Challenge your limits (Nina)

Tu soupirais. T'avais pas raconté toute ton histoire de coeur vouée à l'échec avant même qu'elle ait lieu à tout le monde, et c'était vrai que les gens pouvaient trouver ça bête qu'il y ait une fille qui reste dans ta tête malgré tout. « Mais y a qu'une fille au monde qui me fasse de l'effet. » Malgré la pointe au coeur que ça pouvait te faire de t'imaginer qu'elle n'était pas là, à tes côtés, et que tu ne la reverrais peut-être jamais, un sourire s'immisça. Ta répartie semblait refaire surface aussitôt. « Et désolé, mais c'est pas toi ! » Bon, d'accord, elle t'avait fait perdre tes moyens mais seulement parce qu'elle t'avait pris par surprise ta petite rousse préférée. Mais tu n'arrivais pas à t'imaginer, du moins pas dans l'immédiat, tant que tu refusais désespéramment de tourner cette page de ta vie, cette page qui ne se tournerait d'ailleurs pas, plus tard, quand ta belle reviendrait de son nouveau pays, la bouche en cœur, sans que tu n'en saches clairement les raisons.
Rapidement, ta contenance retrouvée, tu roulais des yeux. Ah ! Nina ! Que ferais-tu sans elle, sérieusement ? « T'as gagné le bonbon, je l'ai perdu, déjà, sur ça, on s'accorde, non ? Après, par surprise, pas par surprise, c'est presque pareil. » Tu aurais fait pitié n'importe quel enfant en étant aussi puéril pour un simple bonbon. Tu levais les mains en l'air en signe d'innocence. « Je ne me trouve pas d'excuse ! Je te dis simplement les choses. Pas grand monde aime perdre... » Tu lâchais un rire. Elle pouvait s'en remettre, ce qui serait plus difficile, c'est que tu te remettes de n'être pas galant ! « On aura plus qu'à prendre notre revanche pour décider d'un gagnant plus tard ! »

Dans tes pensées, tu essayais au mieux de rester connecté à la réalité. Ce n'était pas vraiment compliqué en temps normal, mais quand il s'agissait de Zoë, rien n'était plus difficile. L'avantage en travaillant c'était que, qu'il s'agisse de Nina ou de Rhéa, tu avais toujours quelqu'un pour atterrir à nouveau. Un sourire se glissa à nouveau sur ton visage. Je te retourne le compliment, t'es trop jeune aussi. Soulagée ? » Au moins, tout devenait plus léger quand tu étais avec des personnes avec qui tu t'entendais bien et qui ne venaient pas te prendre la tête à tout va. Même une question embarrassante paraissait plus banale. Tu secouais la tête. « Non, elle ne l'a jamais su... on a toujours été amis, et je crois qu'elle ne me voit pas autrement. » Autrement dit tu venais juste d'avouer que tu étais friendzoné. Mais bon, c'était pas pire que d'être utilisé pour qu'on te vole. N'est-ce pas Nina ? « Ça va, ça va, d'accord, t'as gagné même si c'était pas loyal. » C'était souvent comme ça entre vous, aussi, il fallait le dire. Vous vous taquiniez sans cesse sans jamais vraiment respecter des règles, à celui qui gagnerait, et c'était tout. Tu devais bien avouer que, même si tu détestais perdre, tu ne pouvais pas admettre autrement qu'ainsi. Elle avait gagné, point. Pour un misérable bonbon, d'ailleurs. « J'espère bien ! Faut que je prenne ma revanche de toute façon. » Le café se vidait peu à peu, jusqu'à ce qu'il ne reste plus personne. Même côté personnel, à vrai dire. Vous n'étiez plus que tous les deux. Tu soupirais. Cette journée était enfin terminée, et tu étais certain que, comme toi, Nina s'imaginait aussi rentrer au plus vite. « Oui, enfin. » Tu t'approchais de la porte d'entrée des clients pour la fermer. Au moins, personne ne rentrerait à quelques secondes de la fin de votre service, et tu te dirigeais vers ton casier pour prendre tes affaires. « Tu rentres comment ce soir ? »

Tu roulais des yeux. T'avais l'air, subitement, d'être l'un des pires partis de la ville. Alors certes, t'étais pas tout à fait le meilleur mais t'étais tout de même pas aussi nul, si ? Tu riais, bien qu'un peu jaune. Nucléaire tu veux dire ! La fin du monde. L'apocalypse à l'avance. » Bon, bah si vous aviez pas compris vous ne comprendriez plus. Tu y étais allée un peu fort, mais au moins ça ne laissait pas de doute : vous aviez évité le pire. Enfin, si on peut dire. Mais travailler ensemble c'était une chose, à toujours séparer des sentiments à tes yeux. Sinon c'était comme ça que le foutoir débarquait. Et tu n'avais pas tardé à parler de Zoë, qui était loin d'être dans ce cas avec toi. Ca n'aidait pas vraiment à vrai dire d'en parler, mais au moins tu exprimais tes craintes, en l'occurrence, celle de n'être qu'un ami. Le pire, c'est que ce n'était pas qu'une crainte, mais une dure réalité. « J'aimerais bien, mais elle m'en a pas laissé la possibilité. Elle est partie en Australie y a quelques temps, et j'ai plus aucune nouvelles d'elle. » Rapidement, tu lui expliquais que Zoë avait connu beaucoup de déménagement dans sa vie et avait toujours préféré ne pas garder de contact pour ne pas se faire du mal et rester nostalgique. Ou du moins tu l'avais compris de la sorte et l'expliquais tel quel. Tristement, tu faisais partie de cette règle. Et tu restais toujours autant amoureux d'elle que la première fois que tu l'avais vue, malgré la distance. « Et j'arrive pas à me la sortir de la tête malgré ça. Je dois être masochiste quelque part. » Le sourire était vite revenu, et tu avais soupiré en secouant la tête, terriblement amusé. « Tu l'as déjà dit, sale pirate ! » Langue tiré, le comportement puéril semblait t'avoir vaincu et pris les devants sur toi. Ou bien était-ce ton cerveau qui s'était endommagé tout seul ? « Je prendrais ma revanche, t'en fais pas. » Une fois le bar fermé et la majeure partie du travail de nettoyage et fermeture en cours tu avais demandé à Nina comment elle s'apprêtait à rentrer. « Je t'accompagne au bus ? » Tu pouvais aussi le prendre, même si, en nombre de mètres et de trajet, tu faisais un détour. T'étais aussi vite arrivé à pied qu'en bus, en fait, pour le dire proprement. Mais, parfois, il t'arrivait d'avoir la flemme et de monter dans le transport en commun en espérant que sa vitesse augmenterait subitement pour te faire rentrer aussi vite.

La référence t'amusa carrément, y avait pas à dire ! Exactement ! » Conclus-tu. Tu avais déjà à faire avec une seule femme en tête, c'était déjà assez compliqué pour ne pas en plus en venir à compliquer tes journées au travail. Mais au moins, toi et Nina, vous étiez d'accord, et ça s'arrêtait là. Trop compliqué, surtout dans un bar. C'était le genre de milieu où les ragots allaient bon train, qu'ils soient fondés ou non. Alors donner un fondement, c'était clairement pas la bonne méthode et, heureusement, ça n'était pas arrivé. « On fait avec. » Tu haussais les épaules avec désinvolture. C'était ce que tu montrais, que tu t'en fichais, mais la vérité, c'était que tu t'en fichais pas du tout. Et le temps avait beau passer, inévitablement rien ne changeait. Comme si tu t'étais muré dans tout cela, sans même t'en rendre compte. Tu hochais la tête. Oui, tu avais essayé. Tu n'avais pas toujours heurté un mur par ailleurs, quand il s'agissait de recevoir une réponse. C'était plutôt la réponse qui te projetait au mur. Une seule réponse, minuscule, neutre presque froide, qui te laissait comprendre qu'il fallait que tu passes à autre chose, que tu tournes la page sur votre amitié. Mais tu t'y étais attendu, elle t'avait déjà raconté qu'elle préférait couper les ponts définitivement à chaque déménagement. Toi, tu ne connaissais pas ça, tu n'en avais donc aucune idée, et tu faisais toujours mine de comprendre. Mais tu comprenais pas. Un sourire s'afficha sur ton visage. Triste. « Je ne sais même pas où elle a atterri en Australie. Elle m'a parlé de Sydney en partant, mais si ça se trouve elle a déjà bougé ailleurs. » Et tu n'étais pas particulièrement gonflé. Surtout quand il fallait prendre un avion, ce que tu n'avais jamais fait au point de te buter totalement dès que le sujet se mettait sur le tapis. Un rire jaune s'échappa de ta gorge. « Tu parles ! si ça se trouve je me serais sans doute juste ruiné pour mieux rentrer à Island Bay. » Mais, au moins, te savoir soutenu, ça te réchauffait un peu le coeur. Après avoir affirmé qu'une revanche viendrait, vous aviez eu fini de travailler et de tout nettoyer. Tu fermais le tout pendant que la petite rousse t'attendait. « Et voilà ! cette journée de travail est officiellement terminée. » Niveau évidence, tu pouvais pas faire mieux. Mais le soulagement se sentait dans tes paroles, et tu étais certain que c'était tout partagé, tandis que vous marchiez jusqu'à l'arrêt de bus.