Ce qu'il reste de bon dans ce monde...

Mon copain le flic me donne son ressenti par rapport aux événements que j’ai vécu. Je l’écoute. Il reste compréhensif. Avec un côté saint-bernard, il tente un sauvetage, mon sauvetage. Il m’est arrivé de sortir une fille l’eau, au bord de la noyade, c’est ce qu’il fait avec moi, il tente de me sortir du bordel dans lequel je me suis mise avant qu’il soit trop tard. Je reste pensive. Il me reste des angoisses quand je suis avec Leeth, des réveils en sursaut pour vérifier qu’il est encore vivant dans le lit qu’on partage. Il m’arrive de veiller sur sa respiration quand il dort. Ce mal là, si je pouvais m’en débarrasser. Avoir des nuits complètes. Parce que même seule, il y a toujours cette alarme silencieuse intérieure qui me fait ouvrir les yeux à la même heure. — J’ai parlé un peu avec ma mère. Un peu. Je suis loin de lui avoir tout raconté. Je ne le ferais pas d’ailleurs pour ne pas l’angoisser. J’ai essayé de la déculpabiliser par rapport à son incapacité à être disponible pour moi quand j’en avais besoin lors de l’enlèvement. A mon frère, je ne dirais rien. Lui, je ne peux pas. Impossible. Totalement impossible. Lukas, un peu. Qui d’autre ? — Vous avez sans doute raison. Je tourne en circuit fermé dans ma tête. Est-ce qu’en parlé peut désamorcer ce que je mets en place depuis déjà bien longtemps, cette vengeance ? J’en sais rien. Autant cela me parait fou, irrationnel, par moments, autant le calcul glacé d’une rencontre avec mes agresseurs est un moteur qui m’emballe. Je suis lucide sur ce point. Je suis incapable d’y mettre un frein. — J’accepte de parler avec la personne qui vous semble bien, si vous connaissez quelqu’un. Je hoche la tête. Je capitule en partie devant cette souffrance psychologique.

Il me donne le nom d’une psychologue. Je n’aurais même pas à chercher son numéro pour prendre rendez-vous. Il va s’en charger. Une manière de m’empêcher de faire machine arrière ? Peu importe, au point où j’en suis, je dois en finir avec les angoisses que je traine. Je ne sais s’il y a moyen d’en finir, mais au moins s’alléger. — D’accord. Merci. Il veut une dernière information me concernant. — C’est toujours le même numéro et mon adresse n’a pas changé non plus. Pour l’instant rien de nouveau de ce côté-là, je n’envisage pas de déménagement. Pour aller où d’ailleurs ? Me prendre un studio minable que j’aurais trop de mal à payer dès que mon contrat sera fini avec Prime TV ?

Il semble que cette fois nous en ayons fini avec cet entretien. Je le regarde en esquissant un sourire. Je crois que j’ai bien fait de revenir en arrière pour l’aider à se sortir de la fusillade. J’ai craint le pire mais ça s’arrange pas trop mal. Alors je lui tends la main pour le saluer. — Pas besoin de me raccompagner. Je suis partie de mon lieu de travail en compagnie d’un flic, on va éviter un retour identique et trop de questions. Quoique je suis sûre que je vais en avoir, interrogatoire bis, mais cette fois en face de journalistes qui peuvent s’avérer plus curieux que des policiers. — Je connais le chemin et j’ai besoin de me vider un peu la tête avant de me reprendre mon boulot. Je quitte le poste de police. Je peux respirer. Il n’a pas aborder la question de l’arme, j’ai une chance de passer au travers. Un point pour moi. Mais là où l’angoisse reste c’est sur la conséquence possible de cette rencontre avec mon gentil policier, est-ce qu’il parlera à Lukas de tout ceci ? Parce que j’aurais d’avantage de difficultés à esquiver avec elle qu’avec lui.


FIN