Pas de chlore pour les sirènes... (Nina & Noa)

Difficile d’éviter de sourire quand l’idée de poser nue est lancée. La réaction de Nina est claire : solution impossible. Pas simple en soi de franchir ce pas et de s’exhiber, je le conçois. D’autant qu’on ne sait pas toujours où va atterrir le dessin ou la photo. Je ne sais pas si je me lancerais à le faire. Dans un atelier de peinture, avec dix apprentis artistes de tout âge, hommes et femmes mélangés... enfin dix... les ateliers d’art à l’université sont toujours à la recherche de modèle et c’est bien plus que dix paires d’yeux qui vous fixent ! Et finir statufiée dans un bloc de pierre de six mètres de haut, sculpture placée devant l’entrée principale de l’université. Si peu que l’artiste est le talent pour vous faire un visage reconnaissable... “On se serait pas déjà vu quelque part ?”... oui, bien sûr !

Au final, Nina arrive à la même conclusion que moi. Le Foxglove. La solution évidente. — Comme mes cours de surf, même si c’est plus modeste et sujet aux intempéries. Je vais le garder tant que je n’aurais pas un vrai boulot. Peut-être même que je jonglerai entre les deux, des fois que je me plairai pas sur la longueur dans ce job dont je n’ai aucune idée. Je me mets à rire devant l’avenir proche que Nina se dessine avec les choses précises qu’elle veux ou ne veux pas, alors que moi je m’éloigne vers un flou monumental. Nos verres se sont vidés. Je ne sais pas l’heure qu’il est. Peu importe, je n’ai pas de rendez-vous. Nina, je ne sais pas. — Dis-moi, après tout ce liquide... Autant celui bu que celui dans lequel nous trempons depuis un moment. — Est-ce que grignoter quelque chose te tente ? Va savoir pourquoi ce bain m’a donné faim, moi qui oublie jusqu’à manger ces derniers temps, l’appétit n’étant plus trop criant. Peut-être aussi parce que je ne fais plus autant de sport. Manque de motivation, manque d’énergie, le cercle vicieux qui vous cloue dans un fauteuil à vous abrutir devant une série télé absurde. Puisque l’envie nait, il faut en profiter même si ce n’est pas pour la nourriture la plus saine qu’on puisse trouver. — Il y a un pot de Nutella qui attend dans le placard que quelqu’un se dévoue à l’entamer. On peut exhausser son voeux le plus cher si tu es intéressée. Entre ça et les pots de glace, rien de tel pour noyer n’importe quel blues, quelque soit l’heure de la journée ou de la nuit. Ouais, c’est promis, demain je me remets au sport.

Je sens une attention toute particulière de la part de Nina quand je lâche le mot “Nutella”. Tiens ! Tiens ! Serait-ce son petit péché mignon ? — J’ai l’impression que tu es plus à l’aise avec une cuillère et un pot de Nutella que sur une planche de surf. Tu maîtrises mieux, non ? Je me mets à rire en disant cela répondant ainsi à son rire de tout à l’heure quand elle précisait n’être pas la plus douée de mes élèves. — Ok. Go sur ce petit coquin qui se cache dans le placard. Je me lève à mon tour et sors du spa. Je récupère les serviettes et en tends une à Nina. Une fois épongée, oui parce que pour sécher complètement mes cheveux il faudra attendre un peu, je mets le jacuzzi à l’arrêt. Je finirai de ranger plus tard. Pas question de faire attendre le petit creux de mon amie. Nous reprenons le chemin inverse. Mais cette fois pas d’arrêt dans la chambre de Kenzo. Ce sont des mains féminines qui feront un sort à la pâte aux noisettes, pas question de laisser quelqu’un d’autre y mettre une cuillère. Une fois dans la cuisine j’ouvre la porte qui cache le responsable de notre envie sucrée. J’ai une seconde d’angoisse quand je ne le vois pas. De sueurs froides même. Si Kenzo est passé avant nous, il va sentir ma colère. Kenzo ou maman... non elle aurait pas fait ça ! Je pousse les pots, boites et conserves pour le découvrir enfin. — Viens-là petit. Je le dégage enfin pour le poser victorieusement sur la table. Viennent s’ajouter, pain brioché, biscotte et cuillères. Opération ouverture du pot. Attention, c’est sérieux. Un clac et le voilà livré à notre faim de loup. Ou d’ours. Ou de requin. Ou de jeunes femmes ayant besoin de se ressourcer. Comme on veut. Je contemple cette chose magnifique posée devant nous un instant puis je lève les yeux vers Nina. — Honneur aux invités. Je pousse le pot vers elle avec un large sourire. La journée finira mieux qu'elle n'a commencé. C'est une évidence.