Challenge your limits (Nina)

Ce jour-là, c'est le calme plat au café. Le patron vous avait mis au parfum, le bar risquait d'être bien moins sollicité que d'ordinaire. Ce serait certainement le café qui serait plus réclamé. C'est pour ça que tu étais bien content d'être entouré de plusieurs personnes. Parce que barman, tu gérais, mais le côté barista t'ennuyait un peu plus, il fallait le dire. Rhéa t'avait plus ou moins laissée tomber pour le coup, elle qui était ton soutien au quotidien depuis que tu avais commencé à travailler là, mais son emploi du temps l'avait faite rentrer chez elle. Le côté positif, c'était que dans les collègues avec qui le courant passait bien, il restait Nina. Alors bien sûr, vous étiez plus du genre à vous lancer dans des compétitions stupides, mais il fallait bien pimenter les journées à travailler quand elles étaient un petit peu trop longues. Et c'était souvent le cas. Au fin d'après-midi, après les dernières recommandations de votre boss, du genre "surtout, pas de frasques, pas de pertes, que du bénéfice", tu avais regardé Nina, en levant les yeux au ciel. « On va bien s'amuser tiens... »
Et tu ne pensais pas si bien dire. Car, plus de trois heures après, les clients n'affluaient pas vraiment, et tu t'ennuyais fermement. Alors que deux de vos collègues présents semblaient comploter pour se barrer le plus rapidement possible, tu sortais de derrière le bar pour t'y adosser. En fait, les recettes de la fin de journée et de la soirée risquaient d'être un poil pathétiques pour cette journée. En voyant arriver un groupe de plusieurs hommes, tu soupirais. Ouf, il était temps que du monde arrive. Nina à côté de toi, ton sourire en coin apparut rapidement sur tes lèvres. « Celui qui sert/prépare le plus rapidement le groupe gagne 30 dollars, ça te tente ? »

Une journée très ennuyeuse en perspective n'était pas toujours une journée perdue. Et tu avais cette folle habitude de tout faire pour que ce genre de journées ne finissent pas en moment dépressif. Surtout quand tu étais en compagnie de gens "appréciables" (ta notion d'appréciabilité s'arrêtait souvent aux personnes que tu supportais et qui te supportaient en retour). Tu étais du genre à toujours déconner, essayer d'alléger l'ambiance, certainement parce que tu avais pris l'habitude, depuis ton plus jeune âge, de tout faire pour dédramatiser. Sans doute un cadeau laissé par ton père et toutes les conséquences que son départ avait causé, comme l'internement de ta mère en clinique psychiatrique. C'est donc tout naturellement qu'en voyant - enfin - un groupe de clients débarquer, tu t'étais tourné vers Nina, une idée en tête. Ce que tu ne remarquais que trop tard, en revanche, c'était que la jolie rousse était prête à s'occuper d'eux juste avant que tu ne la stoppes. Ce n'était pas ta faute, mais le tact en mode rapide, c'était pas non plus ta meilleure qualité, bien loin de là. Tu lui avais proposé un défi, qui avait suscité une question de Nina à laquelle tu répondais par un haussement d'épaules. « Je crois que c'est parce que c'en est une ! » Mais aussitôt, tu t'en mordais les doigts, réalisant que tu n'avais pas les trente dollars si tu perdais. Et visiblement, c'était aussi le cas de ta collègue, puisqu'elle ne manquait pas de le souligner. Alors certes, tu aurais ta paie pour la journée à la fin de la soirée si tout allait bien, mais tu ne pourrais pas en garder beaucoup et tu te doutais que ce serait la même chose pour elle. « Au temps pour moi, moi non plus. Je crois n'avoir que deux misérables dollars dans mon portefeuille et un bonbon de mon rendez-vous chez le dentiste. Alors, ça réduit le challenge, mais acceptes-tu ? » Oui, tu détestais tellement le dentiste que même des années après ton statut d'enfant apeuré, tu récoltais des bonbons. Fallait dire qu'il te connaissait depuis un long moment celui là. Puis au pire, si Nina ne pouvait pas, vous trouveriez un autre "prix" à gagner. Genre, celui qui pourrait manger le bonbon à la fin de la journée de travail. Par exemple, bien sûr.

Généralement, tu restais derrière ton bar, ce n'était donc pas toi qui servais les gens et qui savait donc qu'ils aimaient être vite servis, bien que ça soit de la logique pure et dure. Alors tu n'avais eu aucune honte ni rien qui t'empêchait de l'arrêter dans son élan. Tu souris à sa phrase suivante. « C'est vrai ! Mais au moins j'ai essayé ! » C'était faux, tu savais faire bien plus malhonnête que ça. Mais tu n'allais pas l'avouer tout haut, déjà que rien ne disait que Nina ne le sache pas déjà. Alors pas la peine de pousser mémé un peu trop près des orties, ça suffisait déjà de lui proposer de te piquer un bonbon qui restait dans ta poche. Un peu miteux d'ailleurs, comme proposition. « Tu l'as dit ! Ca pourrait être cool qu'on nous donne enfin une augmentation. Même de pas beaucoup, mais histoire de payer les factures tout ça. » La vérité c'était qu'en travaillant ici, tu étais bien heureux d'être en colocation et pas tout seul dans ton coin. Tu ne t'en serais certainement pas sorti tout seul, avec un salaire de misère et tout ce qu'il te fallait payer. Ta tante et ton oncle étaient le seul soutien financier qu'il te restait, mais tu n'avais pas envie de les embêter à leur demander de l'argent sans cesse quand c'était eux qui payaient les soins de ta mère. Ce n'était pas normal, d'ailleurs, de ton point de vue que ce soit eux qui les paient, tu aurais davantage trouvé normal de les payer toi ou de demander à ton père, que tu n'avais jamais rencontré, ou du moins pas à ton souvenir, et tu ne savais même pas s'il était toujours en vie, qui plus est. « Pas faux... faudrait qu'elle se finisse cette putain de journée. » C'était histoire de mettre un peu de piquant à cette journée plate, ou du moins d'essayer de la rendre un peu plus vivante. Morne et inintéressante, c'était ce qu'elle avait été jusque là, et il fallait bien que ça change. « Super ! Tu veux pas qu'on mette en jeu le bonbon du dentiste ? » T'étais sacrément chiant que tu t'y mettais, mais la vérité, c'était que tant qu'à ne rien gagner, autant ne rien perdre et en être certain. Parce que sinon, tu le mangeais immédiatement, ton satané bonbon.

Fallait bien vivre, c'était vrai, mais les temps n'étaient pas tout à fait simples au café. Pourtant il vivait bien, mais vous pas. En tout cas, toi et Nina, c'était pas lui qui vous remplissait bien les poches non plus. Alors, oui, tu mettais l'augmentation sur le tapis, t'y pouvais quoi ? Tu grimaçais à l'expression de la rouquine. Beurk ! « Du beurre ? avec des épinards ? brr, j'en ai des frissons d'horreurs. » Tu esquissais un petit sourire. Tu avais bien compris qu'il s'agissait d'une expression, seulement tu aimais jouer au plus stupide, même si tu jouais seul. L'avantage, c'était que tu gagnais toujours. Un petit coup d'oeil à ta montre. Tu étais crevé, éreinté. C'était comme ça que, oui, tu devenais assez grossier. Ton langage se perdait, excepté lorsqu'il fallait faire des courbettes aux clients, c'était dans ces moments là que tu étais content quand il ne venaient pas s'asseoir au bar et que ce n'était pas toi qui t'occupais de la partie "communication". Au sens propre, bien évidemment. Tu levais les deux mains en signe d'abandon. Tu reconnaissais que parfois tu parlais tellement vite que tu ne faisais pas vraiment gaffe aux mots que tu employais, tant qu'ils restaient dans le sens de ce que tu voulais dire. « Au temps pour moi. Il faudrait qu'elle finisse cette fatigante journée. C'est mieux ? » Ca l'était, tu le savais, mais t'avais juste envie de rentrer chez toi, pas de te demander si tu parlais bien ou pas, alors tu préférais demander, histoire de te poser le moins de questions possibles. Gros fainéant que tu faisais. « J'ai hâte de filer sous ma couette. De là elle m'appelle, c'est fou ! »
Très puérile, tu lui tirais la langue. Ton bonbon, il était pas si vieux que ça, puis il était emballé, mine de rien ! Elle risquait pas l'intoxication alimentaire. Mais bon... tu n'allais pas te plaindre, au moins tu l'aurais pour toi tout seul aussi. « La confiance règne dis-donc ! Tant pis, tu manques un truc. » Et, comme pour la narguer un peu plus de son mauvais choix, tu t'emparais du bonbon, défaisais le papier autour et le mettais dans ta bouche.
« C'est parti ? » Un peu de piment dans cette journée, ça te donnait envie qu'elle finisse le plus vite possible, alors tu avais un peu hâte que le défi ne commence, t'étais persuadé qu'après ça, ce serait terminé. Alors un peu de courage et de patience, le temps que Nina ne te réponde.

Tu avais souri. Oui, il y avait bien pire, mais tu n'étais pas du genre à l'avouer. Tu avais cette habitude débile de toujours tout prendre à la légère, de dédramatiser à fond. Histoire d'éviter les sujets sensibles. Oui, c'était tout toi. Alors, forcément, toute perche était bonne à prendre. « C'est vrai. Mais pour l'heure, la pire chose dont on ait parlé ou qu'on ait vue, c'est ça ! » Une chance folle que Nina n'était pas le genre à rouler des yeux et t'envoyer paître sans aucune élégance. Au moins, elle t'envoyait paître correctement, c'était déjà ça. Et encore, pour l'instant, tu n'avais pas eu l'occasion de te faire envoyer sur les roses. Tant mieux. Enfin, si un peu. Te souligner à quel point tu pouvais être grossier, c'était ce genre d'envoi délicat mais à l'atterrissage brutal dont elle était capable. Tu lui tirais la langue. « Madame "je ne suis pas prof de Français mas c'est mieux" » Tu réfléchis à sa question. Etais-tu vraiment fatigué ou juste un fainéant comme un autre qui voulait juste finir sa journée rapidement pour rentrer chez lui et dormir ou se prélasser ? « Un peu... ne pas faire grand chose de sa journée, débout en attendant que les heures passent, c'est assez épuisant... » Surtout que derrière le bar, y avait pas grand chose à faire si tout était fait, comme c'était en l'occurrence le cas. Mais tu pouvais bien te plaindre, tu savais que les serveurs et les baristas avaient autant à dire que toi sur l'état de fatigue conséquent d'une telle journée.
Et puis tu n'avais pas eu le temps de réagir. Tu avais cherché, c'était tout. Elle s'était approchée, et lui avait volé son bonbon avec une méthode qui manqua de te faire t'étouffer sous le choc, mais tu gardais consistance. T'avais pas non plus complètement envie de perdre le défi ni rien, et tu étais le genre de mec à plus déconner qu'à se laisser prendre au piège, autant garder ta contenance. « Eh ! J'croyais que t'en voulais pas ! C'est de la triche ça ! » S'il y avait des spectateurs à cette scène, nul doute qu'ils se moqueraient de toi. Parce que, vraiment, t'étais ridicule. Et puis, la guerre était lancée, puisqu'elle était partie de son côté pour prendre les commandes. Comme sur des startings blocks, tu étais prêt à commencer, tu étais prêt à ne pas te faire ratatiner surtout !

Avec Nina c'était simple de vous charrier, et c'était aussi simple de ne pas se prendre la tête. C'est pour ça que tu aimais bien travailler avec elle. Et avoir des semi-disputes qui n'en étaient pas. « Mouais, arrange-toi bien comme tu veux, tu sais que j'ai raison, c'est tout ! » Mais ça n'était pas ça qui restait le plus dans ta tête, c'était cette journée qui n'en finissait pas et qui te gavait à ne rien faire d'autre qu'être debout. La rouquine semblait compatir, ou du moins être du même avis que toi. Réconfortant ou pas, c'était toujours bien d'avoir une discussion où tout n'est pas que conflit, aussi débile puisse-t-il être, d'ailleurs. Ca te changeait de beaucoup de monde à qui tu te frottais sans le vouloir et avec qui tu te piquais sans arrêt. « Exactement ! et tu finis par tourner toute la nuit, avec une envie de dormir mais pas possible, et le lendemain t'es encore plus fatigué. Un vrai cercle vicieux ! D'autant qu'on n'est pas vraiment payés à notre dose de fatigue, ce qui est dommage. » Tu avais remis très innocemment vos salaires sur la table, mais c'était la réflexion que tu te faisais souvent en te disant qu'être payé de cette manière, en faisant vos horaires, ça pourrait être gravement cool. Pour le reste, tu rêvais pas trop non plus, tu savais que ça ne se faisait pas comme ça non plus. Puis heureusement en fait.
Mais dans ton genre, tu restais un râleur. Surtout qu'au début, elle en voulait pas de ton bonbon. De un, elle te l'avait piqué, et deux deux, c'était pas vraiment loyal comme action. « C'est de la triche... Oui, voilà, PIRATE ! C'est du harcèlement ! Ou en tout cas si ça avait été moi qui avait fait ça, ça l'aurait été, donc c'est pas juste que ça le soit pas aussi là. Enfin... bref. C'était mon bonbon, c'pas juste. Mais ne me le rends pas, j'irai en chiper d'autres. » Elle était vite revenue de sa commande et tu allais devoir faire pareil. Le côté positif, c'était que tu étais toujours prêt à aller vite et que, même si tu perdais, tu avais un peu d'avantage sur les cafés et tout ça, vu le nombre de machines faites exprès. « C'est parti pour un déca, un macchiato, un frappé et un capuccino ! » Tu t'étais empressé de tout mettre en oeuvre pour en faire le plus possible en le moins de temps possible. Résultat, deux par deux pendant que tu préparais le frappé et le macchiato en attendant. « Et voilà ! » annonçais-tu alors même que tu posais tout sur son plateau, un sourire triomphant sur les lèvres. Tu ne savais pas si tu avais gagné ou pas, mais ça avait été rapide quand même.

Tu comprenais le problème de Nina. C'était terrible parce qu'ici, même si le café avait pas mal de fréquentation, tout n'était pas toujours régulier, et c'était véritablement contraignant. Alors oui, il y avait de quoi vous plaindre. Dire que si tu n'avais pas pris la décision d'aider ton oncle et ta tante puis de partir en colocation, tu aurais peut-être tenté ta chance pour être basketteur professionnel... mais tu ne te plaignais toujours pas, tu avais un boulot, des revenus, c'était ce qui importait. Certes, ils n'étaient pas vraiment au top du top, ni les revenus, ni le boulot, mais fallait bien faire avec. C'était pour ça que c'était vraiment bien d'être en coloc, de partager ta galère, et de ne pas vivre seul, comme un abruti, sans avoir suffisamment les moyens d'avoir un bon repas le soir en rentrant. Même si le bon repas en question, c'était un simple fast-food à quelques dollars.

Nina, elle cherchait aussi vraiment beaucoup, et ça te faisait rire, parce qu'en fait, vous étiez pareils. Toi c'était tes mauvaises blagues et tes vannes encore pire qui faisaient que tu cherchais à mort, elle c'était tout. Elle n'avait peur de rien, c'était toujours drôle à voir. Mais là, tu étais resté perturbé. « J'ai pas dit ça ! » fis-tu, bougon. Mais comment pouvais-tu dire que tu avais appréciais quand il n'y avait qu'une seule fille dans ta tête et que ce n'était pas Nina ? Oui, tu pensais encore toujours à Zoë, même si elle t'avait plus ou moins plaqué. Vous n'aviez jamais été ensemble pour autant mais elle semblait avoir simplement mis fin à votre amitié sous prétexte qu'elle déménageait. Elle n'avait pourtant pas mis fin aux sentiments que tu ressentais pour elle, c'était sans doute le plus douloureux dans l'histoire. Alors, compliqué de dire à la rouquine que tu avais apprécié quand tu n'avais même pas réfléchi à ce que tu avais ressenti à ce moment. C'était étrange, c'était tout. « Tu vas quand même pas me laisser tomber pour quelque chose que tu as fait quand même ? » D'accord, il y avait Rhéa aussi au café. Mais en dehors d'elle et Nina, tu ne t'entendais avec personne. Tu ne faisais pas forcément l'effort, c'était vrai, et tes deux alliées se trouvaient être des filles, mais tu l'avais démontré avec Patsy, tu avais toujours eu plus de relations complices avec des filles qu'avec des hommes. Certes, il y avait toujours Reid et Jensen, heureusement, mais pour les autres, tu restais quand même quelqu'un d'assez solitaire, il t'était donc difficile de faire le premier pas vers les autres. C'est pourquoi tu ne pouvais compter que sur deux personnes parmi tes collègues. Un peu dépitant, mais tant pis.

Elle était revenue et tu préparais alors tes boissons, tranquillement. Enfin, tranquillement, jusqu'à... « Chronométré ? Euh... non, j'pensais que tu te chronométrais toi... » Comme d'habitude de toute façon. Un sourire s'afficha sur ton visage. « Mais on peut dire que j'ai gagné si ça te dérange qu'on soit pas chronométrés, hein ! » Ouais, non, parce qu'en fait, t'avais vraiment pas envie de perdre, déjà que tu n'avais plus de bonbon. Mais au moins, la fin de la journée se rapprochait tout de même bien davantage et tu n'avais pas vu passer les dix dernières minutes... ou peut-être les vingt, d'ailleurs.

Nina c'était la reine de l'embrouille. Elle arrivait à te faire dire ce que tu ne pensais pas et à te faire penser ce que tu ne disais pas non plus. Enfin... peut-être pas dans cet ordre-là non plus. Oh et puis... tu ne savais plus en fait. Tu fronçais les sourcils. « Je dis pas ça non plus. Enfin, c'était pas désagréable mais... » Mais tu n'arrivais pas à te sortir ta meilleure amie de la tête... enfin, si tant était qu'elle était toujours ta meilleure amie, bien sûr ! Mais tu ne pouvais pas affirmer telle ou telle chose à Nina, à vrai dire. Tu avais peur de la vexer ou de te laisser prendre au piège. Après tout, on parlait de Nina quoi. Elle ne tarda d'ailleurs pas à te montrer à quel point elle était bien toujours la même, manquant de te faire t'étouffer en raison d'un rire que tu réprimais. Elle avait l'air un peu préoccupée, mais sans plus. Puis tu n'étais pas le genre à te poser des questions sans cesse. La curiosité, t'en avais comme tout le monde, mais tu t'efforçais à ne pas la laisser prendre le dessus sur tes bons sentiments. Mieux valait être discret, tout de même. Ce qu'elle vint à te dire te fit un petit pincement au coeur, et l'espace d'un instant tu te dis que sa préoccupation, c'était peut-être ça, mais tu chassais immédiatement cette pensée de ta tête. Nina avait le droit de faire ce qu'elle voulait, mais tu n'avais pas envie de savoir si elle partait maintenant ou pas. Tu préférais le savoir le plus tard possible dans ces cas-là. Et puis, non, en fait, tu n'y pensais pas.

Retour aux choses normal. Ton incomparable sens des priorités et le fait que tu n'aies même pas pris la peine de remarquer que la rouquine n'avait absolument rien pour vous chronométrer. Bref, un duo hors du commun, ça, vous pouviez vous en vanter, même si pour le coup, tu étais le plus à blâmer pour le coup. Eh oui, lancer un pari, c'est bien beau, mais tout faire pour avoir une conclusion à ce pari, c'est bien mieux. Tu grimaçais. « Que j'ai gagné ne veut pas nécessairement dire que tu as perdu... » Un sourire s'affichait sur ton visage. C'était vrai que d'ordinaire, tu savais faire preuve de galanterie. Mais, quand il y avait un pari en jeu, même s'il n'y avait rien à gagner, tu savais difficilement avouer une défaite. Et là, Nina te le faisait bien comprendre avec son détachement total. T'étais pas galant, un point c'est tout, y avait pas à discuter avec elle. Mais tu n'aurais pas été toi si tu n'avais pas essayé de discuter quand même. « Bien sûr que si je suis galant ! La preuve, j't'ai laissé prendre mon bonbon. » Et tu revenais avec ça. Sérieux ? « Mais c'est vrai qu'avec mes collègues, je le suis un peu moins qu'en dehors du travail, tu vois... » Cette excuse bidon, non mais j'vous jure. Mais pour le coup, c'était vrai, tu n'avais pas eu envie de perdre. Alors, te tordant les pouces, un petit air de chien battu, tu la regardais. « Donc, euh... du coup ? on a gagné tous les deux ? »