We all need some rock in our lives ♦ Edyan#1

Je reste figée. Littéralement. Je deviens blême et mon cœur accélère. Pourquoi parle-t-il de vengeance? Serait-il au courant? Impossible... Je n'arrive plus à respirer et la tête me tourne. Mais comment peut-il savoir? Je crois m'évanouir lorsqu'il calme mes frayeurs en disant qu'il ne parlait que de l'incident au Seventies.  Il y avait un brin de malice dans sa voix et je pourrais presque jurer qu'il se joue de moi. Mais je ne veux pas y croire, ni même y penser pour l'instant.

Après avoir donné sa barre de muesli à Kyan, je l'entends sous-entendre qu'il faudrait refaire mon éducation. Je manque de m'étouffer et réalise que je suis à peu près au cent cinquantième arrêt cardiaque de la journée. Est-ce que j'ai bien compris ce dont il parle? A-t-il vraiment insinué ce que je pense qu'il a insinué? Ou est-ce que son sourire me fait imaginer des choses? S'il savait... On ne peut pas refaire quelque chose qui n'a pas été déjà fait. Je m'apprête à le lui dire mais je m'abstiens finalement, car je me souviens alors qu'il ne me considère que comme une gamine puérile. Ma remarque ne ferait qu'accentuer cette impression et de toute façon, je n'ai pas envie d'entendre ses plaisanteries à ce sujet. Je fais bien ce que je veux de mon corps. Et justement, pour l'instant, je ne veux rien en faire. Sauf peut-être avec lui.. Ah, n'importe quoi, Eden ! Je ne relève donc pas  ses insinuations et réponds directement à son autre question : «Au moins pour pouvoir te moquer encore une fois de moi, avoue!». Je crois qu'il a compris que je ne prenais pas ses réflexions aussi mal que ce que je laissais paraître. Alors, nous riions ensemble. Je croise une fois de plus son regard de braise, et une fois encore, je me sens fondre. Ça devient une habitude. «Tu devrais me revoir parce que je suis sympathique et que je fais tous tes caprices. Et aussi parce que je m'ennuierai sans toi. Mais si tu ne veux pas, je ne vais certainement pas e....» Il me coupe pour me préciser qu'il n'a jamais dit une telle chose et ensuite, il se relève en me demandant s'il peut me raccompagner quelque part. Visiblement, il doit retourner bosser. C'est étrange, mais je n'en ai pas envie. Je lui tends la main pour qu'il m'aide à me relever à mon tour. «Oh.. Oui. Tu peux me déposer à l'hôtel s'il te plaît?» Je vois de la curiosité dans son regard et il ne tarde pas à me poser des questions. «J'y ai pris une chambre il y a deux jours. J'étais en coloc avec une amie, qui est aussi ma sœur soit disant passant, mais on est un peu en froid, donc... Direction l’hôtel.» Je lui lance un grand sourire et m'apprête à lui dire qu'effectivement, j'ai eu mon lot d'émotions, mais la voix du concierge de l'immeuble nous crie de foutre le camp de cette propriété privée avant qu'il n'appelle la police. Kyan reprend sa veste à toute vitesse, m'attrape le bras et m'entraîne vers la sortie en courant. J'ai envie de fuir le plus vite possible, mais cette fois, la douce sensation de la main de Kyan posé sur moi me pousse à ralentir la cadence et à prolonger cet instant.

Décidément, Kyan fait bien des allusions pour quelqu'un qui me prend soit disant pour une gamine. Et comme de juste, ça fait un moment qu'il n'a plus insinué ce genre de choses. Tant mieux. De toute façon, je sais déjà qu'il le pense, alors inutile de me le rappeler dix fois par minute.  Il me dit ensuite comprendre May.  Moi, un mauvais caractère? C'est plutôt lui, je dirais. «Oh.. J'aimerais bien que ça ne soit qu'un problème de caractère..» Je n'en dirais pas plus, car parler de May est encore un peu douloureux. Il faut que j'apprenne à vivre avec tellement de choses sur la conscience que parfois, ça me paraît impossible.

Nous arrivons devant l'hôtel et j'aimerais ne pas devoir lui dire au revoir. D'autant plus qu'il n'a même pas mon numéro puisque j'ai fais l'erreur de lui en donner un faux. Il ne risque donc pas de pouvoir me rappeler. Remarque, ça m'aiderait peut-être à mettre des distances entre nous. Moins je verrais Kyan, moins je serais tentée d'imaginer ses mains sur moi. D'ailleurs, en ce moment, je n'imagine rien du tout. Tu parles ! Kyan semble bien mal à l'aise en me disant que je suis arrivé à bon port. Je suis un peu honteuse de lui avoir avoué que je vivais ici, car contrairement à son nom, ''Le Belair'' ne paye pas de mine. Mais c'est le moins cher de la ville et vu mes finances.. je n'ai tout simplement pas eu le choix. Ma mère n'a toujours pas envoyé de virements sur mon compte en banque et si elle ne le fait pas, je risque d'être mise à la porte une seconde fois en moins d'une semaine. Mais je préfère ne pas y penser avant d'y être. Je suis sure que ma mère ne va plus tarder à faire ce qu'elle a à faire. Je veux dire, elle ne me laisserait jamais sans argent, donc je suis certaine que ça ira. Kyan me demande combien de temps je compte rester ici. Il lit dans mes pensées, ma parole ! «À vrai dire, je ne sais pas. Ma mère n'a pas encore renouvelé son virement alors,... c'est un point d'interrogation pour l'instant. Disons juste que je vais suivre le vent..» Kyan ajoute une question à propos d'éventuels amis qui pourraient me laisser squatter chez eux le temps de pouvoir me retourner. «Euh.. Je n'ai personne de suffisamment proche que pour oser demander ça.. Et honnêtement, tu trouves que j'ai l'air de demander de l'aide à qui que ce soit? Puis, je n'ai pas envie de faire chier les gens. Et ma mère va me faire ce foutu virement, alors je ne me tracasse pas...» Si seulement c'était vrai..  Je ne sais pas pourquoi il me pose autant de questions. On s'est bien amusé aujourd'hui, même si mes pieds vont probablement hériter d'ampoules, mais est-ce que son regard sur moi aurait changé au point qu'il s'inquiète de mon sort? Je deviens tout à coup nerveuse, comme si Kyan était devant moi pour la première fois. «Bon.. Tu ferais mieux d'y aller. Je ne voudrais pas te mettre en retard.» Il est vrai que Kyan n'a pas mon véritable numéro, mais il a mieux que ça. Il sait où j'habite et je me dis que si l'envie de me revoir lui prend, il saura où me trouver..