looking natural [cameal #12]

J’essaye de donner l’illusion que c’est facile pour moi de faire semblant, que tout ça ne me fait rien. Cameron m’a déjà traité de connard à plusieurs reprises, ça me fait mal mais je campe ce rôle, pour me préserver. Pourtant dès qu’elle se retrouve plus près de moi, que je sens son cœur battre contre mon torse, je suis à deux doigts de céder. J’ai envie de capturer ses lèvres, de sentir leur douceur, d’éveiller leur fougue et tenter de tout oublier, mais c’est impossible. Ce n’est ni le moment, ni l’endroit et certainement pas une bonne idée en prime. Alors quand je sens le point de rupture s’approcher, je mets fin à cette mascarade et personne ne proteste. On a tout. Le show est terminé et je m’éclipse illico vers ma loge, loin de Cameron… c’est surtout ça qui compte. Une fois seul j’en profite pour respirer, me ressaisir et me remettre pleinement dans la fonction qui est la mienne, son garde du corps. Entre nous s’installe un silence presque glaçant, nous nous ignorons l’un l’autre comme si nous n’existions pas plus loin que l’espace que l’on occupe. L’attitude de la jeune femme tranche avec celle qu’elle avait adopté ce matin. Pas de rire forcé, elle ignore même son téléphone. Est-ce ce shooting qui l’a autant éprouvé ? Je reste attentif, presque inquiet de la voir si silencieuse, presque absente. Nous arrivons dans les studios de la chaine de télévision par laquelle Cameron va être interviewée. Elle ne risque pas grand chose entre ces murs, mais je reste présent, toujours vigilant. Et finalement cette journée que je voyais déjà comme interminable se termine mieux qu’elle n’a commencé. L’heure est même plutôt raisonnable alors que nous nous apprêtons à prendre le chemin du retour. Je marche un pas ou deux en retrait de Cameron, mes sens en alertes, guettant la moindre menace ou paparazzi.
Nous sommes à quelques mètres de la voiture quand la mannequin s’arrête, chancelante. L’air semble lui manquer, je lui prends le bras pour la soutenir « Cameron ? » elle ne me répond pas, je ne sais même pas si elle m’entend. Son visage a pâlit, ses jambes flageolent et avant que je ne puisse l’interroger sur son état elle perd connaissance. J’ai tout juste le temps de la rattraper pour lui éviter une chute. Elle n’a rien voulu manger de toute la journée, sans doute qu’elle fait une grosse crise d’hypoglycémie. Mais dans le doute je préfère appeler les secours avant de prévenir son chauffeur que nous avons un contretemps. « Cameron ? Est-ce que tu m’entends ? » je caresse sa joue, pas de réaction. « Merde ! ». Il ne s’écoule que quelques minutes, mais elles me paraissent être une éternité, avant que l’ambulance arrive. Les secouriste prennent la jeune femme en charge, elle va être emmené à l’hôpital de Wellington. Je monte dans l’ambulance, hors de question que je la laisse seule. Malgré nos différents et son attitude détestable je ne peux ignorer l’inquiétude qui me ronge. Le service des urgences s’occupe d’elle, et moi il ne me reste plus qu’à prendre mon mal en patience et attendre. On me demande si je veux prévenir quelqu’un de l’entourage de Cameron, je me rends compte que je ne sais même pas qui je serai censé appeler. Je réponds par la négative, je ne vais quand même pas faire prévenir ce crétin d’Austin, si ? Leur dîner va être remis à plus tard je crois.

Je ne sais pas trop ce qui est en train de m’arriver. Je me sens chancelante, perdant mon énergie de seconde en seconde, et je n’ai pas vraiment le temps de voir venir la chose que déjà mon esprit s’étiole et mon corps me lâche. J’entends à peine la voix de Neal prononcer mon prénom qu’il est déjà trop tard. Tout est noir, mon corps ne répond plus et ne parlons pas de mon esprit. Sans doute que j’avais besoin de ne plus penser l’espace d’un instant, comme une pause dans tout ce ramdam, cette journée, cette vie, et mes pensées polluées par l’homme qui me tient présentement entre ses bras. Les minutes passent et c’est à l’hôpital que je reprends connaissance, allongée là sur un lit glacé. Il me faut quelques secondes pour que le trouble de mes yeux ne se dissipe. Une infirmière entre dans la chambre et voyant que je suis réveillée me sourit. « Melle McKenzie, comment vous sentez vous ? » Je passe une main sur mon visage et soupire légèrement. « Fatiguée. » Je la laisse vérifier tout ce qu’elle a a vérifier et me laisse faire. Mais avant qu’elle quitte la chambre je prends mon courage à deux mains et lui demande. « Excusez-moi mais, Neal, Neal Lohnsbury… » je n’ai pas le temps de finir ma phrase qu’elle m’interrompt. « Il est dans le couloir, je le laisse entrer ? » Je hoche doucement la tête. « Oui bien sûr. » Elle me sourit et repart, laissant la porte entre ouverte. C’est Neal qui entre alors, doucement et je lui adresse un très léger sourire avant de baisser les yeux, légèrement honteuse. « Je dois avoir une tête affreuse… » Je laisse échapper un rire nerveux et relève les yeux vers lui lorsqu’il se trouve plus près de moi. « Merci… de pas m’avoir laissée seule. D’être encore là, enfin je… » Je soupire et passe mes deux mains sur mon visage, nerveusement. Je suis encore faible, et je ne sais pas comment me comporter face à lui, j’ai été vraiment odieuse et je le regrette, mais surtout je ne sais pas comment me rattraper. Me pinçant les lèvres légèrement, je soupire et le regarde à nouveau après avoir détourné les yeux quelques secondes. « Je sais que je suis un boulet pour toi, je l’ai bien compris ce matin, et ce boulot c’est loin d’être ce que tu as préféré, j’en doute pas. Je vais demander à Jaqueline de te faire remplacer, pour que tu puisses souffler et veiller sur quelqu’un de moins… compliqué que moi. » Je laisse échapper un léger rire nerveux. « Ce sera mieux pour tout le monde je crois. » Y compris pour moi, parce que mon esprit est beaucoup trop embrouillé par les sentiments que j’éprouve pour lui. Je détourne à nouveau le regard, ne voulant pas tenter de lire en lui, ou du moins essayer, comme j’en ai l’habitude. Ces quelques jours à Londres n’étaient pas le reflet de notre réalité, ils étaient simplement une parenthèse, et jamais nous ne réussirons à retrouver ça, je le sais, au moins autant que lui. On est pas faits pour être ensemble et je crois que le mieux serait encore d’arrêter d’être obligés de nous voir tous les jours. Pour lui comme pour moi.

J’ignore combien de temps j’ai attendu dans ce couloir. Pas des heures mais déjà bien assez pour que ça me paraisse un peu trop long à mon goût, mais bon ça c’est l’effet de l’inquiétude. Parce que oui je m’inquiète pour Cameron, peu importe nos différents et la journée merdique qu’elle vient de me faire passer, je ne peux pas tout effacer d’un revers de main, il y a une part de moi qui tient à elle. L’infirmière qui était rentrée quelques minutes auparavant dans la chambre de la jeune femme en sort, m’indiquant qu’elle a repris connaissance et demande à me voir. Je me lève et la remercie avec un léger sourire. Je rentre dans la chambre avec une certaine prudence, comme si cette invitation pouvait ne plus être valable en l’espace de quelques secondes. Elle me sourit, elle a l’air exténuée et sa première remarque est d’ailleurs qu’elle doit avoir une mine affreuse. Je secoue la tête à la négative, même là elle n’est pas affreuse. Je m’approche un peu du lit sur lequel elle se trouve, et hoche doucement la tête en guise d’acceptation de ses remerciements « Tu m’as fais flipper. » avoué-je avec un haussement d’épaules. Je sens bien que l’ambiance est un peu étrange, Cameron est entre deux eaux et moi non plus je ne sais pas sur quel pied danser. Un léger silence s’installe rompu par la jeune femme qui fait une sorte de mea culpa. C’est même plus que ça, elle prend la responsabilité de son comportement et propose une solution pour cette situation qui tend à devenir difficilement vivable pour nous deux. Il n’y a rien dans ce qu’elle dit que je n’ai pas déjà envisagé pourtant quand ça sort d’entre ses lèvres, que ça vient d’elle c’est totalement différent. Cameron pense que c’est pour le mieux si je ne travaille plus comme son garde du corps, dit à haute voix ça prend une tournure concrète et je ne suis pas sûr de vraiment apprécier cela. Je ne sais plus ce que je veux… je suis complètement perdu. Mais elle a raison, je le sais. La preuve je l’ai envisagé moi aussi que l’on arrête de travailler ensemble, même si il y a là dedans comme l’aveu d’un échec, encore un. Je hoche la tête positivement « Si tu pense que c’est le mieux. » je ne vais pas lui donner tort, ça serait mentir que de dire que nous pouvons continuer comme ça. La vérité c’est que je ne sais pas bien comment agir avec elle. Son regard se détourne, je baisse le mien quelques secondes avant de la regarder à nouveau « Je te laisse faire le nécessaire alors. » déclaré-je en reculant d’un pas « Je vais… y aller. Je suis content que ça soit rien de grave. » juste de l’épuisement et un trop pleins d’émotions auquel je ne suis pas étranger. S’éloigner est vraiment la meilleure chose à faire, même si dans le fond ça me fait mal de me heurter à ce constat. « A plus Cameron. Prends soin de toi. » je baisse la tête pour la saluer en esquissant un furtif sourire, à vrai dire je n’ai pas le cœur à faire semblant de quoi que ce soit. J’ai toujours été nul pour les au revoir…