i have some news ► noa

Rien de mieux qu’un applaudissement de la part de Nina pour me féliciter d’avoir décroché un travail. Ce genre d’attention fait plaisir. Oui, complètement, quand on voit comment cela s’est enchainé. J’avais commencé l’épreuve des CV sans motivation réelle et avec la certitude de l’échec. Alors oui c’était plaisant même s’il s’agissait probablement d’un coup de chance. Même si je me dis qu’ils doivent en recevoir des centaines de CV à Prime TV. La probabilité que le mien se retrouve sur la pile tient, je pense, d’un aléatoire démoniaque. Et qu’il plaise, c’est du démoniaque de folie. — En fait quand j’ai passé l’entretien, ils m’ont dit qu’ils me prenaient parce que je suis prof de surf, que je suis jeune et en bonne santé. Euh... C’est ça presque mot pour mot. — J’ai commencé depuis plusieurs jours. Et... oui... faut de l’énergie. Je pensais qu’ils se moquaient de moi parce que franchement passer plusieurs années à la fac pour s’entendre dire qu’on a le job parce qu’on fait du surf, c’est... déboussolant. Mon diplôme en communication et marketing, je vais l’accrocher dans les toilettes. Alors que je mange tout en racontant mon histoire, je compare sans avoir l’intention de le faire mon plateau et celui de Nina. Je ne me souvenais pas qu’elle avait aussi peu d’appétit. — Mon travail tourne autour de l’intendance, voir à ce que les techniciens, les réalisateurs aient à leur disposition tout le matériel qu’ils ont besoin. Je secoue la tête en buvant. — Avec quelques nuances, c’est à peu près ça. Pour ce qui est de la durée, là c’est quatre mois renouvelables. Une secrétaire m’a dit que la personne que je remplace ne reviendra pas. On verra. Déjà faut que je me fasse à ce boulot et faut aussi que je convienne. Pour l’instant, je cours partout, j’arrête pas, il faut être partout à la fois. Je comprends que la fille profite bien de cette maternité. Y’a pas à dire c’est un boulot en permanence sur la brèche. Je comprends beaucoup mieux l’idée d’avoir de l’énergie à revendre. — Tu ne manges pas plus ? Oui, vraiment parce que, entre ce que je suis en train d’engloutir, je suis pas un ogre pour autant, mais Nina, c’est un moineau à la diète.

Nina espère que je garde ce travail longtemps pour prolongation de l'arrêt maternité. Il y a le "trop pénible" et le "trop fatiguant" qui pourraient faire renoncer. — Je vais m'accrocher sérieusement. Pour l'instant je n'ai pas encore pris parfaitement mes marques mais j'espère que d'ici deux semaines tout roulera comme sur un tapis volant. C’est un gros travail d’organisation et une super réactivité face aux imprévus. En fait, moi aussi j’apprécierai que la jeune maman préfère passer les premières années de son bébé en sa compagnie plutôt qu’avec des techniciens barbus, même si certains savent être drôles et rendent le travail moins compliqué. Bon, il y a les autres, les chieurs, mais dans tout boulot il y a des gens sympas et d’autres non. Nina et la nourriture cela ne semble pas être le grand amour en ce moment. — Ah, c’est pas cool. Ne te laisse pas dépérir pour autant. Nina a aussi un boulot intense, le service peut-être source de tension certains soirs alors un manque de nourriture peut vous mettre au sol. Elle a beau dire que ça passera... — Vois un médecin si ça persiste. On ne sait jamais. Ça m’ennuierait qu’elle tombe malade. Je lui souris et pourtant dans ma tête je pense à Sally, une amie qui vient d’avoir un bébé. Les premiers mois de grossesse, elle a eu de gros problèmes de nausée, à ne manger presque plus. Pourquoi est-ce que je pense à elle ? Pourquoi est-ce que je pense à la femme que je remplace et son arrêt pour la naissance de son enfant. Il doit y avoir une saison pour les bébés. J’en sais rien. J’ai les pensées qui dérivent je ne sais où. C’est quoi, au fait, comme relation Nina et Finn ? Je secoue la tête pour chasser ces images de bébés. Je prends une gorgée du café viennois que j’ai pris. — Je songe à prendre quelques cours de journalisme à la fac, histoire de plonger un peu mieux dans ce milieu, les reportages, les enquêtes... tu vois le genre. Il y a des formations plus ciblées audiovisuel, mais... Je hausse les épaules en me mordant la lèvres inférieure. — Le journalisme !

Nina se moque un soupçon de mon inquiétude sur sa santé. Je ne peux que secouer la tête à la limite du rire quand elle m’appelle maman. — Ouais, ben t’as été là pour moi quand j’avais besoin, alors j’te surveille d’un oeil. Pas question, non, de te laisser dépérir. Tu m’auras sur le dos pour te booster. Mon idée de reprendre des cours plait à Nina. Pour sûr que si on se croise dans les couloirs de l’université, ce sera sympa. — Oui mais toi tu vises une filière scientifique. On ne sera pas dans le même bâtiment. Et puis les horaires... Je fais la moue. — Il n’y a pas beaucoup d’horaires où je vais pouvoir être disponible. Ça c’est la grosse galère. Après je vise pas actuellement un diplôme. Je dirais que c’est initiation pour l’instant. Mais s’ils ne me gardent pas à la télé, si celle que je replace, revient, ce sera peut être un plan B. On verra. Déjà, je dois rencontrer un enseignant pour en discuter avec lui. Voir quelles sont les possibilités. Enquêter. Je ne lui dirais pas que je suis en plein dedans. J’ai entrepris de retrouver mes agresseurs. C’est de là que l’idée est venue. Au-delà de l’enjeu, cette recherche m’a pris au corps. Journaliste d’investigation, c’est apparu et ça m’interpelle depuis quelque temps. Ce boulot à Prime TV n’a fait que formaliser ce qui couvait. Mon plateau commence à amorcer la pente vers le vide. — Tu me tiens au courant pour l’appétit. J’éclate de rire. — On ne se débarrasse pas d’une mère poule comme ça. Je ne dis pas que je m’inquiète, mais j’aimerai pas du tout que Nina couve un mauvais truc.

Nina cherche les occasions pour se revoir. Les couloirs de la fac, peut-être, mais pas évident. Si j’arrive à trouver un cours possible, ce sera le soir. Je pense que Nina sera sur le campus en journée, alors... L’autre solution, déjeuner ensemble, me parait d’avantage dans le possible. — Ça, voilà, okay à cent pour cent. Quand tu es dispo, n’hésite pas. J’ai un petit rire. — Disons plutôt, quand tu as envie de me voir. Si tu n’en as pas marre de moi. Même si elle me dit qu’elle me tient au courant si l’appétit revient ou pas, si on parvient à caler des rendez-vous déjeuner ensemble, je pourrais vérifier le contenu de son assiette. Je regarde l’heure sur mon portable. Pas vrai qu’il est déjà si tard ! Je mets les bouchées doubles pour finir ce qu’il me reste à consommer. — Je crois que je vais encore être en retard. Une dernière gorgée pour la route. Si je pouvais faire comme les hamsters et stocker la nourriture, je gagnerais du temps, mais pas possible ! Alors, encore en retard ! — Je vais devoir te laisser. Tant pis pour le fond de verre. Je vais devoir reprendre un pas de course pour rejoindre Prime TV, alors un verre à la main, mauvaise idée, je risque d’en renverser partout. Je me lève et récupère mes affaires. J’embrasse Nina. — Prends soin de toi et j’espère qu’on se revoit dans pas longtemps. Je l’abandonne à la table et prends la direction de la sortie. Un petit salut de la main avant de franchir la porte et de me retrouver sur le trottoir. C’est reparti pour mon après-midi. C’est clair qu’être sportive, ça aide énormément à tenir le coup. Au final, c'est à réfléchir, je devrais envisager de me recycler, laisser le surf pour me mettre au marathon.