#220 alright (nina)

L'effet d'une grosse claque, tu te l'étais prise en pleine gueule. Ca faisait déjà quelques jours que tu remuais le tout dans tous les sens. Depuis que ça t'était explosé à la gueule. Anais était revenue dans ta vie, l'air de rien, pour la foutre en l'air comme elle l'avait toujours fait avec tes journées rien que lorsque tu la voyais tous les jours au travail, ou presque tous les jours. Elle avait débarqué le ventre arrondi, mais pas complètement comme un ballon, t'annonçant que tu allais être père. Juste ce dont tu n'as jamais eu besoin alors que t'assumes déjà mal ta vie personnelle. Pas la peine de rajouter un enfant au milieu de tout ça et de lui faire subir l'inimité entre ses deux parents. D'autant que, cette soirée où tout aurait pu se passer avec elle, tu t'en souvenais carrément pas. Et rien ne disait que, sous l'effet de l'alcool, les blondes t'intéressent. T'en as que pour Zoë, depuis qu'elle est revenue, faut le dire. Et... et même avant qu'elle revienne, même si les choses paraissent plus simple maintenant que vous vous retrouvez à nouveau dans la même ville. Sauf que la simplicité, ça te connaît pas.
Debout en attendant le bus, t'as pris l'initiative d'aller voir une vieille amie. Pas pour lui raconter tes déboires, parce qu'à ce niveau là, t'es certain que tu vas l'endormir ou te prendre des coups. Non, tu lui rends visite parce que ça fait un moment que vous ne vous êtes pas donnés de nouvelles et qu'elle ne t'a jamais rappelé après l'appel manqué que tu lui avais passé. Alors, forcément, l'inquiétude avait fini par monter et tu n'as pas attendu plus longtemps pour aller la voir, t'assurer que tout allait ben. Une fois devant chez elle tu tapes à la porte, qui ne s'ouvre toujours pas au bout de deux minutes. Pourtant, t'es certain d'avoir vu de la lumières au travers, peu importe que ce soit elle ou son colocataire, t'es sûr qu'il y a quelqu'un. Tu réitères donc. « Nina ? C'est Emrys. J'ai vu que tes volets étaient ouverts, je sais que t'es là. » Puis au pire, tu parles à un mur, c'est pas très grave non plus.

Elle a mis ce qui t'a semblé être une éternité à t'ouvrir. Pourtant, quand elle est face à toi, tu as l'impression de comprendre. Ca ne va pas. Tu t'en doutais un peu, il fallait le dire. Nina n'est pas le genre à laisser les autres sans nouvelles, à ne pas répondre à de simples sms. Même si, parfois, tu en as fait les frais, il lui arrive de filtrer des appels simplement parce qu'elle n'a pas le temps. Mais pas les sms, ça t'en est certain. Tu la connais Nina, depuis le temps, tu sais quand même assez bien comment elle fonctionne, même si tu ne sais pas tout non plus, ce qui a un petit côté rassurant quand même. Elle semble avoir fait un effort pour n'être pas complètement blanche, mais tu le vois bien, derrière ce léger rose sur ses joues qu'elle est pâle. Tu soupires. « Salut ! Je viens un peu aux nouvelles... tu réponds pas à mes messages... » Ton regard est inquiet, c'est le moins qu'on puisse dire. T'as aucune idée de ce qui lui arrive, mais t'espères que c'est pas grave. Déjà qu'elle n'a pas vraiment l'air d'avoir envie de recevoir du monde. T'as beau avoir de quoi parler, c'est pas toi qui importe maintenant, c'est elle, et t'aimerais bien être rassuré une fois pour toutes. Qu'elle te dise que tout va bien, sans mentir. Sauf que tu sais que ce sera pas le cas. « T... Tu es toute seule ? Ton coloc est pas là ? » Rapide constat, le manque de bruit t'a mis la puce à l'oreille, à vrai dire. Mais ça te rassure pas davantage non plus.

Derrière les faux semblants, en l'observant bien, tu remarques à quel point elle a l'air d'aller mal et ton cœur se serre l'espace d'un instant. S'il y a bien une personne au monde que tu côtoies régulièrement que tu n'as clairement pas envie de voir souffrir, c'estt bien Nina. Bon, et bien sûr tes colocataires et ton cousin. Et ta mère. Mais ta mère, elle souffre déjà depuis trop longtemps. Et Newton, tu n'as plus de nouvelles depuis si longtemps... quant à tes colocataires c'est bien trop compliqué pour être catégorique. Alors, sans hésiter, tu choisis Nina, ex æquo avec Ginnifer, ta petite sœur, que tu apprends toujours à découvrir jour après jour. Et le premier signe que quelque chose ne va pas, c'est l'absence de réponses à de simples sms comme "Salut, tu vas bien ?". Oui, parce que c'est bête, mais c'est la base à n'importe quelle discussion. L'absence de discussion étant plutôt inquiétant. Surtout pour Nina en ce qui te concerne. T'as pris l'habitude de voir toujours une Nina souriante, taquine, qui essaie de te jouer autant de sales tours que tu essaies de lui en jouer. Oui, c'est cette Nina-là que tu connais et adores. Alors, forcément, tu sais qu'il faut t'inquiéter quand ce n'est pas à cette Nina que tu as affaire. Tu fronce les sourcils. Jusque là, le fait qu'elle soit occupée ne l'a jamais empêchée de répondre. Mais peut-être, après tout, qu'elle ne l'a jamais été à ce point ? « Ouais... je comprends. » T'as l'impression qu'elle ne te dit pas tout, et toi, tu lui mens. Parce que, non, tu comprends pas. Enfin, pas vraiment. Tu es sûr qu'elle avait autrefois réussi brillamment à jongler, pourquoi plus maintenant ? Tu entres, et elle ferme la porte derrière toi. Elle est donc toute seule. C'est peut-être ça qui ne va pas après tout ? Peut-être qu'elle s'ennuie toute seule ! Mais pendant aussi longtemps ? Tu hausses à nouveau un sourcil. « Mère-poule ? Pourquoi, qu'est-ce qu'il t'arrive ? » Tu espères qu'elle n'aurait pas le choix de te dire ce qu'il y a. Tu es certain que quelque chose ne va pas, et tu ne seras sans nul doute tranquille une fois que tu auras le fin mot de l'histoire. « C'est vrai... » d'ailleurs, heureusement que tu ne travailles pas le dimanche, sinon, tu aurais sûrement pété un boulon depuis un petit moment. Même si le nouveau patron, que tu as depuis environ quatre mois, est bien plus sympa que le précédent. « Tu traînes depuis combien de jours ? » Non, tu n'es pas dupe. Elle a dû s'en rendre compte, d'ailleurs. Mais tu n'as pas envie de tourner autour du pot. T'es convaincu de ce que tu avances, et tu comptes bien le lui faire savoir.

T'es un curieux de nature, surtout quand ça concerne les gens à qui tu tiens. Et Nina en fait définitivement partie, même si votre relation laisse comprendre le contraire quand on vous entend vous chamailler comme des enfants de cinq ans. Il y a donc bien quelque chose. Oui, parce que Nina n'est pas le genre à proposer d'aller s'asseoir après une question qui pourrait impliquer une situation grave sinon déplaisante. Tu acceptes les deux idées qui suivent : t'asseoir et boire un truc. « Si t'as du café, volontiers. » C'est dimanche et tu aimes avoir de l'énergie pendant tes jours de repos plutôt que de rester au fond de ton lit à pleurer que ton week-end se termine bientôt. Un petit sourire s'affiche. Elle n'a pas compris. « Toi. Depuis combien de temps tu te traînes comme ça chez toi ? » À la voir ça fait au moins depuis le début du week-end en tout cas. C'est l'impression que ça te fait du moins. Et puis aussitôt tu te mords la langue. Tu n'en rates décidément pas une ces derniers temps. « Une anémie ? Due à quoi ? » Tu sais très bien que c'est un manque de fer, donc c'est dû à ça. Mais les personnes n'étant pas anémique depuis toujours, t'as appris que, quelque fois, il y avait un déclencheur. Du stress, une déprime, ou peu importe événement marquant qui pourrait affecter tant l'esprit que le corps. Et une fois encore, tu te mords la langue. Tu n'as été que peu mis au courant de l'accident de Finn. Il a toujours refusé de t'en parler, faut dire que t'as tes soucis de ton côté mais tu ne peux pas t'empêcher de devenir vite soûlant quand tu veux en savoir plus, alors te mettre au pied du mur avec un "non", c'est pas plus mal. Tu soupires « Tu aurais pu m'en parler, tu sais... mais bon, si tu veux pas voir grand monde, je sais pas en quoi j'aurais pu t'aider non plus... » En étant là, bien sûr, mais Nina peut s'avérer être assez têtue. La preuve, ne pas donner signe de vie, si elle voyait les sms, c'était preuve qu'elle n'avait pas envie peu importe ce que ça pourrait coûter, que ce soit aux autres ou à elle-même.

Tu souris aussitôt. Du café. Elle sait pourtant ce que c'estt, elle avait été serveuse au café pendant un moment. Même si désormais, elle sert plus ce qu'on boit au bar, elle peut pas avoir oublié, si ? Bon, de toute façon, c'est Nina et elle est plus encline à la taquinerie qu'à l'oubli. Alors tu ne dis rien, tu te contentes de laisser couler. Tu la laisses faire, ça la fait sourire et t'as la sensation que c'est une très bonne chose. « Alors si je suis chanceux, j'en veux beauuuucoup ! » Tu n'exagères qu'un peu, mais t'as l'impression d'être ramollo depuis ce matin-là, et tu détestes vraiment ça. Sans doute seulement parce que tu n'as pas trouvé un truc qui bouge énormément à faire, mais en soi, c'est un week-end comme les autres. Tu hausses un sourcil. « color=seagreen]Effectivement...[/color] » Pourtant, l'impression ne te quitte pas. T'as la même sensation qu'avant qu'elle contredise tes paroles. Comme si quelque chose clochait. Mais tu relèves pas non plus. Si elle te dit que ça va, techniquement, tu te dois de lui faire confiance. Tout comme tu lui fais remarquer qu'elle peut te faire confiance. Elle se défend comme elle peut. Elle n'était pas contre le monde, mais... Mais quoi ? elle n'a pas fini sa phrase, coupée par le bruit du micro-ondes. Elle dépose une tasse devant toi, et tu te frottes rapidement les mains avec un rapide « yes, une tasse ! » T'as l'air d'un débile, mais t'as l'habitude aussi. Et tu reprends aussitôt ton sérieux. « Oh, mince, et ça fait longtemps ? » Tu te renfrognes. Tu réalises que si t'as des problèmes, t'es pas le seul, et ça t'embête, tu préférerais que Nina ait tout ce qu'elle désire plutôt que le coeur brisé. Mais ça, t'y peux strictement rien.

Une tasse de café, dans ton état quasi léthargique, c'est pas une mauvaise chose, même si t'en fais un peu trop, bien qu'involontairement. Et Nina n'hésite aucunement à le souligner. « Tu n'imagines même pas à quel point tu es proche de la vérité ! et encore, je suis plus heureux aujourd'hui avec du café que si je gagnais au loto ! » C'était un peu ça, pouvoir te bouger, te mouver sans avoir l'air d'un zombie qui manque de sommeil, ce que, dans le fond, tu es un peu ces derniers temps. Faut dire que le retour improbable d'Anais dans ta vie et l'annonce qu'elle t'avait faite compter chambouler bon nombre de choses dans ton quotidien. T'as besoin d'en parler à quelqu'un. Et les deux personnes sur qui tu peux compter quand tu as besoin de parler, c'est Rhéa et Nina. Tu te vois mal en parler à Ava, ou encore à Reid ou Jensen. Tes colocs, tu les adores, c'est certain. Mais dans ce cas là, c'est pas à quelqu'un que tu vois tous les jours que tu souhaites en parler. Et le fait est que tu n'es pas sûr que, même si tu en as besoin, tu dois le faire. T'as peur de regretter, tu te sens trop pris au piège dans tout ça. Pris dans un engrenage que tu ne comprends pas. Alors, oui, une tasse de café te met complètement en joie au point d'en faire le pitre. Histoire de ne pas complètement tourner en rond.
Un sourcil haussé, tu ne comprends pas. Ah bon... Tant pis ? « Il te mérite probablement pas ! » Ou alors elle mérite carrément mieux. Les deux se valent. Même si, Finn, tu l'aimes bien. Tu souris, tu compatis. Oui, tu comprends. T'as pas vécu exactement la même chose, mais tu sais ce que c'est que d'avoir le coeur brisé. Tu le sais parce que, même si tu n'as jamais eu le courage d'affronter tes sentiments, ton coeur s'est brisé subitement avec le départ de Zoë pour l'Australie. Alors, oui, c'est pas loin, mais toi, t'as jamais vraiment quitté Island Bay, tu te voyais mal lui courir après, malgré les conseils de... eh bien, les conseils des Nina ! « Oui, je comprends... Et je sais que c'est peut-être pas un grand réconfort mais je suis là si tu as besoin, dans tous les cas ! » D'ordinaire, vous êtes plutôt le genre à vous taquiner, mais Nina, si elle a besoin, t'es prêt même à sacrifier une journée de travail s'il faut l'aider !

Tu roules des yeux. Elle a pas tort mais ça te plaît pas qu'elle soit si proche de la vérité. Il vaut mieux gagner au loto. Te sortir de toute cette merde dans laquelle tu t'es fourrée. Tu parles ! Mais non, tu n'y penses pas, tu préfères un café pour te remettre les idées en places. « Gagner au loto te sortirait de tous tes problèmes ? Sans exception ? » Parce que pas toi. Faire disparaître Anais de ta vie, ça risquerait d'être un peu plus compliqué que prévu, à vrai dire. Un petit ricanement s'échappe de ta gorge. C'est vrai, c'est pas avec un café que tu vas devenir riche. Mais ça peut aider à être plus réveillé, à la différence de l'argent. En attendant, t'es pas certain que ça arrange les affaires de Nina. Pas plus que ça n'arrangerait les tiennes. Si c'est une peine de coeur qu'elle a, ça ne risque pas de ressouder son coeur brisé. Tu baisses les yeux, en soupirant. Sans doute qu'elle n'a pas vraiment tort. Même si c'est triste. « Peut-être... mais tu sais pas de quoi demain est fait, tu trouveras peut-être l'homme de ta vie par hasard ! Et tu verras, ça ira immédiatement mieux. » Tu lui souris. Tu seras toujours là pour elle, elle pourra compter sur toi, et tu viendras toujours la harceler chez elle quand elle ignorera tes messages. Et elle le sait très bien. « Faut essayer de prendre la vie avec légèreté, sinon c'est pas drôle ! » et tu sais de quoi tu parles avec ta mère tout ça... même si tu n'en parles jamais vraiment. « Oulà, moi ? Je sais même pas par quoi commencer vu le pétrin dans lequel je me suis fourré ! » Au moins, elle le sait. T'es dans le pétrin. Après, elle va te poser des questions, tu le sais, mais tu risques surtout de te prendre une bonne tape si elle réalise à quel point tu as merdé.

Une grimace s'affiche sur ton visage, sans vraiment compter partir. Tu ne la chasses pas pour autant. La réponse de Nina ne te satisfait pas. En tant qu'ami, tu aurais préféré qu'elle te dise "oui". Mieux valait avoir des problèmes matériels que des problèmes qui, d'une manière ou d'une autre, touchaient votre coeur. Ca, tu le savais très bien. Depuis ton enfance tu étais plongé dedans. Tu sens le "mais" venir et tu l'attends avec beaucoup d'appréhension. Et il arrive. Ce n'est pas aussi pire que ce à quoi tu t'attendais, mais tu te serais attendu à ce qu'il n'y ait pas de suite à cette phrase. Ou alors une positive. Pas ça. Tu n'aimais pas savoir que Nina était dans la panade au point d'avoir besoin d'aide. « Je comprends tellement... Moi non plus ça ne m'en sortirait pas, si ça peut te consoler. » Bon, c'était clairement pas la meilleure réplique de ta vie, mais aussi cruelle soit cette affirmation, le malheur des autres avaient un effet cathartique sur les gens, qui se disaient qu'il y avait pire chez eux. Tu n'as pas souvent fait l'effet de cette catharsis, clairement, mais tu sais que tu en as été la cause lorsque les gens ont appris ta situation familiale. Enfin, à l'exception près que très rares sont les personnes qui connaissent la situation exacte de ta mère. Pour la plupart, elle est hors du tableau, tu n'as pas grandi avec, point. La vérité est autre, bien sûre. Tu as de la peine en entendant ça. Parce que toi, le destin, le hasard, ou peu importe comme ça s'appelle. Tu y crois. C'est ce qui te donne la force de te lever au petit matin. De te dire que si tout ça arrive, c'est pour une raison. Même si t'ignores laquelle. « Chacun son truc... » Tu hausses les épaules. Elle a sans doute pas la foi de débattre, et faut dire que toi non plus. De toute façon, pour le reste, tu t'apprêtais déjà à le lui dire. T'es pas venu pour ça, ta priorité c'est elle, mais peut-être que, justement, tu vas pouvoir lui remonter le moral en réalisant qu'il y a des problèmes partout ? Enfin, ça risque de l'enfoncer, mais bon voilà. « Anais. Elle est revenue. » Elle sait de qui tu parles. Elle la connaît pas bien cette collègue qui t'agace, qui t'énerve, que t'as envie d'étrangler rien qu'en entendant sa voix de crécelle. Mais la suite est pas bien jolie... « Elle... hmm... elle est enceinte. Et apparemment, elle est enceinte de moi. » Nina est l'une des rares personnes à savoir que lorsque tu as appris, après tout le monde alors que tu lui téléphonais chaque soir, que ta tante avait un cancer, tu t'es soulé et tu t'es réveillé sans aucun souvenir, nu dans le même lit qu'elle. Et qu'elle était aussi nue. Une vraie vision d'horreur d'ailleurs. Tu ne sais donc pas vraiment si il s'est vraiment passé quelque chose... ni même quoi. Du coup, tu la crois un peu sur parole et ça te démolit. Parce que le pire, le pire... Nina ne le sait pas encore.