Draw life. | Jonathan & Augustus.

Depuis quelques temps, Jonathan avait trouvé un endroit où il se sentait bien, un endroit où personne ne venait l'embêter. Le zoo. Quand il n'était pas au travail, il venait se promener. La première fois, il en avait fait le tour, d'abord la flore, puis ensuite tout ces petits animaux, en commençant par des perruches et des poissons. Mais le plus intéressant pour lui restait tout de même les animaux sauvages, comme les lions, les ours et tout le reste. Après tout, ce ne sont pas des animaux dont on a l'occasion de croiser le chemin tous les jours.

Plus d'une fois il s'était imaginé l'envers du décor. C'est vrai, on voit toujours les animaux se promener dans leurs enclos, mais il ne faut pas oublier que derrière, il y a tout une équipe qui est aux petits soins avec eux. Les soigneurs pour commencer, puis les animateurs aussi, sans oublier tous les fournisseurs qui apportent chaque jour plusieurs tonnes de nourriture pour satisfaire chaque espèce présente.

C'est donc ici que le jeune allemand avait trouvé refuge. Il ne se sentait pas obligé de faire bonne figure ou autre, il se contentait simplement de rester dans sa petite bulle. Il ne dérangeait personne, et personne ne s'occupait de lui, et d'un côté c'était bien mieux comme ça. Il n'était pas du genre à se faire remarquer, plus il était discret, plus il se sentait à sa place. S'il devenait invisible aux yeux des autres, c'est qu'il avait réussi.

En début d'après-midi, Jonathan avait trouvé refuge auprès de l'enclos des singes. Il n'y avait pas beaucoup de monde, les gens étaient sans doute concentré dans les points de restauration qu'offrait le zoo. Il s'était installé avec son petit carnet qu'il ne quittait jamais et un crayon qu'il sortit de sa veste, puis il se mit à dessiner un peu tout ce qui l'entourait. Malheureusement pour lui, ce n'est que quelques heures plus tard que les grns s'amassaient autour de l'enclos de ces animaux, il y allait sans doute avoir un soigneur qui allait donner à manger, et c'était toujours le même spectacle. Les gens en raffolait, Jon lui, était enfermé dans sa bulle et continuait son dessin sans se préoccuper de ce qui se passait à côté de lui. Ce n'est qu'après quelques minutes qu'il entendit une voix raisonner, en relevant la tête, il remarqua que c'était à lui qu'on s'adressait. Il se sentit soudain assez mal à l'aise. Les relations sociales n'étaient pas son point fort, d'autant plus avec les hommes, depuis son enlèvement.

" - Je.. Artiste ? Non du tout.. Les artistes sont doués et les trois quarts en vivent, moi, c'est simplement.. Un passe-temps.. Mais merci pour ce compliment.." fit-il en n'osant pas vraiment regarder son interlocuteur dans les yeux.

Jonathan avait commencé à dessiner peu de temps après sa libération. Il avait vu dans l'art une manière de s'exprimer autrement que par des mots, qu'il n'arrivait à prononcer. Plusieurs mois après qu'il est été retrouvé, il n'avait plus parler, les spécialistes disaient que c'était la suite logique avec le choc qu'il avait subi, mais malgré les années qui étaient passées, vingt ans très exactement, il n'avait pas retrouvé l'usage de la parole pour autant. Enfin si, mais il était tout de même très rare qu'il entame une conversation de lui-même ou bien aille au contact des autres. Au contraire, il faisait tout pour les éviter, même sortir la nuit pour ne pas croiser les personnes.

Le jeune allemand était ravi d'entendre ces compliments sur ses dessins, mais comme toujours, il resta neutre, il n'arrivait pas à montrer ses émotions, c'était quelque chose qui faisait partie de sa carapace, il pouvait paraître insensible, du moins en extérieur, car à l'intérieur, c'était un véritable déluge de sentiments contre lequel il devait se battre.

Jonathan ne connaissait pas trop les activités et spectacles de chaque jour, mais il savait que les horaires différaient en fonction des jours de la semaine pour que tous les animaux puissent être présentés au public, qui semblait ravis. Pour Weller, c'était quelque chose qu'il ne comprenait pas encore parfaitement. Ce rassemblement de personne l'effrayait plus qu'autre chose pour être franc, alors, le fait que tout le monde soit arrivé autour de lui le mettait véritablement mal à l'aise.

L'allemand savait que bien souvent, en voyant son refus de parler, ou plutôt son handicap de relation sociale, ils le laissaient tomber sans s'en occuper. A contrario, cet homme, qu'il ne connaissait pas, lui faisait la conversation, mais lui proposait même de nourrir les animaux. S'il était aussi doué pour donner à manger que pour parler, il faudrait mieux qu'il s'abstienne pour le bien de ce soigneur mais surtout, celui des animaux.

" - Je.. Je ne crois que ce soit une bonne idée.. Je ne suis pas vraiment doué pour ces choses là.. Comme pour le reste d'ailleurs.." avous-t-il à voix haute mais surtout pour lui-même.

En vérité, ça le gênait gênait d'être ainsi, mais, il n'arrivait pas à avancer, il fallait être patient, mais après vingt ans, il avait perdu espoir d'être un jour un homme normal.

Jonathan n'avait pas confiance en lui et passait son temps à se rabaisser lui-même quand ce n'était pas les autres qui le faisait pour lui. Alors à force, il en avait pris l'habitude et les compliments, il ne connaissait pour ainsi dire presque pas, et quand il en recevait il avait tout simplement l'impression qu'ils étaient forcés. Il était méfiant sur tout ce qui se passait autour de lui, il avait trop souffert dans son passé pour accorder sa confiance au premier venu.

Il remarqua la mine déçue de l'homme qui lui faisait face, et en réalité, il savait qu'il avait raison. C'était la même chose que les enfants qui disent qu'ils n'aiment pas tel ou tel plat sans même l'avoir goûté. Peut-être que ça lui plairait, peut-être qu'il était doué, mais il ne cessait que d'être mal à l'aise lorsqu'il n'était pas à un endroit où c'est lui qui maîtrisait les choses. Et là, il était un parfait étranger au milieu de tous kes autres.

Il rangea son carnet dans sa poche, puis, lentement, il se leva pour s'approcher de l'homme disant s'appeler Gus. Il attendait finalement qui lui dise comment faire pour leur donner à manger. Oui il se forçait mais il devait vraiment se faire violence pour se socialiser un peu, il ne pourra pas rester indéfiniment dans sa bulle à l'écart des autres.

" - Et moi Jon.." fit-il en lui adressant un sourire timide en coin.

Il regarda les animaux et leur comportement, c'est vrai qu'ils agissaient comme nous, ou plutôt, nous agissons comme eux. Jonathan se rendait compte que finalement tout cela était peut-être une occasion pour lui de se décoincé un peu et de profiter de sa vie pour la première fois depuis longtemps.

" - Assez souvent oui.. Je fais en sorte de trouver un endroit relativement calme pour dessiner ou écrire. Ça me détend de venir ici.." finit-il par avouer à Gus. " - Et vous, ça fait longtemps que vous travaillez ici ?"

Première fois qu'il cherchait à faire durer la conversation avrc quelqu'un, c'était peut-être un bon départ.

Malgré sa réticence, Jon finit par se lever, pas parce qu'il y avait été forcé, plutôt parce qu'il voyait là un moyen de faire un premier pas vers un homme, et de vaincre petit à petit sa peur de l'autre. Il savait pertinnement que ça ne se ferait pas en deux jours, mais c'était déjà un premier geste sur le chemin de sa potentielle nouvelle vie. Une fois aux côtés d'Augustus, ce dernier lui tendit le seau. Il prit un morceau de fruits et laissa le professionnel faire afin de l'observer pour essayer de reproduire aussi proche de l'identique le geste qu'il venait de faire. Peut-être même que ça l'aiderait à aller vers les autres, les animaux étaient différents et ils pouvaient parfois faire office de thérapie.

" - Non vous ne me dérangez pas, mais c'est vrai que je ne suis pas habitué à ce que quelqu'un m'adresse la parole, généralement je passe plutôt inaperçu.." avoua-t-il à l'homme avant de finalement ajouter " - Parler c'est bien aussi des fois.."

C'est vrai que tout cela pour lui était un peu étranger. Il n'était pas un grand parleur, c'était même tout le contraire. En finissant de parler, il lança à son tour le morceau qu'il avait pris quelques secondes plus tôt. Par chance, le morceau atterrit de l'autre côté du cours d'eau pour le plus grand bonheur des animaux. Il prit un second morceau pour réitérer son geste.

Finalement, le jeune allemand finit par lui demander depuis combien de temps il était dans le zoo. Il fut surpris de sa réponse. Douze ans. Ça faisait beaucoup de temps, mais il ne semblait pas s'en être lasser, au contraire, il semblait aimer son métier comme au premier jour, et c'est dans ce type de figure que l'on comprend que ce boulot c'est ce qu'on veut vraiment faire. Pas comme lui. Cependant, ses dernières paroles firent un écho tout particulier en Jon. Il avait presque l'impression qie ces mots lui étaient directement destinés. Est-ce qu'il avait encore la possibilité de vivre ses rêves ? Il avait tout de même trente ans, et il n'avait jamais rien fait d'autre que ce qu'il fait aujourd'hui.

" - Vous croyez vraiment que rien n'est défini ? Il y a un moment où les rêves ne sont plus accessibles malgré l'envie qui reste toujours la même.."

Oui il parlait bel et bien de lui. Il avait envie de vivre ses rêves, mais son passé l'empêchait tout simplement de s'imaginer dans l'avenir. Il vivait uniquement dans le passé, voilà pourquoi il souffrait autant.

La vision du soigneur était juste. Il fallait parler un peu, sans trop parler non plus. Jon était sans doute, une fois de plus en dehors de cette moyenne. Il n'avait jamais été capable de faire quoique ce soit comme les autres. Cela peut s'expliquer d'une certaine manière, et pourtant, malgré son envie de se sortir de son passé, il n'y arrivait pas, et vivait constamment dans son passé, de peur qu'on le rattrape et qu'il soit obligé de revivre une nouvelle fois ce cauchemar qui ne ferait que se répété.

Au fond, c'est vrai qu'ils se complétaient plutôt pas mal. Augustus semblait être un homme qui aime parler à tout le monde, histoire de faire la conversation, alors que Jon quant à lui, était celui qui ne disait pas un mot. Ce qui en énervait parfois certains, mais ils se désintéressaient simplement de lui.

" - Oui, vous avez sans doute raison, sur ce coup là on est assez complémentaires.." fit-il en esquissant un fin sourire en direction d'Augustus.

Puis, il se contenta de continuer à faire les mêmes gestes que le soigneur pour donner à manger aux animaux, qui n'attendaient que ça. C'est sur que le gabarit est assez différent de son petit lapin qu'il a chez lui. Et même si Jonathan aime les animaux, travailler dans un zoo ne lui a jamais traversé l'esprit. Ce n'est pas ce dont il a envie, ce dont il rêve.

Augustus se mit ensuite à réagir aux paroles de l'allemand. Qu'est-ce qui l'en empêchait ? Beaucoup de choses, notamment son passé. Pas facile de croire en soi quand on a été rabaissé plus bas que terre pendant des années.

" - J'ai un rêve irréalisable, l'autre peut-être un peu moins.. J'aimerai effacer mon passé et être confiant pour l'avenir, ce qui n'arrivera probablement jamais.. Quant à mon second rêve, j'aimerai arrêter mon métier que je fais depuis des années pour vivre de ma passion, l'écriture.. Je voudrais devenir écrivain, mais je n'ai pas la plume qu'il faut pour une telle chose.."

Pourtant il avait rencontré une jeune femme qui était venu lui rendre son carnet qu'il avait perdu quelques temps plus tôt. Elle était écrivaine et elle semblait vraiment appréciée la plume qu'avait Jon, mais il avait tellement pas confiance en lui, qu'il ne pouvait pas croire que ce soit vrai.

Jonathan n'avait déjà pas énormément confiance en lui lorsqu'il a été enlevé, normal pour un enfant de six ans. Mais, depuis sa libération, c'est encore pire. Il ne cesse de voir le mal partout, il en devient presque paranoïaque. Alors pour lui franchir le pas de changer de métier alors que concrètement, il avait toujours été boulanger, c'était quelque chose qui était impossible à faire.

" - Je n'ai pas la plume d'un écrivain.. Je ne suis qu'un simple boulanger/pâtissier, rien de bien exceptionnel en soit.."

L'allemand n'avait vraiment aucune confiance dans ce qu'il écrivait. D'autant plus que c'est vraiment personnel tout ce qu'il y note, ça reflète parfaitement sa vie, sans pour autant signer avec son prénom dans ses différentes bribes d'histoire.

Il écouta avec attention le jeune homme qui s'était arrêté de donner à manger aux animaux. Il l'avait alors imité. Puis lorsqu'il lui demanda s'il avait déjà écris quelque chose et s'il acceptait de faire lire son travail à Augustus, Jon hésita longuement. Son carnet était extrêmement précieux pour lui, il ne le donnait pas à n'importe qui. Pour la simple et bonne raison que dedans, c'était ni plus ni moins que sa vie qui était écrite, même si au premier coup d'oeil ça ne se voyait pas forcément. Lire ce carnet était une opportunité de connaître Jonathan et ses faiblesses, et donc, de le détruire plus facilement en appuyant là où ça fait mal.

" - J'ai écris quelques bribes d'histoire oui.." fit-il en tendant son carnet verd cet homme.

C'était une certaine preuve de confiance, personne ne l'avait jamais lu avant, il n'en avait pas donné l'occasion à qui que ce soit.

Jonathan n'avait jamais entreprit de démarches pour faire parvenir ses écrits à quelques éditeurs. Pourquoi ? Parce qu'il jugeait ses écrits beaucoup trop personnels pour les livrer à la première personne qui passe. Et puis, c'était vraiment difficile pour lui de partager son vécu, parce que son carnet c'était bel et bien ça, c'était le récit de sa vie tout simplement, même si Augustus n'en aurait probablement pas conscience. Il continua à se perdre dans ses pensées en se demandant ce que le jeune homme allait pouvoir penser de ses mots, mais au même moment, il fut sortit de ses pensées par son commentaire sur le métier de Jon. Il lâcha un petit rire.

" - C'est comme tout ça s'apprend, il faut juste avoir la motivation nécessaire, le reste suit. Et non, je n'ai pas envoyé mes écrits à des éditeurs, parce que.. Parce que de toute façon ce serait une perte de temps, pour eux, et pour moi au final.."

Le manque de confiance en lui empêchait Jonathan de faire beaucoup de choses qu'il aurait aimé accomplir. Le soucis, c'est qu'il ne s'en croyait jamais capable, parce qu'il avait toujours été rabaissé et traité comme un moins que rien, alors il avait fini par y croire.

Après avoir tendu son carnet un peu à contre coeur au soigneur, le brun attendait alors avec attention d'avoir son avis. Augustus lui demanda alors s'il y avait un passage en précis qu'il devait lire, réfléchissant quelques secondes, il lui indiqua celui où il raconta son quotidien durant sa captivité. Enfermé dans ce petit espace ressemblant à un placard, quelques mètres carrés seulement pour vivre. Quasiment pas de nourriture ni de boissons. Les seules fois où il sortait de sa "cachette" comme il aimait l'appeler, c'était quand son ravisseur avait besoin de passer ses nerfs sur quelque chose, et que ça tombait sur lui. Des fois c'était de simples coups, qui lui avait laissé des marques sur son corps, même encore aujourd'hui. Mais parfois, il l'attachait au lit simplement pour abuser de lui sexuellement. Jamais Jonathan n'avait pleuré pendant toutes ces années, mais ses émotions c'était ressenti par le fait qu'il devient presque muet et qu'après sa libération, il ne parlait pas plus, et ce, avec qui que ce soit.