#220 my world ... is in mess ► noa

J’avais dit que je garderais un oeil sur Nina, mais c’était sans compte sur tout le bordel qui vient d’envahir ma vie. Des imprévus à chaque coin de rue. Du mauvais, du très mauvais. Un peu de bon tout de même. Je ne suis pas sûre qu’il va durer longtemps ce bon. Parti comme ça l’était ? Ouais le bon, il n’allait pas faire long feu. J’ai failli me faire tuer au milieu d’une fusillade. J’ai failli me retrouver derrière les barreaux à cause d’un flic trop collant. Connor, un ami très cher à mon coeur est malade et se prépare à l’issue la plus terrible. C’est confirmé, la jeune maman va reprendre son poste à Prime TV. Mon frère m’a lancé un défi et c’est là le truc, ce défi qui pourrait annihiler la seule chose bien. Déclarer à Leeth que je ne suis pas indifférente à son charme ! Au milieu de tout ça, oui, je n’ai pas été à la hauteur pour Nina. Je m’en veux terriblement. Pour limer un peu ce sentiment, je me dis qu’elle non plus ne l’a pas été, elle ne m’a pas tenu au courant de son manque d’appétit. En fait au lieu de me déculpabiliser, cela m’affole. J’espérais la voir au Centre nautique, mais absente depuis longtemps. Cela ne présageait rien de bon. Si elle a disparue du secteur, c’est que ça va mal. Pas question de laisser passer un jour de plus sans avoir de ses nouvelles. Pas question de simples sms où elle pourra me raconte n’importe quoi. Pas question d’un appel téléphonique pour entendre “plus tard, j’ai pas le temps maintenant.” Je veux l’avoir en fasse de moi, pour éviter toute tricherie. Je sonne à sa porte. J’ai de la chance, la porte s’ouvre sur Nina et une superbe remarque sur ma couleur. Je cale un sourire sur mes lèvres, au moins elle est en vie et elle garde de l'humour à porter de main. — Ah ben oui quand même, partie ! Je me serais rasée la tête si elle avait duré encore. Sinon, salut toi. Comment ça va ? Ouais j’attends pas, je passe directement aux choses sérieuses. Sauf si elle prend ma question pour une formule de politesse basique et qu'elle me répond tout aussi basiquement.

Nina va à la simplicité, couleur sur couleur, moi je vais à l’extrême, un passage à la tondeuse. Pourquoi faire dans la demi-mesure ? Trancher dans le vif pour éviter la gangrène. Ouais, enfin on parle de couleur de cheveux, pas de cette histoire où le gars coincé dans une crevasse se coupe le bras pour en sortir. — Ça m’aurait donner un style. Non ? Je passe ma main sur ma tête en riant. — On m’aurait pris pour une célébrité d’outre-océan venue se cacher en Nouvelle-Zélande pour fuir la vie dissolue d’Hollywood. Une écrivaine en mal d’inspiration venue se ressourcer dans ce pays à la culture si passionnante ? Je fronce les sourcils. Ou tout l’inverse, parce qu’une femme sans cheveux, ce n’est pas ce qu’on côtoie le plus de manière naturelle. — Ou une moribonde en phase terminale. Là ce serait pas la joie. Je fais une moue en haussant les épaules. De toute façon, le problème couleur est réglé. Nina me laisse entrer tout en m’expliquant qu’elle ne va pas super bien. Cela m’attriste énormément. — Je comprends. C’est pour ça que tu ne passes plus au Centre nautique en ce moment ? Je la regarde. Je suis vraiment nulle. J’aurais dû m’enquérir d’elle plus tôt. Elle m’offre une boisson. — Oui, merci. J’anticipe la question qui va généralement avec, le “quoi ?”. — Ce que tu veux. La même chose que toi. Ça m’ira. Et si tu prends rien, je prends rien. Pas difficile et surtout je ne veux pas la contraindre à chercher ou faire quelque chose de spécial pour moi. Quand on ne va pas bien, on n’a pas envie de se lancer dans des préparations. Est-ce que c’est uniquement sa santé qui ne va pas ? Le moral ? La fac ? Avec mes horaires de dingue, on ne s’est pas croisé là-bas. — Tu as réussi à jongler entre les cours et ton job ? Ton appétit est revenue ? Probablement pas, quand on ne va pas bien, c’est la première chose qui lâche. Généralement pas fait pour aider.

Nina m’explique pourquoi elle ne fréquente plus le centre nautique en ce moment. C’est vrai qu’il faut être foncièrement passionné pour pratiquer quelque soit la saison et être excellent en la matière pour se lancer sur les vagues hivernales parfois déchainées. Mais ce n’est pas la seule raison. Elle a la tête ailleurs, alors elle laisse passer les saisons et vise le printemps pour un retour. Je ne peux pas m’empêcher de m’inquiéter sur cette autre chose. Avec l’offre de boire quelque chose, on se retrouve autour d’un verre au salon. Jus de fruits. C’est toujours bon. L’autre chose donc, la fac ? — C’est certain que c’est un univers particulier avec son rythme à prendre. C’est génial si tu peux gérer ton temps entre ton travail et les études. Il semble que cela se mette en place tranquillement, c’est une bonne nouvelle. La santé ? Je fronce les sourcils en écoutant la raison de son manque d’appétit, tout au moins c’est le seul symptôme qu’elle m’a révélé. — Ah ! Alors oui, faut faire attention. Je réfléchis à l’impact sur sa vie d’une déficience pareille. Je me freine parce que je sais que là, sur ce sujet, je vais vite partir loin. — Avec toute l’énergie qu’il va te falloir pour être partout, ce n’est pas à prendre à la légère. L’anémie est la conséquence d’un déséquilibre quelque part dans l’organisme. Je la regarde en essayant de sourire. Je viens de découvrir qu’un de mes amis souffre d’un cancer et qu’il se prépare à la pire des possibilités. Mon sourire, il est là mais j’ai surement aussi les yeux qui brillent, parce que j’aurais du mal à accepter qu’une deuxième personne qui m’est chère est un problème aussi grave. Alors ma voix tremble quand je lui demande. J’ai besoin de savoir. — Dis-moi que... que la cause de cette anémie... c’est pas... C’est un truc qui se règle facile. Ce n’est pas une terrible maladie. Je pense au pire, comme ça, quelque soit sa réponse, j’en serais soulagée. J’espère soulagée.

Nina n’est pas à l’article de la mort, c’est un soulagement énorme. Je soupire et chasse tout le volume d’air de mes poumons, plus je sais pas quoi mais je trouve moyen de souffler encore après qu’ils soient vides. Après il faut tout remplir et je renifle dans la foulée, parce que j’ai tellement eu peur. — Tu m’enlèves un poids en disant cela, tu n’as pas idée. J’étais vraiment partie sur les pires idées. Je n’explicite pas, inutile de parler de Connor. C’est entre lui et moi, comme ça l’a toujours été, notre secret. Entre lui et moi, et cette échéance à la date incertaine. Elle me parle de son colocataire. J’ai un doute sur son identité. Elle a mentionné le jeune homme du voyage, l’autre jour, mais je ne me souviens pas de quelqu'un d'autre. — Le colocataire ? Le beau brun du voyage ? Si ce n’est lui, tu monopolises l’attention des hommes pour les mettre à ton service ? Un harem ? J’ai besoin de plaisanter pour décompresser par rapport au problème de santé qui m’a fait flipper. — Faudra que tu me dises ta technique, ça peut servir. Je rigole de mes propres stupidités, ça détend et ça fait du bien. Et puis côté harem... sérieusement, non merci. Les hommes, les uns après les autres, oui, ensemble c'est trop ! J’ai deux hommes dont je me préoccupe actuellement, c’est bien assez, et ce n'est pas sur le même plan, la même histoire ni le même devenir espérer. — Et... euh... Je cherche son nom. Je revois assez clairement le visage qu’elle m’avait montré sur son portable, l’autre jour quand nous avons déjeuné ensemble. Le nom, je l’ai sur le bout de la langue. Il va venir à force de l’appeler. Voilà je crois que j’ai retrouvé ! — Finn ? C’est ça ? Vous en êtes où tous les deux ? Une suite à votre voyage ? Un deuxième ? Ne présageons de rien d'autre pour éviter une erreur.

Nina pas contre un harem, j’esquisse un sourire. J’essaie de l’imaginer, c’est vrai que sa chevelure de braises est parfaite pour dominer un tel regroupement d’hommes. J’en apprends un peu plus sur elle. Elle a un coloc. Je regarde rapidement autour de moi si je repère quelque chose qui signalerait sa présence. Quelques photos, mais cela ne cible personne, pas de croix au-dessus de la tête signifiant “c’est lui”. Moins de frais pour la maison, j’en doute pas. Personnellement, j’ai la chance d’être logée chez ma mère, même si c’est dans la dépendance. Un choix, dès que j’ai pu, pour être plus libre, tout en restant proche de mon frère, encore un peu, d’avantage prête à m’éloigner de ma mère que de lui. — Je ne sais pas à quoi ressembler ton ancien logement, mais celui-ci est sympa. Pas de regret à avoir, surtout si ton colocataire est serviable. Par contre les mauvaises nouvelles concernant Finn m’enlèvent mon sourire pour le remplacer par un soupir. — Quel connard ! Oui parce que jeter Nina qui est quelqu’un de tellement gentil, je trouve ça abjecte, digne d’un moins que rien qui ne doit pas lui arriver à la cheville. — Les hommes, c’est pas simple. Et je suis en plein dans ce genre d’histoires entre Leeth a qui je me prépare à dire que je tiens à lui et en voyant le résultat pour Nina et Finn, j’angoisse un peu plus, et Connor qui dans une lettre m’annonce tous ses regrets nous concernant, concernant le couple que nous aurions pu former, la faute à qui ?! A lui, rien qu’à lui. — Ouais, vraiment pas simple les hommes. Je récupère mon verre de jus de fruits et me cale dans le siège. Je vais en avoir besoin, des vitamines, de l’énergie pour gérer tout ça. Je peux me prévoir des pansements aussi parce que je sens que je vais avoir de quoi me cogner la tête contre les murs avec ces messieurs et surtout pour rafistoler mon coeur.

Nina semble fataliste face à la fin de sa relation avec Flinn. J’en suis étonnée. Personnellement, j'ai fait d’avantage dans le passionnel ! — Tu as l’air de prendre ça bien. A ta place, j’aurai... j’aurai... je sais pas... péter les plombs, parce qu’aimer c’est un brasier et quand il ne peut plus avoir un nom sur qui se fixer, l’incendie se répand et brûle tout sur son passage. Quand Connor m’a dit que c’était fini entre nous, j’ai passé la soirée en compagnie de ma première bouteille de vodka, bue de A à Z, je ne sais toujours pas comment j’ai survécu ! J’ai vidé ma garde-robe complètement, tout brûlé, c’est pour le coup, un grand brasier sur la plage, là où on se retrouvait. Il ne me restait que ce que j’avais sur le dos, et encore ça a failli y passer aussi. Je me suis empressée d’aller dans une friperie pour remplir l’armoire vide avant que ma mère s’en aperçoive. Changement de look complet. Beaucoup de noir pour le deuil de tout ce que j’avais imaginé pour nous deux. Beaucoup de noir pour me fondre dans la nuit avec des gens pas nets. Tout le monde a mis ça sur le compte d’une crise d’adolescence, d’une rébellion contre ma mère dont je ne supportais plus les hauts et les bas. J’avais besoin de quelqu’un de solide à côté de moi pour m’accrocher et c’était tout l’inverse. — Si t’as besoin de quelque chose, même si ton coloc est sympa et efficace... Je hausse les épaules. Parfois une discussion entre filles permet d’évacuer des choses qu’on ne dirait pas à un homme. — N’hésite pas. J’étais venue prendre des nouvelles de Nina. J’en avais. Même si toutes n’étaient pas réjouissantes. Je ne voulais pas non plus imposer ma présence. Je finis mon verre.

Nina finit par m’expliquer tous les mauvais moments qu’elle a passé à la suite de la séparation avec Finn. Bien plus dur que ce qu’elle m’a laissé supposer au prime abord. J’imagine aisément. J’y suis passée, même si les raisons étaient tout autre et surtout, il a fallu à l’époque que je masque tout pour protéger ce lien, ces sentiments qui n’étaient pas sensés existaient. Je hoche la tête. — Je comprends tout à fait ce que tu as ressenti. Un truc me surprend dans ce qu’elle me dit, le jeune homme est parti voir dans le pré d’à côté. — Oh ! Les mecs entre eux, ouais, là c’est autre chose. Si c’est sa préférence, tu as peu de chance. Par contre il aurait du être honnête. Et s’il oscille entre les deux c’est pas évident non plus. La réponse à mon offre d’aide ne se fait pas attendre. Nina s’approche de moi pour un câlin. Je la prends dans mes bras et la serre. — Il faut qu’on se fasse un truc sympa pour gommer les mauvais jours. Tout ce qui te passe par la tête, même les choses les plus aberrantes. En fait, plus c’est tordu, plus c’est libérateur. On peut accrocher le portrait de Finn et s’en servir pour cible de fléchettes ou de balles ou de pots de peinture. On va éviter de lui proposer de faire la route de la corniche entre Island Bay et  Wellington, les yeux bandés au volant d’une voiture avec seulement la voix du co-pilote pour guider. Je l’ai fait et en plus avec de l’alcool dans le sang. Et avec le recul je me dis que ça tient du miracle qu’on soit arrivé intact. Alors, ça non, j’entraine pas Nina dans un truc dangereux. — Et on peut commencer dès maintenant. Aller faire un tour au parc d’attractions et se gaver de barbe à papa jusqu’à en être malade. N'importe quoi, tu lances l’idée et on se jette à l’eau. "On" pour "nous", pas question que je la laisse seule faire une connerie, je ne la lâcherai pas dans ce parcours contre la déprime.