harcelée ft. kenny

Contrairement à ce qu'elle avait pu croire et imaginer, son père n'avait pas prit la fuite. Il avait marché dans ses pas pour la suivre à l'intérieur de la maison -évitant de se manger la porte qu'elle refermait derrière elle- et l'avait attrapé par le bras pour la faire se retourner. Il était là, devant elle, de toute sa carrure. Il avait le regard noir, il était en colère et Murphy n'avait pas pour habitude de voir son père dans cet état. C'était peut-être même la première fois en réalité. Son père ne s'énervait jamais contre elle, il lui disait toujours amen à tout, il prenait sur lui, il s'écrasait mais ce soir là... ce n'était plus le cas. Murphy l'écouta cracher sa haine, de façon calme, sur elle. Ses yeux étaient presque écarquillés, face à son père qu'elle redécouvrait. Il lui dit que si elle ne voulait pas qu'il s'inquiète, elle n'avait qu'à pas l'appeler. Murphy savait très bien au fond d'elle, que si elle ne l'avait pas fait, elle s'en serait prit plein la gueule. Mais elle retenue cette phrase. Très bien. Elle ne l'appellerait plus désormais. En fait, à voir son père lui parler dans cet état, ça lui faisait mal. Parce que c'était la première fois que son père s'énervait vraiment contre elle, et c'était aussi pas vraiment le moment. Murphy avait eu peur, sinon, elle n'aurait pas appelé Kenny, ni même son père. Mais au lieu d'être rassuré par ce dernier, il lui avait fait peur. Elle aurait aimé qu'il la rassure, qu'il la calme, mais lui, il n'avait fait que de lui ajouter du stress en plus. Et puis elle n'aimait pas voir son père énervé et encore moins par sa faute. Surtout depuis son anniversaire. Alors non, la scène qui se déroulait dans l'entrée de la villa Gallagher lui faisait beaucoup de mal. Son père ne mâchait pas ses mots, et au lieu de prendre soin d'elle, il l'enfonçait encore plus. Elle n'avait rien à dire sur son amitié avec Kenny, ni même sur la vie de son père. Et... « elle devrait plutôt se préoccuper de sa propre situation ». A ces mots là, Murphy sentit un abandon. Comme si son père se dédouanait de la situation. Que ça concernait seulement sa fille, et qu'elle devrait se débrouiller toute seule. Après tout, n'était-elle pas adulte ? Allait-elle encore longtemps faire appel à son père au moindre problème ? Murphy baissa les yeux. Quelque chose se brisa dans son cœur. Elle qui avait eu si peur tout à l'heure après son agression, qui avait eu besoin de se sentir en sécurité... avait tout le contraire et en pire. La gamine se sentait mal. Son visage se crispa, ses yeux s'embrumèrent de larmes. Elle se mordit la lèvre pour ne pas pleurer, mais une larme s'échappa du coin de son œil. A écouter son père, elle n'était qu'une gamine pourrie gâtée, une ingrate, une égoïste. Et dans le fond, il avait raison. Si elle l'avait appelé, c'était parce qu'elle avait eu peur. Elle aurait aimé que lorsqu'il arrive, il la prenne dans ses bras, il la rassure, il parle calmement. Au lieu de ça, elle avait du elle-même, le rassurer. Alors que c'était elle qui était tétanisée par la peur. La gamine garda le silence, se blâmant suffisamment comme ça dans sa tête. Son père ne la ménageait pas, et c'était la première fois que ça arrivait. Il était froid, dur, il ne semblait pas touché par la réaction de sa fille et celle-ci ressentit un encore plus fort sentiment de solitude et d'abandon. Elle en voulait à son père de ne pas la comprendre, elle et sa peur. Elle lui en voulait de ne pas juste la prendre dans ses bras. Elle avait l'impression de revivre ce sentiment qu'elle avait ressenti à la mort de sa mère, puis de ses frères. Un sentiment d'être seule, que personne ne comprenait la situation. Murphy détournait son regard de celui de son père. Elle le laissa parler, mais désormais, quelque chose s'était brisé en elle. Son père prit une voix plus douce, il lui avoua qu'il ne pourrait pas supporter qu'on s'en prenne à elle. Mais Murphy avait construit un rempart autour d'elle. Son père l'avait blessé. C'était fini. Elle ne savait même pas quoi dire, parce qu'elle s'en voulait autant qu'elle lui en voulait à lui aussi. Elle était blessée dans sa fierté, blessée au plus profond d'elle aussi. Elle ne savait pas quoi lui répondre. Elle aurait aimé aller s'enfermer dans sa chambre, elle aurait aimé voir Lily pour quitter cette maison, mais elle ne voulait pas fuir non plus. Les larmes, silencieuses, coulaient encore sur ses joues. D'un revers de la main, elle les essuya en reniflant son nez. « D'accord » murmura t-elle dans un souffle, avant de -sans jamais le regarder une seule fois- se retourner pour accéder à l'escalier. Lentement, elle marchait jusqu'à la porte de sa chambre, qu'elle poussa juste. Sans la fermer. La gamine se jeta sur son lit, prit sa couverture et s'enroulant dedans, comme elle avait l'habitude de le faire quand elle était petite. Et là, comme si son corps comprenait le message, elle se mit à pleurer, comme une enfant. Le stress de son agression, la violence des mots de son père... c'était trop pour elle. Elle essayait de jouer la fille forte, mais elle n'en était pas une. Pleurant, essayant de camoufler ses sanglots, Murphy pensait à ses frères et à sa mère. Ils lui manquaient tellement. Elle aurait aimé qu'ils soient là eux aussi. Ce n'était pas juste. Et les larmes continuaient de ravager son visage, comme une enfant pleurerait de désespoir.