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| Sujet: Re: supermarket (#) Mar 3 Oct - 1:52 | |
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Je propose mon aide à Rose – spontanément, sans la connaître plus que cela, sans prendre en considération les difficultés que je vais devoir affronter pour elle, et qu’est-ce que j’obtiens en retour ? De la peur. De la lâcheté. Tout simplement parce qu’elle n’a pas confiance en elle, parce qu’elle n’estime pas mériter de s’en sortir, elle rejette ma proposition d’un revers de main. Comme si elle avait le choix. Mais elle a le choix ! En aucune façon je n’ai le droit de la contraindre à accepter de s’en sortir. Seulement, me contenter de lui dire que j’accepte cela, que je lui souhaite de s’en sortir tout de même, cela m’est impossible. Alors, nerveusement, je me lève pour faire les cents pas dans cette ruelle. Et vous savez qui je vois à sa place ? Moi. Je me vois moi il y a sept ans. Je me vois moi au quotidien. Je me vois moi ainsi que mon foutu besoin de me punir pour un acte qui n’a pas dépendu que de ma seule volonté, à l’époque. Je me vois moi et ma foutu lubie de m’interdire d’être heureuse parce que je me positionne davantage en coupable que victime – tout les jours. Ça m’exaspère. « Parce que tu crois que c’est comme ça qu’il aime te voir, Anna ? » Qu’est-ce que je dis, là ? Tu transposes ta vie à la sienne. Arrête. T’es pas non plus une camé qui se cache derrière la drogue. J’ai été une alcoolique qui se cachait derrière l’alcool. Et tu t’en ai sortie. Avec un bon coup de pied au fesse de tante Silvia, oui. Mais c’est ça ! C’est ça ! Les gens dans le besoin n’ont pas besoin qu’on les dorlote, qu’on les chouchoute. Ils ont besoin qu’on les secoue un peu – littéralement, pour se décider à puiser au fond d’eux cette rage nécessaire à la guérison ! M’arrêtant de marcher, je me poste face à Rose pour lui déclarer plus durement. « Vous savez quoi, Rose ? Les gens qui disparaissent voient absolument tout et d’où ils sont je ne crois pas qu’ils apprécient que l’on devienne des loques humaines. Au contraire. Comment voulez vous les oublier en guérissant si vous n’êtes pas capable de les oublier en vous shootant depuis un an ? » Je lui montre de l’index mon crâne. « Quoiqu’on fasse, quoiqu’on devienne, les gens qu’on aime demeurent toujours là-dedans. » Je lui montre mon cœur. « Et là-dedans. » Je me dirige vers mes sacs pour les prendre en main. « Maintenant, si vous préférez qu’ils aient honte de vous parce que vous préférez vous laissez sombrer, grand bien vous fasse, mais je ne resterais pas à vos côtés pour assister à votre déchéance totale. » A ces paroles, je prends la direction de la rue. Soit ça passe, soit ça casse. A elle de décider si elle veut se battre, ou continuer de pleurnicher sur son triste sort.
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