just you and nothing else → sunny

Pas de pitié pour les arnaqueurs… L’espace d’un quart de seconde, le regard d’Iggy se voila, marquant son trouble puis elle se reprit tout aussi rapidement, faisant comme si de rien n’était parce qu’au fond, elle n’aurait pas pu s’attendre à quoi que ce soit d’autre. Même que c’était précisément pour cette raison qu’elle avait refusé d’en parler jusqu’ici et qu’elle n’avait pas prévu de le faire plus tard. Non, bien sûr qu’elle n’aimait pas mentir à Sunny. Elle n’avait jamais aimé cette idée, mais… Que faire d’autre ? Lui parler de son passé – plus si passé que ça – de criminelle recherchée sous de fausses identités dans certaines villes ? Sûrement pas. Être proche de quelqu’un qui pouvait finir derrière les barreaux à tout instant n’avait rien d’enviable. Et puis pas de pitié pour les arnaqueurs, donc. Elle préféra curieusement s’intéresser aux glaces et la réponse qu’il lui servit eut le don de chasser ses idées noires et de la faire sourire.
« Okay, Miss New Zealand. Tu sais quoi ? On demandera au père-Noël tueur pour le poney l’année prochaine. »
Sa langue darda espièglement entre ses dents tandis qu’elle se tournait pour commander. De l’ananas pour monsieur – heureusement, y a quand même des choses qui ne changent pas – et une glace à l’italienne banane-fraise pour elle. Elle régla ensuite ce qu’elle devait et, le temps qu’on les serve, chercha des yeux un endroit où ils pourraient se poser tranquillement le temps de la dégustation. Puis elle récupéra leur commande, tendit sa glace à Sunny et s’avança vers une table de pique-nique dont elle enjamba le banc pour s’asseoir. Son regard se perdit alors dans la foule. Notamment sur les gens qui sortaient de divers manèges : des montagnes russes, de ce truc indescriptible qui ne fait que vous secouer dans tous les sens et le souvenir d’elle et son frère en train de parier sur qui gerberait le premier refit soudain surface. De vrais sales gosses. Puis elle tourna la tête en direction de Sunny et l’observa quelques secondes.
« Hé ben, j’aurais pas cru qu’un an me paraîtrait si long. Je te l’ai pas encore dit mais je suis contente que tu sois rentré. »
Sa manière détournée à elle de lui faire comprendre qu’il lui avait manqué sans que ça ne fasse trop sérieux non plus parce qu’ils étaient divorcés et qu’elle n’avait pas vraiment le droit de faire comme s’ils ne l’étaient pas.

Iggy avait décidément toujours la réplique parfaite et, encore une fois, Sunny ne put faire autrement que de rire. Public facile ? Certes, il n’était pas si dur de faire rire Sunny, mais avec Iggy, il y avait toujours une saveur en plus : celle de la connivence. Quand ils étaient sur leur lancée, il n’y avait pas grand-chose qui pouvait les arrêter.

« Et la paix dans le monde, on la laisse à Miss Congeniality. »

Il répondit à sa tirade de langue par un clin d’œil et un coup de coude puis la laissa commander. Elle avait l’air de vouloir offrir les glaces, alors il ne chercha pas à minauder pour faire le vrai-faux gentleman en insistant pour payer à sa place. Quand il jouait les machos, c’était seulement pour la déconnade. Il ne manqua pas néanmoins de la remercier lorsqu’ils furent servis, et la suivit jusqu’à la table de pique-nique qu’elle avait repérée. Comme une évidence, il s’installa à côté d’elle, s’asseyant à califourchon sur le banc et s’accoudant sur la table de son bras libre. Il leva sa glace à son intention comme pour trinquer, puis s’y attaqua. Il s’arrêta bientôt, cependant, notant qu’elle l’observait, et leva les sourcils dans une interrogation silencieuse. Iggy lui mentionna alors qu’elle était contente qu’il soit rentré, bien qu’elle ne l’ait pas encore dit, et cela le laissa un instant perplexe.

« Vraiment ? Il me semble que tu l’as déjà dit, pourtant, » répondit-il avec un sourire songeur.

Peut-être parce que tout dans ces retrouvailles était assez éloquent sur ce point pour n’avoir pas besoin de le formuler à haute voix. Sans lui-même réellement mettre ces mots là-dessus, l’agréable sensation d’aise qui habitait Sunny depuis qu’ils s’étaient retrouvés était assez évidente pour qu’il le sache, même si cela restait dans l’abstrait. Cela rendait ce qu’il avait à annoncer d’autant plus difficile à aborder. Il n’avait aucune idée de comment Iggy allait le prendre. Et pourquoi s’en inquiétait-il autant, en vérité ? Cela ne concernait que lui, n’est-ce pas ? De toute façon, la soirée n’était pas terminée, et leurs glaces non plus. Il se voyait mal faire son annonce alors qu’ils étaient en train de manger, on sait jamais, ça pouvait finir en fausse route, et il n’avait jamais très bien maîtrisé la manœuvre de Heimlich.

« Je suis content d’être rentré aussi, ajouta-t-il. Ça m’a manqué, nos petites virées. »

Il donna un coup de dents dans sa glace qui avait déjà diminué de moitié pour se donner le temps de se décider sur la suite, puis se lança :

« Au fait, je vais bientôt y retourner, mais je serai pas parti longtemps. »

Bon, ben voilà, l’introduction était posée. Il avait encore le temps de rester vague, le temps de s’imprégner du sujet, avant d’en venir au fait.

C’est ça, ils laisseraient son monde en paix à Gracie Lou Freebush. A force de se côtoyer ainsi que d’avoir un bon paquet de références en commun, Sunny et Iggy avaient presque leur propre langage codé. Fait de ces fameuses références qu’ils n’étaient peut-être pas les seuls à connaître mais qu’ils avaient parfois détourné et déformé pour se les approprier. Et c’était clairement un de ces moments qu’une personne extérieure n’aurait pu – ou voulu, se sentant très certainement de trop – comprendre. Tant pis puisque pour l’instant, il n’y avait qu’eux deux qui comptaient. Puis, après s’être installée, elle lui rendit son sourire. Non, elle ne l’avait pas dit. Peut-être par réflexe, Iggy faisait attention à ce qu’elle disait. C’est qu’elle en cachait des choses, à tout le monde et depuis presque toujours alors elle n’avait pas intérêt à laisser passer un mot de trop par inadvertance. Mais elle était heureuse de savoir que c’était tout comme. Ça aussi, ça leur était propre : ils n’avaient jamais eu besoin de beaucoup parler pour se comprendre. Puis elle opina tout en faisant honneur à sa propre glace. Elle aurait pu préciser qu’il n’y avait pas que leurs virées qui lui avaient manqué mais ç’aurait été clairement superflu. Celui qui ajouta quelque chose en revanche, fut Sunny. Qu’il devait repartir au Chili bientôt. Mais pour une plus courte durée. Iggy prit le temps d’analyser cette phrase tout en faisant tourner le cornet auquel elle venait de donner un autre coup de langue.
« T’as oublié quelque chose là-bas. »
Ce qui n’était en aucun cas une question : elle le savait. Enfin, pas quelque chose, mais quelqu’un. Partant de là, ça pouvait être n’importe qui parce qu’effectivement, c’était long un an. Enfin, c’était long tout comme ça pouvait ne pas l’être, tout dépendait du point de vue mais ce qui était sûr, c’est qu’il pouvait s’en passer des choses sur cette période de temps. Des choses qui vous changent un homme, probablement. Qui lui donnent envie d’entrer dans une maison hantée pour la première fois de sa vie ou encore d’éviter les orages. Les yeux dans le vague, Iggy essayait de déterminer quel genre de rencontres pouvait bien provoquer ce genre de changements-là. Et c’était assez facile à deviner en fait. Bon. Elle savait que ça pouvait arriver et elle s’était promis que quand ce jour-là arriverait, elle n’en ferait pas un drame parce que ce qui primait sur le reste, c’était le bien-être de Sunny. Mais en attendant, elle ne pouvait s’empêcher de déjà commencer à planifier son départ dans un coin de sa tête. Jusqu’à ce que l’existence de Charli lui revienne en mémoire. Ah oui, c’est vrai que ça compliquait un peu les choses, ça.

Concrètement, Sunny n’avait pas encore lâché sa bombe. Pourtant, le silence pesant qui suivit, alors qu’Iggy semblait considérer ses paroles, donnait l’impression que c’était le cas. Sunny se demanda même si les mots ne lui avaient pas échappés sans qu’il s’en rende compte. Il n’aurait pu dire combien de temps il s’écoula avant qu’Iggy ne prenne finalement la parole, cela lui sembla durer une éternité durant laquelle il eut le temps de se faire plusieurs scénario, mais il n’avait pas imaginé ce qu’elle répondit finalement. Haussant les sourcils, il marqua lui-même un silence, la fixant avec des yeux ronds, avant de lâcher un rire ― ou plutôt une sorte de ronflement ― nerveux.

« Oh j’ai oublié… perdu… pas mal de choses, c’est ce qui arrive quand on passe un an à crapahuter. On m’a même volé des trucs. Une fois, j’ai dormi dans une bergerie et je me suis réveillé parce qu’une chèvre était en train de bouffer ma chaussette. J’ai négocié : elle a gardé ma chaussette et moi, mes orteils. »

Évidemment qu’il allait choisir l’humour pour détendre un peu l’atmosphère ― et pour éloigner un peu plus le moment des révélations. Cependant, peut-être que s’il avait saisi ce qu’Iggy sous-entendait, il se serait empressé de la rassurer mais pour le coup, et bien qu’Iggy ne fut pas loin de la réalité, ils ne s’étaient pas compris à demi-mot. Il fallait bien que ça arrive. Et pendant ce temps, leurs glaces arrivaient sur leur fin. Il ne lui restait plus beaucoup de temps. Alors, il reprit, restant encore un peu vague :

« Bref, j’aurais peut-être pas formulé ça comme ça, mais… Disons, oui, je dois y retourner pour aller chercher… quelque chose. »

Ça commençait à devenir de plus en plus difficile de trouver les mots. Le cœur de Sunny battait plus vite, et l’air semblait soudainement encore plus lourd. Il n’arrangeait rien en faisant traîner cette histoire, mais il faisait de son mieux et surtout, il ne pouvait pas faire comme s’il n’en avait rien à foutre.

Perdu ? Mais qu’était-il donc en train d’essayer de lui dire ? On lui avait même volé des trucs… Si Sunny était en train de lui partager une anecdote de son voyage au Chili, Iggy, elle, ne pouvait s’empêcher d’y chercher une quelconque métaphore. Qui collerait à peu près avec son sous-entendu de tout à l’heure. Toutefois, elle eut beau essayer de retourner le problème dans tous les sens, la chèvre ne pouvait pas avoir été une femme et la chaussette, quoi ? Sa liberté ? Pas son innocence en tout cas. Et puis Sunny avait trop de respect pour tout le monde pour faire ça. Non, elle partit du principe que ça devait vraiment lui être arrivé mais que s’il lui racontait ça, c’était pour ne pas avoir à lui annoncer la nouvelle trop vite. Et si elle ne se trompait pas, c’est que ça devait être drôlement important parce que plus elle le regardait et plus elle voyait tous ces petits détails trahissant sa nervosité. Mais s’il le souhaitait et si ça pouvait l’aider, parce qu’il faudrait bien que ça sorte à un moment ou à un autre, elle pouvait jouer le jeu. Après quelques minutes d’impassibilité, Iggy se dérida et commenta :
« T’as quand même de la chance que ça n’ait été qu’une chèvre. »
Et qu’une chaussette soit dit en passant, parce qu’à dormir dans des bergeries, quelque chose lui disait qu’on risquait bien pire. Surtout dans cette région du monde. Ici… Sûrement moins. Mais Iggy ne faisait que supposer parce que si elle avait dormi dans des endroits parfois bizarres et même pas très confortables, elle n’avait encore jamais essayé de bergerie. Tandis qu’elle arrivait au cornet de sa glace, Sunny reprit la parole. Pour lui confirmer que, bien qu’il n’aurait pas choisi cette formulation, elle avait vu juste et que s’il fallait qu’il retourne là-bas, c’était bien pour y récupérer quelque chose. Elle se retint de taper du plat de la main sur la table, geste signifiant qu’elle en était sûre, qu’elle ne pouvait pas se tromper, mais le cœur y était. Non, non, pas d’esclandre, pas de « et c’est qui ? Je la connais ?? » alors qu’elle ne connaissait aucune chilienne ; elle hésita même à lui balancer un « allez, accouche ! » - elle n’aurait pas cru si bien dire – parce que ça faisait quand même un peu violent mais s’abstint. Au lieu de quoi elle pivota pour mieux lui faire face, repliant une jambe sous elle et mima inconsciemment sa position en s’accoudant à son tour à la table.
« D’accord. C’est dans tes plans de me parler de ce quelque chose, ou pas ? »
Le tout demandé d’un ton très calme et ouvert à la discussion parce qu’au fond, il ne lui devait pas vraiment d’explications mais s’il voulait en parler, c’était peut-être le moment. Elle aviserait ensuite.

Voilà qu’Iggy repartait dans le jeu du silence et cette fois-ci, Sunny aurait pu jurer qu’il ne s’était pas compté en secondes, mais en minutes ― bien qu’on puisse découper les minutes en secondes mais songer à cela n’était que se donner une excuse pour échapper au malaise de la situation. Baissant le nez sur sa glace comme s’il voulait y trouver le sens de la vie, Sunny grignota le cornet du bout des dents, prenant son temps jusqu’à l’avoir terminé. Lorsqu’il releva les yeux vers Iggy, il vit qu’elle s’était tournée vers lui, adoptant une position miroir à la sienne. Plus tôt, elle avait, comme lui, choisi de suivre la voie de l’humour suite à l’anecdote de la chèvre, pourtant il y avait une lourdeur palpable dans l’air, et la météo n’avait plus rien à voir là-dedans. Et maintenant, enfin, elle l’invitait à cracher le morceau. Plus aucun cornet de glace à l’horizon.

« Oui… À vrai dire, c’était dans mes plans depuis le début. »

Il s’était préparé à ça depuis longtemps. Dans sa tête, il avait écrit moult brouillons de son discours avant de se décider sur la manière qui lui plaisait le mieux d’annoncer cette grande nouvelle. Un discours à son image : candide, sensible, et avec juste la bonne touche d’humour pour ne pas avoir l’air trop solennel.

Il prit une inspiration.

« Je… »

Et merde, c’était quoi déjà le texte ?!!

Ses yeux coururent de droite à gauche comme s’il s’attendait désespérément à trouver un souffleur caché dans un coin. Il se gratta la nuque, fit craquer ses doigts. Rien à faire, dans sa tête, c’était la page blanche. Il allait falloir improviser, et rapidement, avant de commencer à trop réfléchir et de partir dans des considérations qui risquaient de…

« Je vais être papa. »

Bon bah voilà, c’était pas si compliqué en fait.

Ainsi, il avait prévu de lui annoncer la nouvelle depuis le début. Iggy n’avait pas particulièrement envie d’y penser de cette manière mais maintenant qu’elle se repassait la soirée dans sa tête, elle avait l’impression de mieux comprendre certaines choses. Ou de les voir sous un angle différent. Sunny qui lui souhaitait le meilleur peut-être parce qu’il l’avait enfin trouvé de son côté, par exemple. Ou peut-être pas ; ça n’avait rien d’étonnant venant de lui, encore moins quand ça la concernait, elle, mais… Maintenant qu’elle y pensait de cette façon, elle se trouvait bien bête de ne pas l’avoir fait plus tôt, ça lui aurait peut-être évité cette désagréable sensation. Mais pour l’heure, elle n’en montrait toujours rien ; le contraire aurait pu le stopper dans son élan et elle ne s’en sentait toujours pas le droit. Et puis c’était un peu comme d’enlever un sparadrap, plus on le faisait vite et moins ça faisait mal. Même si c’était vraiment douloureux sur le moment et qu’on regrettait souvent ensuite. Bref, elle patienta donc sans mot dire, que son ex-mari trouve les siens. Ou peut-être le courage parce que ça ne devait pas être facile pour lui non plus, elle s’en rendait compte. Puis, après quelques secondes d’hésitation, voire même d’égarement, la sentence tomba : il allait être papa. Cette pensée avait beau s’être déjà formée dans le cerveau d’Iggy, ça ne lui faisait pas moins l’effet d’un coup de poing dans l’estomac de se l’entendre dire. Ou d’une gifle tiens, pour parler de quelque chose qu’elle connaissait vraiment. Et pendant ce temps, toutes les villes néo-zélandaises qu’elle n’avait pas encore visitées défilaient dans un autre coin de sa tête. Oui, oui, y avait Charli mais elle pouvait lui laisser la villa le temps qu’elle vole de ses propres ailes ; elle n’avait jamais vraiment eu besoin d’elle mais elle était majeure en plus, maintenant. L’urgence de mettre les voiles – parce que si elle souhaitait le bonheur de Sunny, elle n’avait pas particulièrement envie de se trouver aux premières loges non plus si elle ne devait pas faire partie de l’équation - lui en aurait presque fait oublier qu’il fallait qu’elle réponde quelque chose. S’humectant les lèvres dans l’espoir de faire revenir un peu de salive dans sa bouche sans quoi elle n’aurait rien pu dire du tout, elle lui mit une tape amicale sur l’épaule. Un peu comme un vieux pote. Ou comme un parfait étranger un peu éméché rencontré dans un pub une heure plus tôt, mais pas comme l’Iggy qu’il connaissait si bien en tout cas.
« Hé ben, toutes mes félicitations ! »
Elle aurait aimé pouvoir continuer à donner le change mais pour une fois, elle était bien trop impliquée et elle sentait qu’elle devait avoir un peu blêmi entre-temps.
« Comment se porte la maman ? »

Les mots avaient finalement franchi ses lèvres, et Sunny, sentant une agréable chaleur se révéler dans son cœur, se rendit compte que c’était la toute première fois qu’il les prononçait. À vrai dire, il ne les avait même jamais seulement pensés. Pas qu’il fut incapable de le réaliser, mais plutôt, perdu qu’il avait été dans un typhon de paperasses qui n’en avait pas encore fini avec lui, il n’osait pas se laisser complètement y croire avant que la toute dernière signature ne soit apposée. Mais maintenant, il le savait : il n’avait pas besoin de cette formalité pour avoir foi en sa paternité. Il avait plongé son regard dans celui de ce petit garçon, et il avait tout de suite su qu’il était sien. L’évidence était telle qu’il ne s’était absolument pas rendu compte de la confusion dans laquelle, à cause de la formulation qu’il avait choisie pour annoncer la nouvelle, Iggy ― comme n’importe qui d’autre qui se serait trouvée à sa place ― se retrouvait désormais plongée. Pourtant, la réaction qu’elle eue, si étrangère à la personne qu’il pensait connaître, commença à lui mettre la puce à l’oreille. Ces félicitations conventionnelles, presque graves, et cette petite tape qui aurait dû lui sembler chaleureuse mais qui laissa une sensation glacée sur son épaule… Quelque chose n’allait pas, et les tripes de Sunny lui soufflaient que cela n’avait rien à voir avec la raison pour laquelle il avait initialement craint de faire cette révélation, à savoir que son envie de paternité avait été la cause de leur rupture, et que de mettre le sujet sur le tapis risquait de rouvrir une plaie qui n’avait peut-être pas tout à fait cicatrisé.

Et finalement, il comprit : Iggy, dans le tableau, avait vu une maman. Les yeux de Sunny s’arrondirent, non seulement en comprenant finalement sa bourde, mais en constatant le visage blême d’Iggy qui laissait transparaître l’existence de certaines complications qu’il n’avait pas pu ― ou pas voulu ― imaginer. Une autre plaie que, trop douloureuse, on avait préféré ignorer, et qui n’avait donc peut-être pas cessé de saigner.

Cette fois-ci, il ne réfléchit pas et laissa son cœur prendre les commandes.

« Je ne sais pas, répondit-il doucement, je ne l’ai jamais rencontrée. »

Cherchant le regard d’Iggy, il étira un petit sourire, et posa une main sur la sienne.

« J’adopte. »

Après qu’elle ait mentionné la maman, l’expression de Sunny changea subitement et Iggy ne sut d’abord pas comment interpréter ça. Peut-être que ça lui faisait bizarre qu’elle aborde le sujet mais il fallait bien que quelqu’un se lance. Parce que jusqu’à preuve du contraire, il fallait bien une mère dans l’histoire. Un rôle qu’elle-même avait refusé pour des tas de bonnes raisons. Mais qu’elle avait préféré garder pour elle jusqu’à très récemment. On commet tous des erreurs et Iggy regrettait celle-là plus que les autres. Cependant, elle se méprenait puisque lorsqu’il reprit la parole, ce fut pour lui apprendre qu’il ne l’avait jamais rencontrée, la mère en question. Paumée. Voilà comment elle se sentit sur l’instant et se laissa même aller à un froncement de sourcils. Puis ses yeux accrochèrent ceux de Sunny tandis qu’il posait la main sur la sienne tout en expliquant qu’il adoptait. Le poids qui s’était installé sur sa poitrine ces dernières minutes s’envola presqu’aussitôt. Presque parce qu’elle prit tout de même le temps de mesurer l’ampleur de tout ça maintenant qu’elle y voyait un peu plus clair. Sunny allait avoir un bébé mais sans femme dans les pattes pour venir mettre son grain de sel dans la relation qu’ils avaient actuellement. Ça allait forcément changer un peu les choses et peut-être qu’ils se verraient moins mais, et c’était authentique, elle était heureuse de savoir qu’il aurait ce qu’il voulait tellement et qui avait fini par causer leur séparation. Un peu plus sereine, elle baissa les yeux sur leurs mains entrelacées et s’en voulut un peu d’avoir réagi comme ça. D’ailleurs, la liste des villes pas encore visitées venait d’être rangée dans un tiroir. Peut-être la ressortirait-elle un jour parce que ça lui arrivait de temps en temps mais ça ne serait pas pour tout de suite. Puis elle replongea son regard dans le sien et tendit son bras libre, comme pour lui proposer une étreinte avant de tout simplement l’attirer à elle sans attendre son avis et de le serrer fort. Ça, ça ressemblait plus à la Iggy qu’il connaissait.
« Tu feras un super père, j’en suis sûre. »
Puis elle le relâcha avant que le moment ne devienne bizarre pour des personnes divorcées et lui offrit un sourire.

Soudainement, Sunny n’était plus stressé. Constater qu’Iggy se retrouvait en détresse avait activé quelque chose de primordial en lui, prendre soin des personnes qui lui étaient chères. Le fait que la situation mettait en lumière des problèmes qu’il avait préféré ignorer, par instinct de survie, ne rendait néanmoins pas les choses faciles, et il n’était d’ailleurs pas prêt à y faire tout à fait face. Il serait toujours temps de revenir là-dessus plus tard… encore. Pour l’instant, ce qui lui importait était de dissiper le malaise dans lequel il avait mis Iggy et heureusement, il put rapidement observer que ses paroles et son geste venus du cœur y étaient parvenus. Quand Iggy plongea son regard dans le sien, il étira son sourire dans un petit soupir de soulagement, puis se laissa attirer contre elle, posant instinctivement son menton sur l’épaule de son ex-femme et l’enlaçant en retour de son bras libre. Il n’aurait pas eu besoin de plus, mais elle lui fit même le cadeau de lui dire qu’elle pensait qu’il ferait un bon père. Sunny rit dans un souffle. Il sentit l’envie réflexe de faire de l’humour sur la situation, mais rien ne lui vint. Sûrement parce que ce moment était parfait tel quel. Alors, il ferma les yeux et répondit simplement :

« Merci. »

Il ne sut combien de temps dura leur étreinte, ni qui se décida à la rompre, mais le sentiment que les choses commençaient à devenir un peu trop non-conventionnelles pour un couple divorcé depuis bientôt quatre ans semblait être partagé et, lorsqu’ils eurent repris leur position respective, il ne put faire autrement que de constater que, malgré le malentendu dissipé, une saveur d’amertume planait dans l’atmosphère, et elle semblait bien avoir l’intention de s’attarder. S’accrochant un nouveau sourire, Sunny balaya l’air et cette pensée d’une main, l’air de rien.

« Si je commence à faire le nouveau père trop chiant, dis-le moi mais… »

Il fouilla dans sa poche, d’un geste peut-être plus maladroit qu’il l’aurait voulu, et sortit son portefeuille.

« Est-ce que tu veux voir une photo ? »

Evidemment que Sunny ferait un bon père parce que c’était ce dont il avait envie depuis un moment déjà. Il avait sûrement eu le temps de mettre de l’ordre dans sa vie et de tout préparer pour pouvoir accueillir une petite personne dont il allait avoir l’entière responsabilité durant les prochaines dix-huit années ou quelque chose comme ça. Mais comme vous vous en doutez probablement, Iggy n’avait pas la moindre idée de ce qu’elle était en train de se figurer. Bien qu’elle le soit, elle n’avait aucune idée de ce que ça pouvait faire d’être parent et, maintenant qu’elle y songeait, elle ne connaissait personne d’autre qui soit dans ce cas-là non plus. Sûrement que les autres gens de son monde en étaient tous arrivés à la même conclusion : ce n’était pas pour eux. Et pourquoi pas ? Il en fallait aussi, après tout. Qu’à cela ne tienne, elle verrait donc ce que ça donne avec Sunny. Qui, après un petit temps, lui proposa de lui montrer une photo de l’enfant – peut-être pas bébé, d’ailleurs, puisqu’il s’agissait d’une adoption. Et bien que ça soit tout à fait logique, elle ne s’y était pas vraiment attendue, ce qui explique qu’elle ait mis un certain temps avant de répondre :
« Ouais, bien sûr ! Montre-moi. »
Ce qui tombait bien puisqu’il avait déjà son portefeuille en main. Il en sortit un polaroïd qu’il tourna vers elle et dont elle s’empara. Sur le portrait figurait ce qu’elle continuerait de qualifier de bébé. Impossible pour elle de lui donner un âge en revanche, tout ce qu’elle voyait c’est qu’il était toujours rondouillet et qu’il avait des cheveux.
« Hé ! Mais il n’est pas si moche que ça ! »
Non, tous les bébés n’étaient pas forcément laids, il lui était même arrivé d’en voir des mignons dans des films ou même dans la rue mais c’est ce que certains avaient coutume de dire et ça l’avait toujours fait rire en ce qui la concernait.
« Il est même plutôt mignon, on dirait une poupée. »
Ce qu’il n’était pas et ça, elle laissait à Sunny le soin de s’en rendre compte par lui-même. En théorie, il devrait sauter l’étape de devoir se lever toutes les trois heures pour lui donner le biberon, mais pas celle des couches. Iggy avait beau ne pas s’y connaître en la matière, elle savait au moins ça, peut-être même que ç’avait motivé un peu sa décision de ne pas garder Charli autrefois. Mais il n’y avait bien sûr pas que ça.

Iggy ne répondit pas immédiatement à la proposition de Sunny mais ce dernier était déjà en train de sortir une photo polaroid de son portefeuille. Quelque chose lui disait qu’elle était tout à fait capable de lui dire que non, ça ne l’intéressait pas ; il ne lui en aurait pas voulu, cependant il aurait certainement insisté parce qu’il avait envie d’enfin la montrer à quelqu’un, cette photo. Car jusqu’à ce soir, il n’avait parlé de cela à personne. Sans vraiment savoir ― ou vouloir s’admettre ― pourquoi, il avait eu cette fixation sur le fait d’en parler d’abord à Iggy, avant même d’en parler à sa famille. L’excuse qu’il n’aurait pas voulu qu’elle l’apprenne par le bouche à oreille tenait juste assez la route pour qu’il s’en tienne là pour le moment. Finalement, Iggy acquiesça et il lui tendit la photo, non sans lui avoir jeté un coup d’œil et étiré un sourire béat. Encore une fois, la réaction  de son ex ne manqua pas de lui arracher un rire. Personne d’autre qu’Iggy n’aurait pu dire une chose pareille devant la photo d’un nourrisson et en vérité, il n’en avait pas attendu moins d’elle.

« Oui, il est mignon… Je dirais même que c’est le plus beau bébé du monde, mais non seulement ce serait absolument pas impartial, en plus ce serait pas original. »

Impartiale, Iggy l’était sûrement bien plus que lui, en revanche, et le fait est qu’il s’agissait effectivement d’un très mignon petit garçon. À l’orphelinat, on avait dit à Sunny que, d’après ses traits, il avait certainement des origines Mapuche : une peau mate, encore plus que celle de Sunny, de grands yeux brun foncé, légèrement en amande, des cheveux déjà épais, noirs de jais, et un nez un peu épaté qui lui donnait un charme particulier. Comme poussé par une nécessité primale de se remémorer son image, Sunny glissa sur le banc pour se rapprocher d’Iggy et se pencha de côté pour regarder la photo en même temps qu’elle.

« Il s’appelle Sandro, il a dix-huit mois, lui expliqua-t-il d’une voix plus lointaine, comme si une partie de son esprit se trouvait de l’autre côté de l’océan. J’ai pu le rencontrer, une seule fois, mais… il me manque quand même. »

Sur ces derniers mots, la voix de Sunny s’était très légèrement serrée et bien que cela aurait été quasiment imperceptible par le premier venu, quelqu’un qui le connaissait bien pouvait noter cette subtile modulation dans son timbre. Lui qui semblait presque toujours inébranlable, il était rare qu’il montre de la vulnérabilité, non pas par fierté, plutôt par péché de trop de considération envers ses proches, pour leur éviter de se faire du souci pour lui. Aussi, il se reprit bien vite, ajoutant d’un ton se voulant enjoué :

« Il sera bientôt là, de toute façon ! … Si tout se passe comme prévu… »

Le plus beau bébé du monde, voilà donc ce que Sunny voulait dire quand il parlait de faire le nouveau père trop chiant. Mais pour l’heure, ce n’était pas chiant, plutôt attendrissant en vérité et ce sourire-là était des plus contagieux. Se passant de commentaire mais arquant un sourcil amusé, elle le vit glisser sur le banc pour venir admirer la photo avec elle et surtout lui donner de nouvelles informations. Sandro, dix-huit mois, que Sunny n’avait rencontré qu’une seule fois mais dont il était déjà raide dingue, ça se voyait. Elle l’écouta mais détacha les yeux du cliché pour les poser sur son ex-mari. Il rayonnait littéralement et donnait ainsi tout son sens à son prénom. Ce n’était pas la première fois qu’elle assistait à ça mais ça faisait quand même des années qu’elle ne l’avait plus vu de ses propres yeux. Et comme elle n’avait pas envie que ça s’arrête trop vite – surtout après avoir entendu ce changement de ton dans sa voix après qu’il ait avoué que cet enfant lui manquait déjà -, Iggy se surprit elle-même à lui poser des questions.
« Et tu sais ce qui lui est arrivé avant ça ? »
Pourtant, elle savait pertinemment que ça pouvait être une pente un peu glissante pour elle. Mais si elle voyait que c’était le cas, elle ne s’aventurerait pas plus loin. Puis elle lui rendit la photo et le poussa doucement du bras.
« Y a pas de raison que ça se passe mal. »
Ça, elle n’en savait en fait rien mais si Sunny prenait la peine de lui annoncer la nouvelle, c’est que les choses étaient bien engagées et il n’y avait donc pas de raison que ça ne continue pas sur cette voie en tout cas. Puis elle songea à la famille de Sunny qui devait forcément déjà être au courant de la grande nouvelle puisque ses parents allaient devenir grands-parents, sa sœur allait devenir tante et si elle n’en avait jamais vraiment parlé avec eux à l’époque, elle était pratiquement sûre qu’ils n’attendaient tous que ça, c’était le cas d’à peu près toutes les familles dignes de ce nom. A l’exception de la sienne peut-être mais il fallait croire que les Rayne ne faisaient décidément rien comme tout le monde.
« Comment Mal a pris la nouvelle ? Elle est contente de devenir tata ? Et tes parents ? »

Contempler la photo de Sandro avait efficacement mis de côté les nouvelles considérations soulevées par l’échange qui venait d’avoir lieu entre Iggy et Sunny, assez pour que l’inconscient de ce dernier ne les relègue à nouveau à l’étage du refoulé. Pour le moment, tout ce qui importait était que la complicité, après ce moment de malaise, était revenue au premier plan entre eux. Mieux : Iggy semblait réellement heureuse pour Sunny et s’intéressait même à Sandro. C’était sans aucun doute le meilleur cas de figure ― tant qu’on laissait tranquille ce qui avait été de nouveau rangé dans le tiroir du « on verra ça plus tard »…

« Personne ne sait vraiment, répondit Sunny lorsqu’Iggy l’interrogea sur le passé de Sandro, il a été… laissé, dans une église, apparemment juste après sa naissance. La police a croisé les avis de disparitions et d’enlèvements mais rien ne collait, alors il a fini par être mis à l’adoption… »

Là encore, la voix de Sunny s’était légèrement serrée mais cette fois, même lui ne s’en était pas rendu compte. Il faut dire que malgré tout son optimisme, il ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter que quelque chose se passe mal au dernier moment et que son rêve s’effondre. Iggy l’assura que tout irait bien, et il lui répondit par un hochement de tête et un sourire, mais il savait malheureusement qu’on ne pouvait être sûr de rien. Tout ce qu’il pouvait faire était d’avoir foi en sa détermination : à moins que les parents biologiques ne fassent soudainement surface d’on ne sait où et réclament l’enfant sans équivoque, Sunny ne lâcherait jamais l’affaire. C’est qu’il était têtu, l’animal, et heureusement, parfois, cela pouvait s’avérer être une qualité.

La dernière question d’Iggy, Sunny ne l’avait pas anticipée. Pris de court, il haussa les sourcils et prit quelques secondes pour considérer sa réponse. Quelque chose lui disait qu’il était sur un terrain dangereux, mais il ne comprenait pas vraiment pourquoi ― et pendant ce temps, le tiroir du « on verra ça plus tard » menaçait de s’ouvrir, grinçant impatiemment dans son armoire de métal ― alors il choisit la candeur :

« Beeen, en fait, lâcha-t-il finalement d’un ton des plus posés comme s’il ne parlait de rien de plus que la météo, je leur en ai pas encore parlé. »

Il haussa les épaules avec un petit sourire innocent avant d’ajouter, toujours dans le plus grand des calmes :

« C’était à toi que j’avais envie de le dire en premier alors… voilà. Et monte pas sur tes grands chevaux hein, la railla-t-il en lui mettant un coup d’épaule, je suis seulement rentré depuis deux jours, c’est pas comme si j’en avais fait un secret d’état, » termina-t-il en riant dans un souffle.

Alors loin d’elle l’idée de juger qui que ce soit, ça serait vraiment très mal venu de sa part compte tenu des circonstances, mais une église ? Sérieux ? D’accord, Iggy avait peut-être eu de la chance que la grand-mère paternelle de Charli accepte de la recueillir mais, en supposant qu’elle n’ait pas eu cette option, elle n’était pas du tout sûre qu’elle aurait déposé sa fille sur le parvis d’une église comme dans Notre Dame de Paris. Ce bouquin avait beau être d’une autre époque, il nous démontrait déjà que les religieux étaient tordus et qu’il ne fallait surtout pas laisser des enfants sous leur responsabilité. Bref, au moins Sandro n’y serait-il pas resté trop longtemps. Et puis elle imaginait que c’était toujours mieux que de l’abandonner dans une ruelle. Bref, mieux valait qu’elle se taise pour le coup et Iggy le savait très bien puisque c’est ce qu’elle fit, se contentant d’acquiescer d’un mouvement de tête. Avant de se mettre à poser d’autres questions mais tout en restant sur cette thématique à savoir : comment la famille de Sunny avait pris la nouvelle. Non parce que bon, il s’en allait toute une année, envoyait des messages cryptés à tout le monde – à moins qu’elle ait été la seule à avoir cette chance – et revenait avec un bébé. Pour une surprise, c’en était une. Bon, peut-être pas tant que ça quand on savait qu’il en voulait un depuis un moment, mais à ce qu’elle sache, il n’était pas parti dans le but d’adopter donc oui, ça pouvait surprendre. Cependant, plutôt que de lui répondre du tac à tac, Sunny marqua une pause avant de lui avouer qu’il n’en avait encore parlé à personne. Pour le coup, c’était Iggy qui était surprise, en dépit de la désinvolture avec laquelle il venait de lui annoncer ça. Sans doute parce qu’elle n’était pas en lien direct avec cet enfant. Elle le côtoierait de la même manière qu’elle côtoyait son ex-mari mais elle ne serait personne pour lui contrairement à tous les autres. Anticipant sa réaction, il lui bourra gentiment l’épaule en lui disant de ne pas en faire tout une histoire. Non, bien sûr…
« Hm, hm. »
Etirant un sourire, son regard se fixa sur le bout ses bottines tandis que cette nouvelle info s’ajoutait aux autres et tournait dans sa tête. Pour l’instant, elle ne savait pas trop ce que ça voulait dire mais elle savait au fond d’elle que ça signifiait quelque chose. Qu’elle finirait peut-être par comprendre un jour. Ou pas. Quoi qu’il en soit, elle releva les yeux vers lui.
« Ça a quand même pas dû être simple de garder ça pour toi. Ça soulage ? »
Quelle question, elle savait bien que oui.