#220 my world ... is in mess ► noa

La tête de Finn d’un côté, la tête de Kaleb de l’autre, pour un tournoi de paint-ball. Des pantins avec leur trogne d’épinglée dessus, cachés sur le parcours dans les bois. On peut songer à aller jusque-là ! Avec une remise de coupe au vainqueur ? Une traque sans merci. Surtout une traque des douleurs causées par la rupture, parce que les cibles à détruire ce sont elles avant tout. Les portraits ne sont que des supports sur lesquels focaliser le mal. J’ai émis l’idée d’un défouloir mais je ne peux pas, ne veux pas aller au-delà des envies de Nina. J’indique des pistes. Cela reste à elle de choisir. — Oh ! T’inquiète pas pour mon moral. J’ai déjà matière à le foutre en l’air toute seule comme une grande. Nina ne risque pas d’en ajouter. Résultat l’idée des distractions à outrance a des chances de m’apporter autant qu’à elle. Penser à autre chose. M’oxygéner l’esprit tout en veillant sur Nina, tout en essayant d’éviter qu’elle ne sombre dans une grosse déprime. Ce rejet des mauvaises ondes me permettra d’être encore plus disponible pour elle. — J’ai peur de rien. Je suis en béton armé. Sourire en coin. Je suis là pour la booster, alors mes petits problèmes et les grands, je les range dans un coin. J’aurais bien le temps et l’occasion de me regarder le nombril plus tard. — Tu as été là pour moi. Tu en as fait bien plus que bien d’autres alors qu’on ne se connaissait pas beaucoup. Alors pas question que je me déciste maintenant. Ça me fait plaisir de pourvoir te filer un coup de main pour que tu ailles bien. T’es quelqu’un de bien Nina. Tu mérites qu’on veille sur toi. Ce sera même un honneur pour moi. Nina sans sa bonne humeur, j’imagine même pas alors je me mets corps et âme à sa disposition pour l’aider à la remettre d’actualité.

Si je peux aider Nina c’est sans problème. Ça me réjouit qu’elle accepte. J’aurais préféré qu’on mette à exécution le plan “remonter le moral de Nina” plutôt qu’elle ne sorte sa petite phrase. J’étais venue prendre de ses nouvelles et je me retrouve avec la question en boomerang. C’est logique. C’est normal, on vient de parler de mon moral. Après notre échange, je me vois mal parler de Connor et de sa maladie. Beau fixe, alors le beau fixe c’est Leeth. — J’ai rencontré un homme. Je souris, parce que rien que penser à lui... — Le truc le plus dément qui soit, c’est que mon frère a rencontré aussi quelqu’un. On n’est pas jumeau pour rien ! Trouver le moyen d’être amoureux en même temps. Le mot m’a échappé. Je déteste cette sensation, aimer, être amoureuse. C’est horrible. — Lui c’est évident, tu verrais comment il parle d’elle. Nous, Leeth et moi, c’est pas aussi... simple. Nous ne sommes pas du tout en mode fleurs bleues et petits oiseaux, ça c’est le style plutôt de mon frère. Leeth et moi c’est... autrement. Voilà. Mais merde quoi ! C’est pas la bonne chose à dire alors que Nina vient de se faire larguer. Je soupire. — Ah, je suis désolée. Ce n’est pas le bon sujet à aborder. Je secoue la tête attristée. — Attends je cherche autre chose... Je me lance dans une fausse réflexion parce qu’il n’y a rien d’autre d’aussi génial. — Et sinon, il y a juste un petit soucis de rien du tout. Mon remplacement à Prime TV va s’achever. C’est officiel, madame reprend son job et laisse monsieur pouponner à sa place à la maison. On ne va pas se plaindre que le père assume totalement sa fonction et souhaite passer du temps auprès de son gamin pour le voir grandir. Le partage des tâches c’est très bien. Ça tombe juste mal avec ce boulot qui me plait de plus en plus. Tant pis. Je trouverais autre chose. Déjà, je ne repars pas avec un CV vide. Oui, enfin, ça s’est dégradé un poil, si je puis dire, depuis que ce flic m’a embarquée dans le hall d’entrée de l’immeuble de la chaine devant la rangée d’ascenseurs. Heureusement, pas menottes aux poignets alors ça laisse un doute. Je suis devenue le scoop potentiel de ces journalistes en mal de sensations. Je suis choyée, de quoi prendre des kilos avec les chocolats et petits gâteaux qu’on m’offre. Ce n’est plus moi qui vais chercher le café ou le thé des autres, je suis servie en quantité plus que nécessaire. Je dis dégrader parce que j’aurais nettement préféré que cette attention soit parce que je fais bien mon job et que mes collègues le reconnaissent. Pas pour me soudoyer et me tirer des informations.

Nés presque en même temps, ça joue sur le tracé de la route de la vie. Des trucs similaires par-ci par-là malgré de grosses différences. Mais nos deux couples, c’est un joli coup du sort. Un doublet parfait même s’ils ne ressemblent pas. Dans ce domaine, cela tient à nos sensibilités, nos manières de vivre. Nina accepte que le sujet entre dans notre conversation alors je lui précise quelques détails. — Kenzo est tout à fait capable de faire rimer amour avec toujours. Moi c’est plutôt papillon d’un soir. Alors passer à la durée... d’autant que Leeth ne semble pas être particulièrement intéressé par la vie de couple à la sauce quotidienne. Pour ça, on s’est bien trouvé. On va prendre les choses comme elles viennent. Je n’ai pas envie de le brusquer. Pour ne pas dire le perdre. — Enfin pour l’instant ce n’est pas officiel. On a rendez-vous très prochainement et là... Je fais une légère moue en repensant au serment qu’on s’est fait mon frère et moi. — On doit justement... Kenzo et moi, on a décidé de déclarer nos sentiments à la soirée que chacun aura avec la personne chère à son coeur. Bref, tout ça ce n'est pas encore totalement gagné, mais j'aurais vraiment les réponses dans peu de temps. Pour le boulot, je confirme d’un hochement de tête, déçue tout de même. — J’aurais bien passé quelques mois de plus à la chaîne. Je secoue la tête une seconde fois.— Pas de plan B. Je vais me remettre à faire circuler des CV, tenter d’avoir des rendez-vous. Ceci dit, il y aura une ligne de plus que l’autre fois. Ça m’aura fait une expérience. En plan F, il y a la toiletteuse pour chiens du centre ville qui m’avait proposé de prendre ses rendez-vous, d’accueillir la clientèle et de tenir compagnie aux toutous en attendant que les propriétaires repassent. Il semble qu’elle ait du mal à garder quelqu’un. Ouais, c’est une option, si vraiment je ne trouve rien d’autre.

La relation avec Leeth tourne autour de cette grande question, est-ce que les sentiments sont les mêmes des deux côtés ? C’est toujours la même question quand deux personnes se croisent, s’apprécient, ébauchent une relation. Un tantinet délicat à chaque fois quand la situation dure, pousser les choses dans un sens ou éviter, reprendre son paquetage et aller voir ailleurs avant que ça ne devienne sérieux. Avec Leeth, j’en suis là. C’est soit lui indiquer une direction que j’apprécierais de prendre ou ne rien dire et... je ne sais pas ce qui en résulterait. Nina prévoit de croiser les doigts pour que ma future déclaration débouche sur du positif. Je lui souris. J’espère que ça ira par là, moi aussi je croise les doigts. Je les croise surtout pour Kenzo, ça me ferait plus mal si ça ne marchait pas pour lui que d’avoir un refus de Leeth. — Tu vois, j’ai bien fait de garder mes cours au Centre Nautique. Une sacrée bouée de sauvetage ce p’tit job, si je puis dire. Je n’ai pas envie de m’étaler d’avantage sur mes tracas, Nina a assez des siens. — Je vais m’en sortir de tout ça. Ça va se régler. Plan F ! J’éclate de rire, prête à éplucher l’alphabet pour trouver la bonne solution pour un travail. Quand je reprends mon sérieux, c’est pour me concentrer sur Nina. Je ne veux pas accaparer tout son temps. — Et toi, n’oublie pas, si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis à ta disposition. Je m’approche d’elle pour lui déposer un baiser sur le front pour lui dire au revoir. — Je suis là quand tu es sur une planche de surf mais aussi en dehors de ce temps sur l’océan et la plage. Réfléchis à l’activité de folie qui te brancherait pour une détente maximale et on s’y met au plus vite pour te redonner le plus beau des sourires. Je jette un coup d’oeil autour de moi pour vérifier que j’ai bien toutes mes affaires et pouvoir repartir.