Pauvre con, bien fait pour sa gueule

Oh, Iggy était le genre de femme qu’on ne force jamais à rien. Ils ne se connaissaient pas depuis bien longtemps avec Jimmy mais elle était convaincue qu’il avait très vite compris ça. Pas besoin de l’observer des jours durant, c’était le genre de choses qui se comprenait au premier coup d’œil. Du moins quand elle n’essayait pas de jouer un quelconque jeu. Et ce n’était pas le cas avec Jimmy, donc. Inutile de répondre. De toute manière, pas sûr que ç’aurait été très compréhensible étant donné qu’elle s’était remise à claquer des dents et grelotait un peu. Il était grand temps qu’ils arrivent au yacht. Et Iggy fut ravie de le voir se profiler à l’horizon car si le chemin du retour n’avait pris que quelques minutes, celles-ci semblaient s’étirer en longueur. Une fois à bord, personne n’osa leur faire de remarque. Au contraire, on leur apprit qu’ils pouvaient se réchauffer dans une certaine pièce où les attendaient des serviettes. Elle ramassa sa robe au passage et se hâta de pousser la porte de la fameuse cabine. Puis s’enroula dans deux ou trois serviettes avant de s’asseoir au plus près de la source de chaleur. Faut le faire quand même ; frôler l’hypothermie pour seulement avoir le plaisir d’aller faire un peu de jet-ski de nuit.

Ça méritait bien un café. Et selon les dires de Jimmy, elle pouvait demander littéralement tout ce qu’elle voulait qu’on le lui apporterait. Oh, voilà qui était drôlement tentant et Iggy hésita une seconde à jouer les clientes ultra-chiantes qui ne veulent que des laits végétaux et du sucre qui n’en est pas. Mais pas le temps, plus vite on le lui apporterait et mieux ça serait.
« Je veux bien un flat white, alors. »
On avait dit pas chiante ! Après, c’était pas si difficile à faire non plus, juste plus rare. Mais comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande se disputaient l’origine de cette boisson, tout le monde dans ce pays devrait savoir comment ça se préparait. Puis la remarque qui suivit la fit sourire.
« Suède, je crois. Mais il faudrait que je demande à Charli. Du courage ou un grain, je sais pas trop mais en tout cas, ils doivent avoir une belle peau. »
De beaux cheveux et peut-être d’autres avantages aussi. Mais elle préférait les leur laisser. Cela dit, Jimmy avait l’air d’avoir la solution miracle : vider quelques verres de whisky avant de se jeter à l’eau.
« La prochaine fois, y a de grandes chances qu’on nous retrouve noyés alors. J’espère que t’as déjà rédigé ton testament. »

A peine eut-il sorti la tête de la cabine que la commande était passée. Resterait plus qu’à voir combien de temps on mettrait pour la leur apporter. Quelque chose lui disait que ça ne mettrait pas longtemps, mais elle pouvait se tromper. Après tout, qu’en savait-elle ? Elle n’était pas comme les autres riches ; en dehors de sa villa, de sa voiture et de sa moto, elle ne vivait et ne vivrait probablement jamais de la même manière. Ainsi, pas de gigantesque fiesta organisée sur un yacht par Iggy pour en foutre plein les yeux. Ni ailleurs, car il n’était tout simplement pas question que des petits cons pétés de thune viennent gâcher sa jolie vue. Vint ensuite une discussion quelque peu surréaliste au sujet des jolies peaux. C’est bien connu que le froid aide pour tout ça mais selon Jimmy, à quoi bon s’infliger cette torture ? Ah, c’est bien un mec. Un peu d’eau et le tour est joué, pas vrai ? Elle pouffa. Pas besoin d’avoir une maladie pour avoir des problèmes de peau.
« Ouais, je sais pas. Va dire ça à tous les gens qui ont de l’acné, la peau grasse ou la peau sèche, on verra ce qu’ils en pensent. »
Autant dire tout le monde ou presque. Pas sûr qu’ils soient d’accord quant au fait que ça soit si facile de trouver un remède miracle. Mais c’est probablement le genre de discussions qu’il est difficile d’avoir avec un homme. Notamment parce qu’on n’attend pas que leur peau soit parfaite, à eux. En tout cas, quelque chose qui n’aide pas aux problèmes de peau quels qu’ils soient, c’est l’alcool. Bon, eh bien il faut croire que Jimmy le tenait mieux qu’elle dans ce cas. Pas étonnant après tout : O’Reilly, ça sonne quand même très irlandais. Et ça collait plutôt bien avec sa tête, d’ailleurs. Enfin, le fait d’être irlandais, pas celui d’être alcoolique. Elle haussa les épaules.
« Ça dépend des gens, je présume. »
En ce qui la concernait, elle n’en savait trop rien. Non, elle ne faisait pas dans l’abstinence, mais elle n’était pas non plus du genre à se murger tous les soirs. C’était même plutôt rare, toujours garder le contrôle. Quoi qu’il en soit, ça en disait long sur l’idée qu’il avait l’air de se faire d’elle. Il serait sans doute déçu, s’il savait. C’est le serveur de tout à l’heure qui vint les interrompre avec les cafés ainsi que des mignardises. Pas de doute, on sait servir sur ce rafiot. Refusant de se jeter tout de suite sur sa pâtisserie, Iggy accepta plutôt de trinquer et prit une gorgée de son flat white. Brûlant, mais c’est comme ça qu’elle l’aimait. Ce n’est qu’après qu’elle leva les yeux au ciel.
« J’aurais pu faire bien pire. Comme de ne pas le ramener, ce jet-ski. Ou plutôt ne pas te laisser le ramener. Peut-être même qu’il s’agissait du plan initial. »
C’est sûr que les choses se seraient passées bien différemment s’il lui avait répondu qu’il faisait trop froid pour aller faire une petite balade sur les flots.

Décidément, tout avait l’air si simple dans le petit monde de Jimmy O’Reilly. Difficile de dire si c’est parce qu’il est riche, un homme ou tout simplement pas concerné, en revanche. Peut-être même et sûrement un peu des trois. En ce qui la concernait, Iggy n’avait jamais eu ce genre de soucis. Peut-être la peau un peu sèche, qui tiraille par moment lorsqu’il fait plus froid mais ça s’arrêtait là. Mais elle savait qu’elle pouvait s’estimer chanceuse car elle avait entendu assez de témoignages pour savoir que c’est assez rare que ça se soigne en un claquement de doigts. Et il y a une raison très simple à ça : toutes les peaux sont différentes. Alors essayez donc de ne coller qu’à un seul des trois types que toutes les enseignes même pharmaceutiques vous proposent… Sans compter qu’on parle là de problèmes hormonaux qui peuvent changer avec le temps. Cela dit, le sujet était trop vaste pour qu’Iggy ait envie de répondre autrement que par un simple hochement de tête. Avant de passer au suivant : l’alcool. La phrase d’Iggy aurait pu conclure ce sujet mais Jimmy voulut prouver qu’il avait raison. Un verre non, mais deux et à fortiori trois, carrément. Et encore fallait-il boire un minimum. Nouvel hochement de tête.
« Et puis au milieu de tout ça, y a les asiatiques. »
Qui sait si elle ne l’était pas un peu ? Même elle ne saurait le dire. Même si okay, avec ses grands yeux clairs, on ne pourrait de toute manière pas le deviner. Bref, les cafés étaient là et ça faisaient plaisir, ils allaient pouvoir se réchauffer d’autant plus vite. Et quand il lui demanda si elle en avait fini avec les folies, elle ne put qu’en faire des tonnes. Enfin, ou pas, puisque c’était effectivement ce qu’elle avait prévu de faire, partir en jet-ski et ne pas revenir. Sans même un seul regard en arrière.
« Pourquoi pas ? Ces gens n’ont aucune idée de qui je suis. »
Et elle entendait bien que ça ne change pas. Au cas où. Quand bien même faudrait-il qu’elle se présente qu’elle userait d’une fausse identité. Aussi simple que ça. Mais Jimmy avait surtout l’air de se soucier des répercussions que ça pourrait avoir sur sa petite personne et Iggy leva les yeux au ciel en pouffant.
« Oh fais pas genre, tu n’aurais eu qu’à dire que tu me connaissais pas. Je suis sûre que ça n’étonnerait personne. »
C’est ce qu’elle avait compris du personnage en tout cas. Après ça, il aurait juste fallu veiller à ce qu’on ne les voit plus ensemble et l’histoire aurait été oubliée.

Effectivement, en ce qui concerne les asiatiques, il s’agit d’une déficience génétique, alors c’est « normal ». Encore qu’ils ne soient bien évidemment pas tous touchés mais tout le monde aime faire des généralités. Iggy la première. Elle acquiesça donc une fois de plus. Puis d’un sujet à un autre, ils en vinrent à parler de scrupules. Elle ? En avoir ? Cette simple idée la fit beaucoup rire. Ils devaient savoir l’un comme l’autre qu’il valait mieux s’asseoir dessus quand on faisait ce qu’elle faisait. Reprenant ensuite son sérieux, elle se pinça les lèvres, faisant mine d’être embarrassée.
« Je ne voudrais pas te froisser alors je vais tout simplement m’abstenir de répondre à cette question. »
Qui ne dit mot consent à ce qu’il paraît. Bien que cette expression soit carrément limite en y regardant d’un peu plus près. Bref, elle ne doutait pas une seule seconde que ces soirées soient faites pour faire connaissance. Mais Iggy n’avait aucune envie de faire connaissance avec ces gens qu’elle méprisait pas mal. A moins de tomber sur la perle rare. Un milliardaire un peu crédule qu’elle pourrait manipuler à sa guise. Mais disons qu’avoir renoncé à sa vie nomade la mettait un peu dans le pétrin pour ça. Donc elle gardait l’option dans un coin de sa tête, toute prête, au cas où elle se déciderait à repartir sur les routes.

Néanmoins, elle n’était pas bête et elle avait très bien compris le sous-entendu de Jimmy. Mouais, en ce qui la concernait, elle était quand même un peu plus regardante à qui elle mettait dans son lit. Et à proprement parler, elle ne mettait jamais personne dans son lit, en vérité. Non, elle préférait trouver le moyen de se faire inviter. Vivre en colocation n’avait clairement pas que des avantages à ses yeux. D’ailleurs, même en cherchant bien, elle n’en voyait aucun. Bref, c’était de sa faute, c’est elle qui avait accepté ce deal.
« Si je cherchais réellement à faire connaissance, crois bien que c’est pas dans ce genre d’endroits que j’irais. »
Histoire de ne pas mélanger travail et vie privée sans doute. Ou tout simplement parce qu’elle préférait la compagnie de gens plus simples. Quoi qu’il en soit, la soirée touchait à sa fin et puisqu’ils étaient quasiment secs – bien que pas encore tout à fait réchauffée, pour sa part -, il était temps d’y aller. Ou presque puisque Jimmy lui fit savoir qu’il hésitait à remettre son pantalon. Iggy pouffa.
« Je suis pas sûre que ça serait très bien vu que tu te balades en caleçon parmi les convives. Mais peut-être que je me trompe. Au pire, t’as qu’à l’enlever. »
Et remettre son pantalon. Tout comme elle le fit avec son propre maillot de bain, le troquant contre sa robe après s’être soigneusement enroulée dans sa serviette. Pas la peine de vous cacher que ça requérait un certain talent mais que voulez-vous ? Certains sont plus pudiques que d’autres. Et puis ce n'était pas son coup d'essai.

Aimable, oui. C’est l’adjectif qui est l’évidence même lorsqu’on pense à Iggy. Absolument pas. Enfin, disons qu’elle est capable de se montrer tout à fait charmante. Quand elle le veut. Et disons que ce n’est pas son mood le plus naturel. Ses lèvres s’étirèrent en un sourire avant que Jimmy lui fasse part de son ressenti. A savoir qu’il était d’accord avec elle ; ce n’était pas dans ce genre de soirées qu’on pouvait apprendre à faire connaissance. Ah oui. Alors, ce n’était pas tout à fait ce qu’elle voulait dire. Ce qu’Iggy sous-entendait plutôt, c’est qu’elle n’avait aucune envie d’apprendre à connaître d’autres riches – Jimmy étant manifestement l’exception qui confirme la règle étant donné que l’arnaquer ensuite ne faisait pas partie de ses projets. Mais on s’en contentera.
« Un peu trop mondain aussi. »
Ça en revanche, ce n’était que son avis et elle supposait que Jimmy ne le partageait pas. Toujours est-il que c’était intriguant, qu’il y avait de quoi se demander ce qu’il entendait par intimiste puisqu’il n’était manifestement pas branché balade au clair de lune et tous ces autres clichés un brin trop romantiques. Pour lui, pour elle, pour tout le monde d’un tant soit peu sensé. D’autant que ça n’avait même pas l’air d’être son genre non plus d’inviter au resto. Bref, encore tant de questions.

Et en ce qui concernait les sous-vêtements encore humides, Iggy avait une solution toute trouvée. Solution qui n’enchanta guère Jimmy. La raison invoquée n’étant autre que ce n’était pas confortable. Ah, certes. C’était plus facile pour elle qui ne portait qu’une robe. Et quand bien même, elle aurait de toute manière couru moins de risques qu’un homme. Tout en se changeant, elle haussa les épaules, ça le regardait après tout. Nouveau sourire lorsqu’elle le vit se retourner. Hé bien, elle n’aurait pas cru. Mais de toute façon, elle ne le lui aurait pas demandé ; comme dit précédemment, c’était très loin d’être la première fois. Au cours de ses activités, il arrivait parfois qu’il lui faille se changer dans l’urgence et dans ces moments-là, elle n’allait quand même pas perdre de temps à chercher un endroit où s’isoler et ainsi de suite. Bref, tout ça pour dire que ça ne la dérangeait pas plus que de rien porter sous sa robe. Une question de pudeur, oui, mais d’esthétique aussi. En fonction de la robe, les coutures des sous-vêtements peuvent parfois tout venir gâcher donc il faut savoir faire des sacrifices. Soit, là-dessus il lui remémora qu’ils se trouvaient actuellement sur un joli rafiot en pleine mer. Il est vrai que, n’étant pas sujette au mal de mer, elle avait quelque peu oublié ce détail. Elle fronça les sourcils, cherchant ce qu’ils pourraient bien faire à présent pour faire passer le temps et rit franchement en entendant Jimmy lui préciser qu’il ne voulait pas dire qu’elle était ennuyeuse.
« Ennuyeuse ? Moi ? Tu pourrais même le dire que je n’y croirais pas. Bon, alors dis-moi, en tant que propriétaire toi-même d’un de ces trucs, est-ce que tu sais le faire fonctionner ? »

Si elle s’offusquerait de s’entendre dire qu’elle est ennuyeuse alors qu’elle n’y croit même pas ? Iggy réfléchit quelques secondes à la question. Elle n’était pas vraiment du genre susceptible. Probablement parce que personne ne la connaissait vraiment en dehors de sa famille – et par-là, j’entends tous les membres à l’exception de Charli – alors comme si on parlait d’un de ses personnages plutôt que d’elle. Du coup… Peut-être un peu ? Mais elle en doutait. Néanmoins, Jimmy avait l’air sûr de lui aussi haussa-t-elle les épaules.
« De toute manière, c’est pas ce que t’as dit. »
Et quand bien même, sans pour autant se retrouver avec l’étiquette « chiante » collée sur le front, elle était d’accord que rester enfermés dans une cabine à se regarder dans le blanc des yeux ou encore à se raconter… quoi ? Autant lui n’avait peut-être pas grand-chose à cacher, autant elle, c’était une autre histoire. Et il le savait, qui plus est, ce qui fait qu’il ne poserait probablement pas trop de questions. Donc, autant trouver de quoi les occuper. Et puisqu’ils se trouvaient sur un gros bateau, autant en apprendre un peu plus sur son maniement, non ? Ça pouvait toujours servir.

C’est donc tout naturellement qu’elle posa la question à Jimmy. S’il avait un bateau de ce genre, peut-être qu’il arrivait à le faire avancer tout seul. Ou peut-être pas, qu’il était plutôt du genre à déléguer.
« J’aimerais bien. Mais je sais qu’on n’est pas sur ton yacht, alors ton pouvoir à ses limites, ici. »
Encore que, suffirait de lui agiter une jolie liasse de billets sous le nez, au capitaine, non ? Ça serait très, très irresponsable de sa part mais tout pouvait s’envisager pour peu qu’on n’ait pas peur d’y mettre une certaine somme. Cela dit, Iggy voyait bien à la tête qu’il était en train de tirer que Jimmy n’était pas chaud, aussi se contenterait-elle d’observer. C’était un bon moyen d’apprendre aussi.
« Ouais, faisons ça. »
Allez voir le capitaine. S’ils se faisaient jeter alors tant pis mais si c’était le contraire qui se produisait, ç’en aurait valu la peine. Ce à quoi elle ne s’attendait pas, en revanche, c’est qu’il lui propose d’organiser une session navigation sur son propre yacht. Sous couvert d’une fête. Avec d’autres invités, sans doute.
« Tu ferais ça ? Pas peur que je nous échoue tous sur une île déserte ? »
Parce que si non, alors elle était partante.

Iggy plissa un peu les yeux ; pas le genre à menacer qui que ce soit pour obtenir ce qu’il veut ? Qu’on lui permette d’en douter. Après tout, il était bien du genre à se faire passer pour son chauffeur pour dévaliser le coffre d’un rival alors c’était un peu tard pour essayer de se faire passer pour un saint. D’ailleurs, lui-même n’avait pas l’air des plus convaincus en disant ça, ce qui lui arracha un sourire en coin. Bien sûr qu’elle n’était pas dupe. Et Jimmy était un piètre menteur, quant à lui. Rien de surprenant à ça, c’est bien pour cette raison qu’il avait fait appel à ses services, n’est-ce pas ? Pourtant, c’était aussi un homme d’affaires alors il fallait tout de même rester sur ses gardes. Toujours. Ils décidèrent donc de rejoindre le poste de pilotage. Et en chemin, il lui fit une proposition des plus surprenantes. Pourquoi ? Tout simplement parce que ça faisait beaucoup d’emmerdements juste pour qu’elle voit comment on navigue. Cela dit, s’il le proposait, c’est que ça ne le dérangeait pas, elle serait donc bien bête de refuser. Le hic, c’est qu’il serait à ses côtés pour surveiller. Enfin hic, ce n’était pas plus mal, Iggy n’avait aucune envie d’envoyer valser son yacht dans le décor et de devoir rembourser ensuite. S’ils étaient toujours en vie, s’entend.
« Je serai donc sous surveillance, ça me dérange pas. C’est ton yacht après tout. »
Et le but n’était pas de faire n’importe quoi avec, juste d’apprendre. Puisqu’à nouveau, le rendez-vous était pris, y avait plus qu’à voir ce qu’ils pourraient faire ici. Pas grand-chose, sans doute, mais ça ne serait jamais que pour passer le temps, de toute manière. Lorsque vint le moment de convaincre le capitaine, Iggy laissa faire Jimmy. Il s’y connaissait bien plus qu’elle, en bateaux autant qu’en équipages, soit dit en passant. Et peut-être que cette connaissance ferait pencher la balance. Gardant le silence pour le moment, elle acquiesça quand il affirma qu’elle pouvait se montrer raisonnable. Parfois. Voilà une précision dont tout le monde se serait bien passé mais elle préféra faire comme si elle n’avait pas entendu. Et le capitaine aussi. Il finit par accepter de les laisser entrer et Iggy ne fut qu’assez peu impressionnée par tout ce luxe. Inutile ; rares sont les gens qui passent par-là alors hormis l’équipage lui-même, y a personne à impressionner. Et l’équipage devait se foutre que ça soit beau, mieux valait que ça soit performant. Ses yeux se promenèrent un peu partout : la barre, les écrans, le reste de la cabine, mais s’attardèrent surtout sur les écrans, essayant de comprendre leur utilité à chacun. Nouvel hochement de tête.
« Alors dis-moi, je me doute que cet écran-là sert à se diriger sans foncer droit sur une plage, mais les autres ? Ils servent à quoi ? »
Elle aurait pu demander directement au capitaine mais elle avait envie de vérifier s’il connaissait bien son sujet.

Son jet-ski ? Ah oui, et qu’est-ce que ça signifiait, ça, au juste ? Que c’était plus à sa portée ? Iggy était certaine qu’il n’avait pas tort au fond ; elle n’avait pas d’attrait particulier pour la mer et les bateaux et donc aucun talent dans ce domaine non plus, mais elle n’était pas plus bête qu’un autre, elle pouvait apprendre et s’en sortir relativement bien, une barre entre les mains. Et comme je vous vois venir, on parle bien de ce qui sert à naviguer un bateau et rien d’autre.
« Parce que tu me fais pas confiance ? Ou tu veux dire comme un bonus ? »
Ah, ça valait bien la peine de jouer les grands seigneurs pour mettre en doute ses capacités ensuite, si c’était ça. Elle se ferait donc un devoir d’être la plus attentive possible pour s’en sortir au mieux. Et l’apprentissage commençait tout de suite. Iggy interrogea Jimmy quant à l’utilité de tous ces écrans et nota scrupuleusement tout ce qu’il pouvait en dire dans un coin de sa tête. Le radar, les caméras de surveillance, inutile de lui expliquer à quoi ça servait, c’était l’évidence même. Quant aux deux autres, ils servaient à mesurer tout ce qui était possible et imaginable. Tout comme sur une voiture avec quelques petits plus tels que la météo, la vitesse du vent ainsi que le courant. Elle acquiesça, elle se souviendrait de tout ça, puis elle arqua un sourcil à l’évocation des voyants rouges.
« Ah ouais ? Ça t’est déjà arrivé ? »
Généralement, les avis de tempête annonçaient l’arrivée de celles-ci plusieurs heures à l’avance, non ? Voire même plusieurs jours. Justement pour éviter que des bateaux prennent la mer, que des avions s’envolent, que des gens prennent la route, même, parfois. Bref, pour sauver le plus de vies possible. Cela dit, il est vrai que si vous étiez en croisière depuis quinze jours… Elle sourit en entendant que dehors, en ce moment, il ne faisait pas très chaud. Merci, Captain Obvious.
« Ouais, on était un peu aux premières loges, difficile de passer à côté. »
Du Iggy tout craché de tenir à tout prix à aller faire du jet-ski en maillot de bain par ce temps. Cela dit, ils avaient l’air d’être résistants tous les deux puisqu’aucun des deux ne passait son temps à renifler. Pour ce qui était de se baigner en revanche, ce n'était pas son idée. A croire qu'ils ne valaient pas mieux l'un que l'autre.