi comme ça ? Je savais pourtant ou je me trouvais. En plus, je lui avais fait peur. Il savait que j’avais des problèmes, que j’avais peur, mais il ne connaissait pas le nœud du problème. Il me demanda si je voulais qu’il s’en aille. Je secouais négativement la tête. « Non reste. S’il te plait ! » lui dis-je. J’avais eu un mouvement de panique, c’est vrai, mais je savais qu’il ne me voulait aucun mal, que j’étais en sécurité avec lui.

« Non, non, ce n’était pas stupide… »

Loin de là. C’était même plutôt quelque chose à prendre au sérieux. Keegan était normalement quelqu’un d’égoïste, mais il ne pouvait s’empêcher d’être touché par la fragilité qu’il sentait en Helsie. Si celle-ci reprit son souffle, elle ne semblait pourtant pas aller très bien tout de même. Il se releva doucement.

« Ok, je reste. Viens, on va aller dans la salle annexe. »

Il ne se départissait pas de son sourire rassurant. La salle dont il parlait était collée à la salle d’entraînement. Il y avait un frigo, une table, quelques sièges. Ainsi, elle serait un peu à l’abri des regards. Ce ne devait pas être agréable de faire une telle crise en public. Il avait eu la chance de ne jamais avoir ce genre de réactions Généralement, son traumatisme attendait la nuit pour venir se manifester. Une fois à côté, il sortit une bouteille d’eau du frigidaire et lui tendit avec une petite grimace.

« Je crois qu’il va falloir que tu attendes un peu pour une boisson forte… »

Il croisa les bras et s’adossa au mur, la regardant sérieusement. C’était un moment délicat, parce qu’il voulait poser la question. Mais il avait peur de se montrer indiscret, de lui rappeler de mauvaises choses. Néanmoins, il finit par se lancer :

« Est-ce… tu veux en parler ? »

A peine, avait-il posé la question qu’il le regretta. Pourquoi elle lui en parlerait ? Ils n’étaient pas amis, tout juste de bonnes connaissances. Et puis, il n’était pas quelqu’un à qui on allait se confier naturellement. Mais si elle lui parlait, il écouterait, pour une fois.

Je me sentais honteuse de m’être laissée allée de la sorte, ceci dit, en dehors de Keegan, personne ne semblait l’avoir remarqué. J’aurais été réellement en danger, ça aurait été la même. Je me serais retrouvée seule face au danger. Ça me faisait froid dans le dos. Raison de plus, je pense, pour prendre ces cours avec le plus grand sérieux. Il voulait s’éloigner, pensant que peut-être, j’avais besoin de restée seule, mais je voulais qu’il reste, alors il me proposa d’aller dans l’annexe et je le suivi en marchant, j’avais encore les jambes en coton et je me laissais choir sur une chaise, tandis qu’il allait prendre de l’eau dans le réfrigérateur. C’était la première fois que je me rendais dans cette salle. « Merci ! » lui dis-je. Je me mis à glousser suite à sa réponse concernant les boissons fortes. J’avais dit ça plus sur le ton de la plaisanterie, mais je n’aurais pas dit nom à un verre de whisky ou autre chose du même acabit. « C’est pas grave, de l’eau, c’est très bien ! » et cela étant dit, j’ouvris la bouteille et en avala une longue gorgée. Elle était fraiche, ça faisait du bien. Et ça me remettait les idées dans le bon ordre. Je restais silencieuse, essayant de comprendre pourquoi j’avais réagis ainsi alors que je ne me souvenais pas de mon agression. Keegan finit par me poser la question. Il ne cherchait pas être curieux, quoique peut-être un peu, mais dans un sens, je le comprenais, et ça ne me dérangeais pas de lui en parlé. S’il était ici, à ses cours, c’est qu’il avait, lui aussi, des casseroles, des démons intérieurs et je savais que je pouvais lui faire confiance. « Quand je vivais encore en Irlande, l’année de mes 17 ans. J’ai été violée par mon petit ami. Je ne me souviens pas de ce qui s’est passé parce que j’étais droguée. Je sais seulement que c’est arriver. Je suppose que quand tu m’as attrapé toute à l’heure, ça à fait remonté tout ça à la surface. » dis-je, en regardant mes mains, croisées sur la table.