{Noomes} - Roméo+Juliette+Sarah

De loin, Noomi entendit Jimmy la prier de rester là ne serait-ce que quelques minutes. Ce qu’elle trouva curieux. Les pensées fusaient sous son crâne à une vitesse telle qu’elle ne parvenait même pas à en saisir une seule pour essayer de l’analyser. Tout ce qu’elle garda à l’esprit, c’est qu’il n’y avait pas d’urgence. Dit comme ça, ça paraît évident ; on ne vient pas jouer de la guitare sous la fenêtre de quelqu’un si c’est pour le prévenir qu’il s’est passé quelque chose de grave. La blonde fit donc demi-tour pour revenir à son balcon. Pendant ce temps-là, les gens avaient commencé à s’attrouper autour de son ami qui avait l’air de s’en moquer comme de sa première chemise. On pourrait croire que c’était à cause de l’habitude. Après tout, James aussi était un sacré musicien, lui aussi avait l’habitude de se produire en public alors à force, on n’y prêtait plus vraiment attention, à la centaine de gens parfois présents dans la salle, on s’amusait parfois même à jouer avec. Mais là, en l’occurrence, c’était un rien différent, c’était surtout qu’il ne regardait qu’elle. Et comme une midinette, Noomi sentit ses joues s’empourprer quelque peu.

Il faut dire que, déjà à l’époque où ils se sont rencontrés, la grecque en pinçait déjà un peu pour son aîné. Sans doute était-ce parce qu’il avait préféré lui tenir compagnie à elle qui n’avait peur de rien plutôt que de traîner avec des ados de son âge. Ou encore parce qu’il a toujours eu une véritable dégaine de mannequin et qu’elle pourrait prétendre le contraire mais qu’il fut un temps où ça lui vendait du rêve à elle aussi. Et puis, la vie avait fait qu’il avait fallu se séparer, que Frank et Amélia étaient entrés dans l’histoire et ainsi de suite. Puis aussi, sans trop vouloir mettre de mots dessus non plus, Noomi ne se sentait pas à la hauteur de James autrefois. Sans doute pour ça qu’elle s’était entichée de Frank à la place. Quelqu’un qu’elle avait trouvé plus abordable sur le moment.

En revanche, elle ne s’était jamais attendue à ce que ses sentiments soient réciproques, évidemment. C’est bien pour cette raison qu’elle dut se pincer histoire de s’assurer qu’elle ne rêvait pas lorsque Jimmy se mit à chanter. Cette scène était des plus surréalistes pour elle. D’abord parce que ça ressemblait beaucoup, mais alors beaucoup trop à une scène de comédie romantique pour que ça soit réel – il ne manquait plus que des roses rouges dans tous les coins – ce que Noomi détesterait soit dit en passant – ainsi que les voisins qui se mettent à pousser la chansonnette et à danser pour parfaire le tout -, ensuite parce qu’on ne l’avait pas habituée à ça. Alors certes, son autre point de comparaison, bien qu’il l’ait un jour vraiment aimée, ça elle n’en doutait pas le moins du monde car il l’avait prouvé par d’autres moyens, n’était certainement pas la personne la plus romantique qui soit. Quoi qu’il en soit, la douleur due au fait de s’être pincée lui prouva qu’elle ne rêvait pas mais il serait plus difficile de la convaincre que ce qui était en train de se passer était normal.

Une blague. Oui, voilà, c’était forcément ça ; Jimmy a toujours eu beaucoup d’humour, ça ne pouvait être que ça. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il s’était donné les moyens de la réussir ; faire le voyage jusqu’Island Bay juste pour ça... Elle saluait l’effort et elle écouterait la sérénade jusqu’à sa dernière note. C’est qu’elle pouvait se montrer bonne joueuse elle aussi. Certains se mirent alors à frapper dans leurs mains au rythme de la musique, un peu comme s’ils étaient au spectacle. Vraiment très étrange ; Noomi se pinça à nouveau.

Ce qui est clair, c’est qu’au vu des paroles, on pouvait sincèrement douter qu’il s’agisse véritablement d’une blague mais vous connaissez le syndrome de Scully, non ? Mais si, lorsqu’on s’est tellement convaincu que quelque chose était impossible qu’on se tourne vers n’importe quelle autre théorie, même si celle-ci paraîtrait parfaitement ridicule à n’importe qui d’autre. C’était exactement ça qui était en train de se produire avec Noomi. Elle écoutait les paroles – qui avaient été écrites rien que pour elle, à n’en pas douter – et se rendit compte que James était en train de lui raconter en chanson que son attirance pour elle ne datait pas d’hier, alors inconsciemment, elle se mit à chercher des indices dans leur passé qui tendraient à le prouver. Et ça demandait un sacré effort à quelqu’un qui avait des problèmes de mémoire, même si techniquement, ça n’affectait que sa mémoire à court-terme. Oui, certes, ils avaient toujours été proches en dépit de l’éloignement forcé par le fait de vivre sur deux continents différents. La blonde savait pertinemment qu’elle pouvait se reposer sur Jimmy quand les temps étaient difficiles et la réciproque était vraie puisque, lorsqu’elle avait appris la nouvelle concernant Amélia, Noomi avait pris le premier avion pour aller le soutenir dans cette épreuve. Mais ce n’était pas ça qui importait dans le cas présent, non, c’était plutôt les petits détails qu’on ne remarquerait peut-être pas au premier abord, comme la façon dont ils se regardaient tous les deux, dont ils connaissaient tout l’un de l’autre, ce genre de trucs. Bon, peut-être.

A la fin du couplet, Jimmy lui fait signe de le rejoindre et il ne faudrait pas le lui dire deux fois. Ce qui lui laissa le trajet en ascenseur pour se décider sur comment réagir exactement. Comme d’habitude, son instinct lui soufflait de foncer, de sauter sur l’occasion qui se présentait. Mais du côté de sa raison en revanche, ce n’était pas du tout la même limonade. Trop de questions qui se bousculaient dans sa tête. En sortant dans sa tête, Noomi avait décidé de suivre sa raison ; ça lui était souvent nettement moins préjudiciable que lorsqu’elle se fiait à son instinct. Mais ses bonnes résolutions s’envolèrent en fumée lorsqu’elle eut franchi la porte d’entrée. Non pas parce que les badauds s’étaient soudain mis à applaudir et qu’elle voulait faire le show. Non, parce que c’était Jimmy et qu’il était ici, à Island Bay, sa guitare à la main. D’un pas décidé, elle se dirigea droit sur lui et ne s’arrêta qu’à quelques centimètres. Ce qu’elle aimerait pouvoir graver cet instant dans sa mémoire et ne pas avoir à se le rappeler sans arrêt à l’aide de post-it jusqu’à ce que ça passe dans un autre compartiment. Après tout, qui sait ? Elle avait fait d’énormes progrès en l’espace de seulement quelques mois et il s’agissait là d’un évènement qui comptait pour elle alors on peut se permettre d’espérer.

Au moment où il ouvrait la bouche, elle le fit taire d’un baiser en se hissant sur la pointe des pieds. Pas un de ces smacks qu’elle avait l’habitude de faire à ses proches ni un de ces baisers avides qu’elle donnaient de temps à autres à de parfaits inconnus, juste histoire de tromper sa solitude mais un vrai baiser parce que, comme le disait Betty Everett, if you wanna know if he loves you so, it’s in his kiss. Bien entendu, les applaudissements redoublèrent à cet instant mais c’était à peine si Noomi les entendait. Oh oui bien sûr, il faudrait qu’ils aient une discussion mais après. Au bout de quelques secondes, elle finit par s’écarter pour lui laisser l’opportunité de terminer sa chanson.

Noomi a toujours adoré les premières fois d’une relation : les premiers baisers, les premières nuits, quand il y a toujours cette légère brume qui recouvre tout ce qui n’est pas l’être aimé et qui vous donne l’impression de marcher sur des nuages. Ironiquement, elle n’en avait connu qu’une seule jusque-là puisqu’en sept ans, elle n’avait jamais pris la peine de se trouver quelqu’un de valable après Frank. Il y avait eu des hommes, oui, des tas et pas que, d’ailleurs, mais aucun capable de se faire une place dans son cœur ou dans sa vie. Ce qui fait qu’on ne pouvait même pas compter les relations qui avaient suivi son accident comme des premières fois puisqu’il n’y avait pas d’être aimé. Tout ça pour dire qu’en embrassant James, la blonde ne s’attendait pas vraiment à ressentir quelque chose. Ou en tout cas, rien de plus qu’avant. Un baiser entre deux amis qui devraient rester amis. Mais ce ne fut pas le cas. Ce fut exactement comme dans son lointain souvenir. Même mieux. Si bien qu’elle avait envie d’accéder à la demande chantée de Jimmy sans se poser de questions et prolonger l’instant. Mais si elle avait tiré une leçon de ses précédentes erreurs c’était bien qu’il ne fallait pas trop se presser. La grecque s’efforça donc de refreiner son envie de lui sauter dessus tout de suite et se laissa sagement attirer dans ses bras, plutôt. Elle y était bien installée comme si la place lui revenait de droit.

Tandis que la foule comprenait qu’ils avaient besoin d’un peu d’intimité et commençait à se disperser, Noomi se mit à rire. Puis elle caressa tendrement la joue de Jimmy.

« T’as décidément peur de rien, toi. »

Après tout, c’était bien pour cette raison qu’ils étaient devenus amis à la base. Même si autrefois, il avait déjà plus la tête sur les épaules qu’elle, il n’avait jamais failli ni ne l’avait jamais déçue. Cette fois encore, c’était une très bonne surprise. C’est elle qui rompit le contact pour ramasser la guitare et l’entraîner à l’intérieur. Tant pis pour leur public, ils s’étaient suffisamment donnés en spectacle comme ça. Elle lui accorda bien évidemment le privilège de pénétrer dans son appartement ; bien sûr, c’était très loin d’être la première fois mais Noomi voyait cet endroit comme leur antre, à Sarah et à elle alors elle ne laissait jamais personne s’y incruster trop longtemps. Sauf James car elle ne le voyait pas comme un intrus. Si elle avait sa place dans ses bras, il avait la sienne dans son appart’. La blonde posa la guitare dans l’entrée avant de se diriger dans la cuisine.

« Il va quand même falloir qu’on parle de tout ça alors tu veux quelque chose à boire ? »

Dire qu’elle ne savait même pas s’il venait de débarquer en ville ou bien s’il était là depuis quelques jours déjà. Parce qu’il ne pouvait tout de même pas avoir décidé de prendre l’avion pour venir lui jouer la sérénade comme ça, sur un coup de tête, si ? C’était le genre de choses qu’elle ferait. Mais Jimmy… L’espace d’une seconde, elle se demanda s’il avait fait quelque chose de semblable pour conquérir la belle Amélia, car quelle que soit la fille, ça devait marcher à tous les coups, cette technique. Voilà un sujet qu’il faudrait qu’ils abordent aussi. Mais peut-être plus en douceur quand même parce qu’elle se voyait mal mettre les pieds dans le plat pour préciser que si elle ressemblait physiquement à sa défunte femme, la ressemblance s’arrêtait malheureusement là et que, dès lors, elle ferait une piètre remplaçante. Chose qu’il savait parfaitement d’ailleurs. Mais on ne sait jamais, c’est que dans le genre traumatisme, Jimmy n’avait pas été gâté lui non plus.

C’est vrai qu’elle était bien placée pour savoir qu’il n’avait peur de rien. Bien sûr, il y avait eu cette fameuse épopée avec l’aéroglisseur mais pas que, ç’avait été le début d’un long partenariat qui les avait conduits à faire tout plein de bêtises. Qui n’avaient jamais rien de méchant, d’ailleurs, mais avec Noomi, il s’agissait toujours de trucs un peu dangereux. Sans doute parce que ça lui était interdit en temps normal. Comme à n’importe qui d’autre, d’ailleurs. Et s’il était parfois arrivé émette quelques doutes quant à savoir si c’était une bonne idée, ça ne l’avait pourtant jamais empêché de la suivre dans ses délires. Et d’après ses dires, c’était même loin de refroidir ses ardeurs, ce qui aurait pu être le cas de n’importe qui d’autre. Bref, retour à l’appartement, donc. Enfin au calme. Jimmy confirma qu’il allait falloir qu’ils aient une petite discussion avant d’ajouter qu’il se contenterait de ce qu’elle avait à boire. Ça tombait bien, pour une fois, la grecque n’avait pas que les jus de fruits et la grenadine de Sarah ; il y avait aussi le cocktail qu’elle était en train de siroter sur son balcon un peu avant. Elle lui en servit un verre qu’elle ramena au salon où elle prit place en le laissant faire de même. Inutile de préciser qu’il pouvait faire comme chez lui, ça coulait de source.

C’était à elle de débuter la conversation et, pour une fois, elle ne savait pas du tout par où commencer. Elle qui avait pourtant l’habitude de parler de tout et surtout de rien durant des heures à la radio, voilà qu’elle se retrouvait à court de mots. Pourtant, la question était très simple : quelle mouche l’avait piqué tout à coup ? Mais c’en fut une autre qui franchit ses lèvres.

« C’était pas une blague, hein ? »

Tout au fond d’elle, Noomi savait bien que non parce qu’on n’embrasse pas quelqu’un de cette façon juste pour lui faire une blague mais elle voulait tout de même en être certaine. Un jour, elle parviendrait à se convaincre qu’elle n’était pas juste à la hauteur de connards susceptibles de démolir sa vie. Un jour. En ce qui concernait les déceptions amoureuses en tout cas, ce qui était sûr, c’est qu’elle en avait eu son compte et qu’elle ne voulait pas en risquer une nouvelle. Surtout pas avec Jimmy d’ailleurs parce que ça reviendrait à perdre son meilleur ami et la blonde n’était pas du tout sûre de pouvoir y survivre. C’était aussi pour cette raison qu’elle prenait mille et une précautions au lieu de se laisser porter par ses émotions. Et puis…

« Et Amélia ? J’veux dire, t’es sûr d’être déjà prêt à passer à autre chose ? Je sais qu’on se ressemblait un peu toutes les deux, mais… »

Voilà, elle l’avait dit et elle aurait pu continuer en précisant qu’elle ne souhaitait pas non plus vivre dans l’ombre de la femme qu’il avait aimée et épousée mais elle avait l’impression que le formuler à voix haute rendrait la chose un peu dure. Voire même égoïste. Et dans le fond, peut-être que ça l’était un peu bien qu’elle était en train de se persuader que c’était surtout pour que James ne se fasse pas de fausses illusions et que ça se termine sur une amère déconvenue pour lui. Elle essayait de se mettre à sa place. Ça ne faisait que deux ans depuis la mort brutale d’Amélia. Inutile de faire la comparaison entre un veuvage et un divorce : le veuvage valait mieux. Ce qu’elle savait en revanche c’est que si elle mettait déjà tant de temps à se remettre de son divorce alors qu’elle ne nourrissait plus que de la haine à l’égard de Frank, alors que devait-il en être du côté de son ami qui s’était vu arracher celle qui était la femme de sa vie aussi brutalement ?

A l’instant où elle eut la confirmation qu’il ne s’agissait pas d’une plaisanterie, Noomi sentit une partie du poids qui pesait sur sa poitrine s’envoler. C’était pourtant l’évidence même ; d’abord parce que ça serait vraiment nul comme blague et puis aussi parce que son instinct lui criait que non. Mais c’était plus fort qu’elle, il lui avait fallu s’en assurer. Maintenant que c’était chose faite, ils pouvaient passer aux choses sérieuses. A savoir le début de leur divine idylle. Evidemment qu’elle ne pouvait pas passer à côté. Et ça n’avait rien à voir avec le désespoir ou la solitude qu’elle vivait au quotidien depuis deux longues années. Non, elle ne voyait pas Jimmy comme une bouée de sauvetage à laquelle il lui fallait se cramponner fermement pour ne pas sombrer, pour elle, il était bien plus que ça. Un rêve lointain et enfoui au plus profond qui refaisait surface comme par enchantement. Et ça tombait à pic. C’est bien pour cette raison qu’elle osa poser une question qui lui paraissait pourtant inimaginable à peine quelques secondes auparavant, à savoir s’il se sentait réellement prêt à tourner la page en ce qui concernait Amélia pour écrire un nouveau chapitre de son histoire avec elle.

L’explication qui suivit était des plus claires. Tout ce qu’il avait raconté dans sa chanson n’avait pas écrit pour que ça ressemble à une love song ou bien que ça rime, c’était une véritable déclaration. A l’en croire, s’il était tombé dans les bras d’Amélia, c’était pour se consoler de l’avoir perdue. Ce qu’elle ne remettait pas en cause bien qu’elle ne s’en soit pas doutée un seul instant. Dès lors, elle se demanda comment ça se serait passé s’il avait osé faire le pas à l’époque. Elle ne se serait peut-être pas autant entêtée au sujet de Frank dont personne ne voulait dans la famille. Certes, il y aurait toujours eu cette histoire de léger complexe d’infériorité mais Jimmy savait la mettre en confiance comme personne et il aurait très certainement fini par s’estomper et peut-être même par disparaître avec le temps. Dans tous les cas, elle ne serait pas la personne abîmée qu’elle était devenue. Lui non plus. Mais vous savez ce qu’on dit : avec des « si », on refait le monde. La grecque attrapa le bloc de post-it qui traînait en permanence sur sa table basse pour tout noter, il fallait que ça rentre dans sa petite tête de gré ou de force. La mine de son crayon resta suspendue dans les airs quand il ajouta que tout ce qu’il avait en sa possession à la Nouvelle-Orléans avait été revendu. Noomi n’oublia pas de rougir en prenant conscience de ce que ça signifiait avant de repousser les nouvelles questions que ça soulevait pour se rapprocher.

« T’as fait tout ça pour moi ? »

Pas pour le pape en tout cas. C’était quand même incroyablement risqué de tout plaquer du jour au lendemain, de prendre un avion direction l’autre du bout du monde pour déclarer sa flamme à quelqu’un. Voilà ce qui acheva de la faire fondre. Encore plus que la chanson ou le fait d’apprendre que ça ne datait pas d’hier. Ça, c’était réel. Elle vint s’asseoir sur ses genoux et le serra fort contre elle. Pas de doute là-dessus, c’était bien réel. Et cette fois, elle avait mieux l’occasion d’en profiter, ce dont elle ne se priva d’ailleurs pas tant c’était agréable.

« Et tes bagages ? T’es quand même pas venu rien qu’avec ta guitare ? »

Forcément que non ; il devait s’être installé à l’hôtel ou quelque chose comme ça. Ce qui était une bonne chose en soi parce que même si elle l’aurait de toute façon accueilli à bras ouverts, ça l’aurait sans doute un peu effrayée de le voir débarquer avec toutes ses affaires d’un coup. Alors que là, c’était parfait.

Si vous l’aviez lancée sur le sujet moins d’une heure auparavant, Noomi vous aurait dit que l’amour et surtout la dépendance affective, c’est nul. Qu’il suffisait de s’attacher à quelqu’un pour que cette personne décide que finalement, elle ne voulait plus faire partie de la relation que vous formiez et elle aurait terminé son speech par un « fais n’importe quelle connerie dans ta vie mais surtout ne te marie pas » avec l’air de la personne qui a de l’expérience. Ce qui n’est pas tout à fait vrai, soit dit en passant ; Frank n’a pas attendu qu’elle s’attache à lui pour en avoir marre de leur relation. Pas du tout, c’était juste qu’aucun des deux n’avait un caractère facile, surtout pas en ce temps-là, qu’ils vivaient dispute sur dispute et que ça aurait lassé n’importe qui. D’ailleurs, quelqu’un qui sauterait aux conclusions pourrait éventuellement croire que sa dépression avait commencé au moment où il l’avait abandonnée, quand elle s’était retrouvée toute seule avec sa fille dont elle n’avait clairement pas le cœur de se défaire, mais ça ne s’était pas passé ainsi. Au contraire, Noomi avait été heureuse que Frank s’en aille, à quoi bon tirer sur la corde ? Bien sûr, la perspective d’avoir un enfant en solo l’avait quelque peu effrayée au départ mais elle n’était pas si seule que ça. En dépit de tout ce qu’elle avait pu lui faire vivre par le passé, son père ne l’avait jamais laissée tomber. Mieux encore, il ne lui avait jamais servi ce fameux « je t’avais prévenue » qu’elle redoutait tant car il était contre le fait qu’elle se marie si jeune. Rien que tout ça. Si bien que les cinq années qui avaient suivi comptaient parmi les meilleures. Toujours est-il qu’elle ne recommanderait à personne de se marier. Mais qu’elle commençait tout doucement à voir la situation avec un regard neuf. Non, il n’était pas question de se passer la bague au doigt une fois de plus mais elle arrivait enfin de nouveau à envisager une vie à deux. Principalement parce que ce n’était pas n’importe qui qui le lui proposait. Et qu’il était tout ce qu’il y a de plus sincère dans sa démarche.

Elle en eut une preuve supplémentaire lorsqu’il lui confia que non, il n’était venu avec seulement sa guitare à la main mais que ses affaires l’attendaient chez lui. C’est-à-dire dans son nouvel appartement, pas très loin d’ici. Ce qui signifiait qu’il avait eu le temps de mûrement réfléchir à tout ça, qu’il n’agissait pas sur le coup d’une impulsion et que c’était vraiment ce qu’il voulait. Sa conclusion la fit sourire de plus belle. Jimmy trouvait toujours les bons mots. Il n’était pas écrivain et parolier pour rien.

« Tu sais que t’aurais été très bon dans la pub aussi ? Moi ça me branche bien mais j’imagine que tu te doutes que je ne vais pas être la plus difficile à convaincre dans cette histoire. »

Enfin en théorie, non, elle aurait très bien pu s’avérer plus difficile à convaincre que ça mais quelle femme digne de ce nom pourrait reste de glace face à quelqu’un en train de lui faire la cour sous sa fenêtre, hein ? Probablement pas mal parce que tout dépendait forcément de qui se prenait pour Roméo mais toujours est-il que ça faisait de l’effet. Et que c’était pour cette raison qu’elle évoquait Sarah. La blonde pourrait très bien se la jouer mère égoïste et faire passer ses désirs ainsi que son bonheur avant le bien-être de sa fille mais elle n’était pas comme ça et mine de rien, ça entrait pas mal en ligne de compte quant au fait qu’elle avait décidé qu’elles s’en sortaient très bien toutes les deux. L’avantage dans ce cas précis, c’est que Sarah aimait bien James. Il suffirait sans doute d’un rien pour se la mettre dans la poche. Pareil pour son père. C’est que pour pouvoir entrer dans le clan Savalas, il faut le mériter.