You're cute, you know [Lily & Ivan]

Tiens, une journée pluvieuse. Il n’y en avait pas tant que ça durant l’été néo-zélandais. Ce qui est tant mieux, je pense. Du coup, se réveiller avec le son et l’odeur de la pluie est un petit bonheur. Inutile de dire que je songe déjà à la boue qui va se former sur le terrain de dunes de terre où j’aime courser en motocross cette année. Demain sera donc définitivement un bon moment pour profiter de l’humidité du sol pour faire quelques tours. Ma fille passe la journée avec sa mère et sa grand-mère. À mon réveil, les deux femmes de ma vie sont d’ailleurs déjà partie. Un coup d’œil au réveil matin me fait comprendre pourquoi. Il est midi passé. Faire des heures supplémentaires à l’usine ne me réussit pas. Surtout que je me lève courbaturé maintenant. Je soupire, me glissant sous la douche afin d’espérer y trouver un peu de vitalité. Je mange en vitesse un bol de céréale. Il y a mieux comme repas à prendre, sauf que j’ai envie de trainer dans le garage aujourd’hui donc j’ai déjà perdu suffisamment de temps. Je mets mes bottes de travail et je me retrouve dans mon coin mécanique l’instant suivant. J’ouvre toute grande la porte du garage afin de pouvoir observer l’eau tomber du ciel. Demeurant à l’abri de la pluie, je m’occupe de changer l’huile de ma motocross et de faire une vérification générale de son état. Elle est belle et toujours aussi féroce. L’air est humide dehors, me donnant bientôt chaud à force de faire des tâches physiques. J’ignore ce fait jusqu’à sortir la tête de derrière l’engin, le visage couvert de sueur. Tant pis. Je passe mon poignet afin d’essuyer les perles réunies sur mon front. Une main sale glisse dans mes cheveux et je finis par accepter le fait que je suis trempé. Je pourrais accuser facilement la pluie. Je me contente de secouer un peu la tête pour faire disparaître une partie de la sueur de mes mèches. Je veux terminer la maintenance de la motocross avant de retourner sous la douche. En reculant trop vivement de ma position semi-couchée, mon dos percute mon établi. Une pièce de rechange en métal se retrouve renversée au sol, faisant un bruit un peu trop dramatique et excessif à mon goût. Ça doit avoir résonné dans tout le quartier, presque. C’est incompréhensible. Ce n’est qu’une pièce de moteur. Je m’étire pour ramasser celle-ci, réussissant à me couper le doigt contre son côté affuté au passage. Sérieusement ? Je m’étire à nouveau pour me saisir d’une serviette que j’enroule aussitôt autour de mon doigt et ainsi faire pression sur la coupure. J’essuie avec cette même serviette les quelques goûtes rouges qui sont tombées sur le ciment du garage. Résultat, la serviette est noire et rouge, couverte d’huile et de sang. Mouais, je pense que je vais rentrer nettoyer ça, moi. Au moment de me relever, je vois une silhouette se tenir à l’entrer du garage, sous la pluie. Je la reconnais aussitôt. « Hey Lily, approche. Il va y avoir un orage, je pense. L’humidité ne ment pas. » Je prédis comme ça en lui faisant signe de quitter le torrent qui semble se déverser du ciel. Je baisse les yeux sur ma main blessée. « Je ne me suis pas manqué. Mais c’est rien, juste une petite coupure. » J’affirme en lui souriant. Qui je tente de rassurer là ? Elle ou moi ? Je sens pourtant très bien que mon doigt continue de saigner à travers le tissu. Je devrais rentrer pour mettre un pansement dessus. « Tu as envie de m’aider à la soigner ? Je pense qu’une autre paire de mains ne sera pas de trop. » Je lui avoue, grimaçant tandis que j’appuie sur mon doigt meurtrie.

Je fronce les sourcils légèrement alors que Lily se rapproche de moi, une boîte à la main. Je ne m’attarde pas vraiment sur cette dernière, surtout surpris qu’elle affirme devoir aller se cacher si effectivement il y a un orage. Étrangement, je pense à ma fille qui aime parfois nous jouer des tours et se dissimuler là où on ne peut pas la trouver à moins d’y passer de nombreuses minutes. Ça la fait bien marrer. « Espérons alors que je me trompe, alors. Je suis nul à cache-cache. » Je dis en riant, baissant les yeux sur ma main blessée. J’aimerais bien jeter un coup d’œil sur la coupure à mon doigt pour en déterminer l’importance réelle mais pas ici. Je me relève donc, posant le regard sur ma voisine. Je ne cache pas mon état à la jeune femme et évidemment elle cherche à comprendre ce qui m’est arrivé. « J’ai mis le doigt où il ne fallait pas, je crois bien. Mon index à glisser le long de la partie coupante de cette pièce de la motocross. » Je l’informe, lui pointant la pièce fautive toujours au sol qui est marquée de mon sang d’ailleurs. C’est vraiment un bête accident. Et comme je travaille sans gant de protecteur comme tout bon mécanicien, je suis complètement exposé aux coupures ou aux brûlures. Je continue de ne pas m’en faire avec cela, invitant toutefois Lily à m’aider si elle le souhaite. Elle étudie pour devenir chirurgienne après tout. S’il y a bien quelqu’un qui sera enchantée par cette idée c’est bien elle. Et comme je le prédis, elle voit cela comme un cadeau. Je souris très grand. Je lui fais donc signe de me suivre dans la maison, qu’elle connait déjà pour avoir gardé ma fille il y a quelques temps. Un service grandement apprécié d’ailleurs. Je la conduis vers la salle de bain, ouvrant la pharmacie de ma main gauche tandis que je presse la droite contre ma poitrine. Il y a des pansements et du désinfectant, mais pas grand-chose de plus. Je la laisse se saisir de ce qu’elle a besoin tandis que je porte ma main meurtrie au fond de l’évier tout en libérant mon doigt de la serviette. La coupure est suffisamment profonde pour laisser apparaître l’os. La lacération est légèrement en oblique, partant de la phalange distale presqu’à la toute fin de la phalange proximale. Mon Dieu, je ne me suis pas manqué. Par chance que je ne me suis pas amputé le doigt avec cette pièce. Le sang coule encore beaucoup hors de la plaie, me poussant à appuyer sur mon index avec l’aide de mon pouce salie d’huile. Pas la meilleure des idées, mais c’est un réflexe. Je ne peux tout de même pas me laisser me vider de mon sang sans rien faire. Je grimace. « Ce n’est pas joli. » Je dis en gardant les yeux fixés sur ma main ensanglantée. Je remarque à nouveau la petite boîte qu’à gardé avec elle Lily. Je la pointe de ma main gauche. « Dis-moi que tu as quelque chose pour me guérir miraculeusement dans cette boîte ? » Je dis avec mon ton le plus sérieux bien que mon visage soit légèrement malicieux. Non, je sais qu’elle n’a pas ça sur elle. Ça serait trop cool pourtant. C’est forcément autre chose. Et ce n’est probablement pas de mes affaires mais hey, je suis en train de mourir au bout de mon sang ! J’ai bien le droit à certains privilèges, non ? Non. Ok. Ce n’est pas faute d’avoir essayé.

« Marché conclu » Je dis en riant avec elle. Je ne me souvenais pas qu’elle avait peur des orages. Elle me l’a peut-être déjà dit mais je n’ai pas fait attention. Je pourrais rire davantage avec elle si ma main n’était pas dans un état aussi inquiétant. Du moins, je présume que ça l’est juste à sentir mon pouls résonner dans mon doigt meurtri. Je raconte ainsi à la jeune femme ce qui m’est arrivé et elle me rappelle les dangers de travailler sans protection. Je me retiens de rire à cela. « J’ai déjà connu pire. » Je lui assure en demeurant volontairement vague sur le sujet. Je ne vais pas lui citer chacune de mes blessures, la liste étant trop longue. Il me semble mieux d’agir sans tarder pour arrêter le saignement. Je conduis ainsi Lily dans la maison jusqu’à atteindre la salle de bain où elle pourra trouver le nécessaire pour m’aider à nettoyer au minimum la coupure. Je me mets la main droite au-dessus du lavabo afin de dévoiler la blessure à nos yeux. Ce n’est vraiment pas beau. J’ai pour réflexe d’appuyer avec mon propre pouce sali dès que je constate que ça continue de saigner abondamment. Je me fais évidemment réprimander par la future médecin. Je fais une grimace désolé et je libère mon doigt de toute contamination d’huile supplémentaire. Je fronce les sourcils en n’aimant pas trop l’idée de devoir subir des points de suture à froid. Je tente donc de me distraire au possible tandis que Lily fouille dans son sac à main. Elle m’apprend qu’elle a des cookies dans sa boîte reposant à présent sur le comptoir le temps de finir de s’occuper de moi. Elle attire mon œil en ouvrant la boîte pour m’en donner même un. Je m’en saisis volontiers de ma main gauche et je croque dedans sans hésitation. C’est bon ! Et oui je confirme ça remonte le moral. Elle veut savoir où sont Tracy et Kaleigh. J’avale ma bouchée avant de répondre. « Avec grand-maman. Ce qui fait que je suis tout seul mais j’avais prévu de m’occuper de la moto de toute façon donc ça ne me dérangeait pas avant de m’amputer presque le doigt. » Je dis avant de reprendre une bouchée. « C’est vraiment bon ! Merci d’avoir pensé à nous. » Je lui dis, finissant le cookie d’une troisième et ultime bouchée. Je baisse ensuite les yeux sur ce que Lily s’apprête à faire à mon index droit. Elle me demande de ne pas bouger, ce qui me fait automatiquement me tendre. Le mouchoir qu’elle me tend me donne encore moins confiance en ce qu’elle va me faire. Je mords dedans tout de même, ne lui opposant aucune résistance. Je la regarde donc tandis qu’elle essuie au possible le sang et désinfecte la plaie simultanément. Je porte une grande attention à ses gestes de suture. Le focus que j’y applique me permet de demeurer immobile. Je serre la mâchoire par moment alors qu’elle fait glisser le fil dans ma peau. Je libère ma bouche du mouchoir lorsqu’elle a terminé et nettoie une seconde fois son travail. Elle applique à présent un pansement sur mon doigt tandis que je me permets de prendre un deuxième cookie pour me récompenser. En faisant ça, je colle accidentellement mon torse contre son épaule, m’excusant d’un sourire d’envahir de la sorte son espace. Je recule en portant le cookie à ma bouche. « Tu es vraiment douée en tout cas. Merci infiniment de ton aide. Tu vas faire une extraordinaire chirurgienne. » Je souris à nouveau, content de croiser son regard tandis que je la complimente de la sorte.

Je hoche la tête positivement, d’accord avec le point que soulève Lily. Je suis en effet heureux que mes deux femmes ne soient pas là au final. Tracy parce qu’elle a une véritable phobie du sang qui l’aurait horrifié si elle avait du prendre la place de la jeune étudiante en médecine. Quant à ma fille, je préfère lui épargner la moindre inquiétude à mon sujet. Je suis donc vraiment reconnaissant que ce soit Lily qui s’occupe de moi. Je sais en tout cas que je suis entre de bonnes mains. Je tente donc de me montrer le plus docile et reconnaissant possible à son égard. Je réussis en tout cas à la faire sourire magnifiquement en la complimentant pour ses cookies. Ils sont vraiment délicieux donc ce ne sont pas des paroles en l’air. Je me montre tranquille, un vrai patient modèle, alors qu’elle exécute les points de suture à la perfection. Ma peau est brûlante et tire légèrement sous le pansement nouvellement apposé, me donnant comme réflexe de vouloir gratter la plaie refermée. Je réussis à combattre la tentation en portant à ma bouche un nouveau cookie. Heureusement que ces derniers sont là pour me remonter le moral et pour distraire mon esprit agacé par la récente blessure à ma main droite. Je ris instantanément alors qu’elle me promet de me faire des réductions sur mes futurs frais médicaux parce que j’ai été son tout premier patient. Ça c’est ce que j’appelle de la générosité. « J’apprécie. Promis docteur, je vais tenir ce doigt loin de l’eau. » Je lui assure avec un sérieux dans le fond de mon regard qui peut la convaincre que je ne vais pas désobéir à cette indication. Je ne voudrais surtout pas réduire ses efforts à néant en mouillant stupidement ce doigt. J’expire mon soulagement de ne plus me sentir me vider de mon sang partout tandis qu’à l’extérieur le tonnerre se fait entendre au loin. Je lève les yeux brièvement sur le plafond, avant de les baisser vivement pour constater que Lily est sérieuse quant à sa phobie des orages. Je vois même son corps se crisper sous une panique imminente. Je porte par réflexe ma main gauche sur son épaule. Je ne m’exprime que lorsqu’elle croise mon regard. « Hey, tout va bien se passer. Tu peux rester avec moi le temps que l’orage passe, ça ne me dérange pas. Laisse-moi simplement aller refermer la porte du garage et on pourra se réfugier dans le salon le temps nécessaire. » Ma voix est similaire à celle que j’use pour rassurer Kaleigh après un cauchemar. Bon sang, je suis père-poule même en l’absence d’enfant sur qui veiller. Je maintiens ma proximité avec la blonde le temps que je sois sur qu’elle tient le coup à l’idée que je m’absence quelques minutes tout au plus. Dès que j’en ai la certitude, je l’observe s’installer sur le divan du salon avant de retourner au garage pour refermer la porte demeurée grande ouverte. Seigneur, le ciel est très sombre non loin. L’orage est inévitable, j’en ai peur.

Je la comprends d’aimer se faire appeler par le titre d’emploi qu’elle rêve d’exercer. Surtout qu’elle étudie pour porter celui de « docteur ». Les médecins m’ont toujours impressionné. Je les trouve un peu cinglés d’étudier durant environ dix ans pour au final obtenir parfois si peu de reconnaissance de leurs patients. Je pense que je les trouve aussi talentueux de par les compétences qu’ils acquièrent avec ces si longues années d’étude. Tous ce qu’ils peuvent faire, c’est très impressionnant. Par contre, je ne les envie pas. Ma dyslexie m’a depuis toujours convaincu que l’école ce n’était pas pour moi. Je ne regrette pas de ne pas avoir souhaité aller plus loin que le minimum d’étude envisageable. Je suis très heureux malgré tout. Par contre voir Lily être à ce point réjouit me fait sourire à mon tour. Elle a l’ambition de devenir une chirurgienne et juste ça mérite que je lui lève mon chapeau. Le premier grondement de l’orage en préparation nous ramena tous les deux sur Terre. Je ne pensais pas que Lily souffrait véritablement d’une phobie. Le découvrir vient réveiller mon empathie pour elle qui prend le dessus aussitôt. Je lui demande de rester le temps que l’orage passe et je hoche la tête alors qu’elle semble en douter. « Je suis sûr. » Je lui dis simplement, la suivant alors que nous nous dirigeons par la suite vers le salon. Je me dépêche d’aller refermer la porte du garage. Lorsque je reviens, je me rappelle que je suis dans ces vêtements très peu flatteurs. Cela me surprend même qu’elle ne se soit pas éloigner à cause de la sueur qui perle toujours par endroit sur ma peau. Me saisissant d’un t-shirt propre dans la pile qui traîne dans le salon, je me retourne afin de me changer en vitesse. Je retire le sale pour mettre le propre qui est sec lui. Je m’excuse d’un sourire à ma voisine avant de la rejoindre sur le canapé. Je souris brièvement. « C’est la moindre des choses. Je tiens à avoir cette future réduction sur mes soins médicaux. » Je tente de la faire rire. Mais les larmes qui tombent d’elles mêmes de ses yeux me poussent à les essuyer du revers de la main (À cause de l’huile. Puisque oui j’ai oublié de me laver les mains.) comme je l’aurais fait avec n’importe qui de proche de moi. Je m’étire pour attraper un mouchoir et lui donner. Je viens ensuite la coller contre moi, nos têtes unies par nos tempes, frictionnant son dos tandis que le ciel gronde à nouveau. « Ne t’excuse pas, Lily. Ce n’est pas de ta faute, je t’assure. Je veux simplement t’aider tout comme tu m’as aidé. Je ne suis peut-être pas le meilleur de cette maison pour consoler. Tracy l’est. Mais je vais faire de mon mieux. » Je continue de la frictionner avant d’ajouter. « Tout va bien se passer. Je sais que ce bruit est terrifiant et vraiment puissant par moment. Mais rien ne va t’arriver tant que tu restes avec moi. » Je tente de la convaincre.

 
Je ne veux pas voir Lily dans un tel état de panique. Une phobie ça ne se contrôle pas. On peut parvenir à l’apprivoiser. Mais je sais que ça ne disparaît jamais vraiment totalement même après avoir dominé sa peur. C’est un peu comme une lutte acharnée contre soi même. Je prends donc les symptômes de panique de Lily parfaitement au sérieux. Je ne sais pas comment la réconforter autrement que par un contact physique rassurant. Ça marche avec Tracy, Kaleigh, Bambi et même moi, alors pourquoi pas la blonde. Justement, je la sens se relaxer progressivement contre moi. Elle m’avoue même dans de douces paroles que j’arrive à parfaitement bien à la consoler. Je souris à cela. Je suis content que ça marche. Que malgré les coups de tonnerre qui résonnent toujours au-dessus de nos têtes qu’elle parvienne à garder son calme. Je doute que l’orage se prolonge puisque l’intensité du bruit faiblie déjà, il me semble. C’est une excellente nouvelle. Cela signifie que je ne vais pas m’imposer à Lily trop longtemps. Elle pourra rentrer chez elle sous peu. Je baisse les yeux d’un coup pour observer le visage de la jeune femme. Je garde mes prunelles dans les siennes. Je remarque en retard que l’espace entre nous diminue. Je suis tellement surpris par son baiser que je me fige. Je n’arrive plus à réfléchir correctement d’un coup. Je sais juste que ce qui se passe ne fait pas de sens. Je réponds au baiser par simple réflexe, tellement confus que les prouesses de mes lèvres doivent être catastrophiques. Le contact se termine. Le corps de Lily s’éloigne du mien, me ramenant à la réalité de ce moment. Je dois me botter le cul mentalement pour me pousser à réagir à l’annonce de ma voisine. Il me faut une explication parce que là… « Attends… Euh… l’orage n’est pas terminé. » Oui, c’est tout ce que je trouve à dire en me levant à mon tour et en me saisissant doucement de son avant-bras pour la retenir de fuir. Je rencontre enfin son regard. La panique qui s’y trouve est tellement décuplée d’un coup que je suis à nouveau désarçonné. Tout ça à cause d’un baiser impulsif. Rien de plus. Non ? Un coup de tonnerre ponctue mon questionnement mental. Je la tire vers moi afin qu’elle revienne sur le canapé. Je recommence à lui frictionner le dos nerveusement, ayant gardé une certaine distance pour parvenir à la regarder dans les yeux. « Écoute Lily, je ne suis pas fâché, d’accord. Je veux juste comprendre… Pourquoi tu as fait cela ? » Je lui demande avant de marquer une petite pause. Je baisse les yeux. « Est-ce que je t’ai envoyé sans le vouloir des signaux qui t’ont fait croire que tu pouvais faire ça ? Parce que si c’est le cas, c’est à moi de m’excuser. » Pourquoi je me sens tellement maladroit d’un coup ? J’ai l’impression de l’insulter à chaque mot prononcé, ce qui est évidemment ce que je ne souhaite pas.

La première fois que j’ai vu Lily, je me souviens l’avoir trouvé rayonnante. Une beauté naturelle qui m’a aussitôt poussé vers elle si je me rappelle bien. Des présentations formelles ont suivi. J’ai bien remarqué ce jour là une certaine nervosité, une tendance à m’observer de bas en haut comme si elle devait me graver dans sa mémoire. J’ai été aveugle au fond parce que je comprends désormais pourquoi depuis j’ai cette sensation que la jeune femme s’émerveille dès que je lui parle, lui souris ou même la regarde. Elle m’aime bien. Ce que je respecte. Je ne vais pas la blâmer pour cela. Le problème c’est qu’elle a franchit un pas qui dépasse le simple crush. Elle m’a témoigné véritablement un désir d’intimité. Un baiser ce n’est pas inoffensif. C’est le début d’une direction que je ne croyais possible désormais qu’avec Tracy. Du coup, me faire embrasser par Lily, indépendamment de son jeune âge puisque cela m’est égal, c’est participer à quelque chose que j’ai bannis en me mariant. Je ne sais pas du tout comment réagir à cela. Je ne suis pas en colère ou embarrassé. Je suis majoritairement confus, légèrement intrigué aussi. Je cherche une explication à cette action de l’étudiante en médecine. J’ai besoin de réponses, peu importe celles qu’elle me donnera. Elle m’assure qu’il ne s’agit que d’une impulsion, ce que je peux comprendre. Ce qui me dérange c’est la suite de ses propos. Je ne lui ai peut-être pas envoyé inconsciemment des signes pour l’inciter à m’embrasser, mais sa façon de parler de moi, de me décrire comme parfait et comme absolument pas responsable de ce qui arrive est la réponse que j’attendais. Elle m’a embrassé parce qu’elle est effectivement amoureuse de moi. J’aurais pu le conclure dès le départ mais le supposer et l’entendre de sa bouche sont deux choses totalement différentes pour moi. Elle a honte de cet acte impulsif, de ses sentiments envers un homme marié, je présume aussi. Je lui offre un regard et un sourire compatissant. Ma main frictionne son dos avec un peu plus de douceur aussi. Je regrette ce qui lui arrive. Je ne sais pas comment arranger les choses, la remettre à l’aise en ma présence. Sauf que je sais une chose. « Ça ne va rien gâcher entre nous. Je suis vraiment désolé de ne pas être disponible comme tu le souhaiterais. Que tu aies du vivre avec ça depuis un moment. Je ne sais pas pourquoi je ne l’ai pas compris avant. Il faut croire que j’ai perdu l’habitude de voir un regard amoureux autre que celui de Tracy sur moi. Tu n’as pas à avoir honte. Tu es une femme magnifique, souriante, intelligente et tellement agréable à côtoyer. Il n’y a pas de raison pour qu’un homme ne te voie pas de la même façon que tu me vois. » Je refuse de lui briser le cœur en lui avouant qu’on ne pourra pas être ensemble pour des raisons évidentes. Cela me désole de devoir rejeter ce que je sais à présent tellement fort en elle. La vie est horrible parfois. « Je te promets de ne rien dire à ma femme de ce qui est arrivé. Je ne veux pas que tu te sentes coupable ou que tu arrêtes de venir nous voir moi ou Kaleigh à cause de cela. » Étrange que je ne souhaite pas couper les ponts. J’ignore moi-même pourquoi je lui offre une opportunité d’entretenir ce qui clairement n’a pas lieu d’être. Est-ce que je commets une erreur ?

Elle a raison. L’amour ne se commande pas. Il ne se contrôle pas non plus. Je sais désormais à quel point je me conforte dans une illusion en disant que rien ne va changer. À quel point je ne réalise pas encore pleinement la portée de ce baiser sur tout le reste ? Je n’arrive même pas à lui répondre. Elle me parle avec tellement de raison et de maturité que d’un coup je me sens comme le plus jeune des deux. Je souhaite au fond que les choses ne changent pas mais c’est tout simplement impossible ce que je demande. Ses larmes me paralysent d’un coup. Je me sens immensément coupable de les voir apparaître dans son beau regard. J’ai vraiment l’impression de lui avoir fait mal et que je récolte ce que j’ai semé à présent. Que je le veuille ou non, Lily va souffrir de ce que nous venons de vivre. Je ne peux pas lui éviter en lui disant ce qu’elle veut entendre. J’écoute ses propos sur son ex. Elle me voit tellement comme un homme bien, seigneur. Je ne sais même pas moi-même si je le suis vraiment. Seulement je veux le croire à cet instant, juste parce qu’elle a tellement d’admiration pour moi que ça réussi à me réchauffer le cœur malgré la présente toujours plus abondante des larmes sur ses joues roses. Lorsque sa peine domine son corps, je ne peux faire autrement que je la reprendre dans mes bras. Je la serre pour absorber au possible la tristesse que j’ai l’impression d’avoir causée. Je ferme les yeux tandis qu’une fois de plus elle me ramène à la réalité. Je la libère de mon étreinte afin de pouvoir lui répondre plus clairement. « Si tu préfères, je peux permettre à Kaleigh de venir chez toi de temps à autre pour demeurer en contact avec elle. Tu pourrais même la garder à l’occasion ainsi. Je ne veux pas te forcer à être ici si ça te met mal à l’aise. » Et je le pense vraiment. Elle relève ensuite la tête et je peux enfin revoir ses yeux humides. Puis, vient la question que je pensais évidente à mon esprit avant de devoir y être confronté. Pourquoi je ne l’ai pas repoussé ?  « Je… » Je tente, incapable de trouver le moindre mot pour accompagner le début. Je suis à nouveau totalement confus. Je la fixe dans les yeux comme si ça allait me permettre de trouver une explication mais je n’y parviens tout simplement pas. Bon sang, pourquoi je n’ai pas de réponse ? « Je ne sais pas. » Je lui avoue pour admettre ma confusion. J’aurais du la repousser, théoriquement. Hors, j’ai choisis de demeurer en contact avec ses lèvres. Qu’est-ce que ça indique sur moi ce genre de chose ? Suis-je au fond tout aussi coupable que Lily ? Il y a trop de questions et aucune réponse. Il faut pourtant que je lui donne quelque chose. Je ne peux pas laisser le tout en suspend éternellement. Qu’est-ce que je sais alors ? « Je sais que j’ai été très surpris. Je sais que je ne souhaitais pas me reculer violemment parce que… ton geste était tellement doux. Je pense que je n’ai pas vraiment réalisé que tu m’offrais ton cœur. Je savais juste que je ne voulais pas te faire du mal. Tu parles, je te fais pleurer à la place. » Je conclue avant d’une fois de plus porter ma main qu’elle a suturée un peu plus tôt pour essuyer l’humidité résiduelle de ses joues. « Je suis tellement désolé, Lily. Je ne voulais pas te faire autant souffrir. » Je dis dans un presque murmure.