Parce qu'il faut savoir se défendre dans ce monde de brutes (Keegan)

« Putain, merde… »

C’était grossier, mais que pouvait-il répondre à part ça ? Ce genre d’histoires lui donnait envie de vomir. Comment pouvait-on se comporter ainsi, attaquer quelqu’un en tout impunité en sachant très bien que ça allait traumatiser cette personne et lui laisser des séquelles à vie ? Ca le dépassait. Il ne comprenait pas et il ne pouvait pas s’empêcher de se sentir mal à l’aise parce que finalement, qu’est-ce qu’il pouvait lui dire ? Qu’il était désolé ? C’était ridicule, il n’avait rien fait pour ça et il n’avait pas à se sentir coupable pour quelque chose que quelqu’un d’autre avait fait. Même s’il ne pouvait s’empêcher de penser, parfois, que vraiment les hommes n’avaient aucune tenue.

« Je… suis désolé. »

Ah bah si, finalement, il l’avait dit. Il soupira avant de venir s’asseoir en face de Helsie.

« Je ferai gaffe à l’avenir, j’essayerai de ne plus te bloquer comme ça et de juste faire attention à ce que je fais. »

En soi, c’était tout ce qu’il pouvait faire. Non en fait, il avait envie de faire plus. Keegan partait du principe qu’on avait qu’une seule vie et que ça valait plus le coup de la vivre intensément que de rester coller au passé. Oui, il ne faisait pas du tout ce qu’il pensait, même s’il tentait de s’améliorer.

« Ce n’est sûrement pas mes oignons mais est-ce que tu… tu en as parlé à quelqu’un ? De qualifié, comme un psychologue ou quelque chose dans le genre ? Il doit y avoir un moyen de t’aider à dépasser ce blocage, car ça doit être un poids au quotidien quand même… »

Après la petite crise que je venais de faire, je n’avais pas d’autre choix que de dire la vérité à Keegan, sur ce qui s’était passé dans mon passé, sur le pourquoi est-ce j’avais aussi peur. Je savais pourtant très bien que je ne risquais rien, mais sa posture m’avait faite paniqué. Sans raison. Enfin, là n’était pas la question. La réaction du garçon ne se fit pas attendre, je crois qu’il avait du tout imaginé mais qu’il était loin de la vérité. Très loin. Je ne pouvais pas lui en vouloir, on ne pense pas à ce genre de chose. Même moi, je n’y pensais pas du tout. Je croyais que ça n’arrivait qu’aux autres, avant de comprendre que pour n’importe qui d’autre, les autres, j’en faisais partie. J’essayais de me dire que c’était le passé, mais ce n’était pas facile pour autant. « Tu n’as pas à t’excusé, tu sais autant que moi, que ça n’est pas de ta faute ! » lui dis-je, d’une voix douce. Il m’indiqua qu’il ferait attention la prochaine fois. J’avais bien l’intention de poursuivre mon entrainement. Certes, il y avait eu un incident, mais ça n’enlevait rien de ma volonté. « Merci ! Je savais que je ne risquais rien, mais je ne sais pas, j’ai paniqué un peu trop vite ! » lui dis-je, sur un ton d’excuse. Je m’en voulais un peu de m’être laissée aller de la sorte, il était évident que je ne serais pas agressée pendant un cours d’autodéfense. Je le savais bien. Le jeune homme me demanda ensuite si j’avais déjà songé à voir quelqu’un pour m’aider. « Hum, oui ! Mais la thérapie n’a pas fonctionné. Je suis totalement fermé à ce genre de pratique. C’est pour cette raison que je suis venue à ce cours ! Que je fasse du sport en général, parce que c’est plus efficace pour moi que de parler. » Et puis, il faut dire que le psy m’avait assommée de médicaments tellement puissants que je n’étais même plus capable d’épeler mon prénom sans faire d’erreur. Et les médicaments me faisaient dormir, c’était épouvantable. Epouvantable parce qu’ils me faisaient faire des cauchemars.

« Je sais, mais… merde quoi. »

Ca le faisait grincer des dents. Forcément. C’était toujours difficile ce genre de situation, car on ne savait jamais comment réellement réagir. Quand elle sembla s’excuser pour sa réaction, il secoua doucement la tête.

« Toi non plus, tu n’as pas à t’excuser pour ça. »

Après tout, c’était le subconscient qui prenait le contrôle dans ce cas-là. Alors, elle n’avait absolument rien à prouver. Parce que vu comment elle semblait avoir une force de caractère, il se doutait que si elle choisissait tout pleinement, elle n’aurait absolument pas réagi comme ça.

Il hocha doucement la tête quand elle répondit à sa question. Bon, et bien, il n’y avait pas trente-six solutions alors.

« Alors si tu veux, on peut travailler là-dessus. En tout cas, travailler ensemble jusqu’à ce que tu retrouves ton niveau, jusqu’à ce que tu n’ais plus peur… et surtout, jusqu’à ce tu arrives à me maîtriser. Ce qui ne prendra pas beaucoup de temps, j’en suis sûr. »

Il sourit doucement, tentant de détendre un peu l’atmosphère. Enfin, c’était surtout lui qui n’était pas très à l’aise. Elle, elle l’impressionnait. Elle était calme, tranquille. Petit à petit, elle l’apaisait. Et pour ça, il avait envie de l’aider. Parce qu’il trouvait ce qu’il lui était arrivé injuste, dégueulasse et cruel. Et que ça le débectait au plus haut point.

Sa sœur était morte après son agression. Elle avait dû vivre les derniers moments de sa vie dans une terreur indescriptible. Helsie était encore vivante et elle méritait de laisser ça derrière elle, de pouvoir avancer. Et surtout, de ne plus penser à tout ça.

On s’excuse toujours des choses dont on n’est pas responsable. C’est un peu bête quand on y pense, mais nous le faisons tous. Je suppose que ça vient de l‘éducation qu’ont reçu nos parents et qu’ils nous ont ensuite transmis à leur tour. En cet instant, nous avons l’air bien sot, tous les deux. Moi pour m’excuser d’avoir eu cette réaction et lui, pour l’avoir provoqué, alors qu’il n’y est pour rien, il ne savait pas. Après tout, nous ne sommes pas vraiment amis, un jour peut-être, mais pas pour le moment. Pour le moment, nous sommes des connaissances, et des aussi des partenaires. « Oui, je sais ! Je crois que c’est mécanique, les excuses, je veux dire ! » dis-je. Je ne me considère pas comme une femme forte, j’essaye simplement de l’être. Je n’ai pas vraiment le choix, j’ai un passé que je dois apprivoisé, car je ne pourrais pas le faire disparaitre d’un coup de baguette magique ; la magie ça n’existe pas. J’ai beaucoup travaillé sur moi, mais de toute évidence, ce n’est pas suffisant. La psychanalyse ne m’aide en rien du tout, reste seulement le combat et la force. Je suis qu’une femme, je ne pourrais certainement pas faire tomber un type de cent kg, mais je pouvais toujours essayer. Apprendre à me défendre, c’était la base pour ne plus avoir peur. Au fond de moi, je le savais. Et ces dernières années, j’avais moins peur. Certes, il y avait toujours cette part de moi qui avait peur, mais elle restait dans l’ombre. Sauf que le cambriolage de ma voisine avait tout saccager et j’avais tout oublier. Du moins, j’avais cette impression. « Oui, je veux bien ! » lui dis-je, avec un sourire pâle. J’étais contente de le connaitre et j’espérais qu’avec le temps, nous finirions par devenir des amis.