just you and nothing else → sunny

C’est qu’il y croyait à son baratin, le Sunny. Est-ce qu’un mensonge compte comme tel lorsqu’on se ment d’abord à soi-même ? Vous avez deux heures. Non, deux heures, ça allait faire court, étant donné que ça faisait presque quatre ans qu’il pataugeait dans cette histoire. Pour le moment, il avait d’autres chats à fouetter alors mieux valait mettre un verrou sur le tiroir et ranger la clé dans une petite boîte.

La question d’Iggy ne le surprit pas particulièrement, néanmoins il fronça légèrement les sourcils, interpellé.

« Soulagé ? Hmm, je sais pas si je dirais ça comme ça… En fait, je suis pas si pressé de leur dire, pas avant que tout soit fini… Je veux m’occuper de ça tout seul, tu vois ? »

Et bien sûr, cela allait taper en plein dans ses inquiétudes : si les démarches n’aboutissaient finalement pas, alors que sa famille avait été mise au courant, il ne serait pas le seul à être déçu, voire pire. En quelques sortes, garder ça pour lui rendait les choses plus faciles, c’était une pression en moins. Et si quelqu’un taxait cette décision d’égoïste, au moins, c’était de l’égoïsme qui ne faisait de mal à personne d’autre qu’à lui. Car bien sûr qu’au fond, il avait hâte de pouvoir enfin annoncer la nouvelle. Il marqua un temps de réflexion, puis sourit.

« En tous cas, ça me fait vraiment plaisir de pouvoir en parler avec toi. »

Il avait repris la photo de Sandro et jouait avec du bout des doigts dans un geste inconscient, faisant naturellement attention à ne pas l’abîmer. Enfin, il s’accorda quelques secondes pour la contempler encore une fois, puis la remit dans son portefeuille.

« Ok, le mode ‘nouveau papa chieur’ est désactivé, ricana-t-il. Mais, tant qu’on est dans le thème… »

Il marqua une pause. Son visage avait repris un air plus sérieux, sans pour autant se faire grave. Il était temps d’aborder un autre sujet délicat.

« Comment va Charli ? »

Il n’y avait pas de pression dans la formulation de cette question et le ton de Sunny laissait entendre que, si c’était ce qu’Iggy voulait, elle pouvait s’en tenir à la plus simple des réponses et passer à autre chose. Cependant, Sunny espérait qu’ils puissent enfin discuter de cette histoire à tête reposée.

Pourquoi les gens qui n’en avaient pas forcément besoin préféraient toujours tout faire par eux-mêmes ? Voilà qui restait un mystère aux yeux d’Iggy. Sunny avait une famille aimante sur laquelle se reposer si les choses tournaient au vinaigre. Mais non. Au lieu de ça, il préférait ne leur en parler qu’une fois que les choses seraient sûres. Et si elles ne l’étaient finalement pas ? Il n’aurait alors plus qu’à encaisser tout seul dans son coin. Enfin, pas vraiment tout seul parce qu’elle était au courant, au moins. Elle serait là pour le soutenir, si jamais. Enfin, en admettant qu’elle puisse être d’un quelconque secours. Mais pour l’instant, tout roulait et comme dit précédemment, y avait pas de raison que ça change.
« Oui. Et non, mais c’est ta décision et je la respecte, dans tous les cas. »
Si par hasard elle venait à croiser la route de son ex-belle-famille, Sunny pouvait donc compter sur Iggy pour ne rien laisser échapper. D’autant qu’on pouvait carrément dire qu’elle avait un certain talent pour ça. En toute franchise, elle lui rendit ensuite son sourire.
« Moi aussi. »
Sûrement parce qu’elle était dans la confidence, que ça signifiait que, malgré tout, il parvenait toujours à lui faire confiance. Ce qui n’était plus si sûr après sa rencontre avec Charli. Et ça, elle n’aurait pas pu lui en vouloir. Il rangea alors la photo et déclara que le moment nouveau papa chiant était terminé. Elle aurait pu lui dire que ça allait, elle avait survécu mais c’est alors qu’elle remarqua son changement d’expression. De moqueur, il était devenu subitement plus sérieux. Et lui demanda comment allait sa fille. Iggy fouilla sa mémoire pour essayer de se souvenir à quand remontait la dernière fois qu’elles s’étaient croisées ; peut-être le matin-même mais peut-être pas, c’était toujours un peu difficile à dire puisque chacune était occupée de son côté. Au bout d’un moment, elle finit par hausser les épaules.
« Bien je crois. Tu sais, on ne fait que se croiser en coup de vent la plupart du temps. Mais j’ai l’impression qu’elle s’ouvre un peu plus à moi depuis qu’elle est au courant de ton existence et de ce qu’on a vécu ensemble. Comme si ça me rendait plus humaine à ses yeux. »
Pourtant, elle était encore loin de tout savoir. Et comme souvent, Iggy en était venue à la conclusion que moins elle en savait, mieux c’était.

En posant cette question, Sunny avait suffisamment travaillé sur lui-même pour ne s’attendre à rien en particulier pourtant, la réponse le surprit. Les choses allaient certes dans le sens qu’il avait espéré dans le fond, mais il n’aurait jamais pu s’imaginer les mots qui avaient franchi les lèvres d’Iggy. Et même là, il avait du mal à y croire. C’est pourquoi, après un court instant de bug où il resta les yeux ronds et la bouche entrouverte, il lâcha un éloquent :

« Beuh ? »

Il secoua la tête comme pour se remettre les idées en place et se reprit :

« Je veux dire… Tant mieux mais… J’ai du mal à comprendre. »

Évidemment, après avoir appris l’existence de Charli, il avait mis les voiles sans prendre le temps de vraiment discuter en détail de cette histoire avec Iggy. Il n’en connaissait que les très grandes lignes, et même s’il avait eu tout le temps de méditer dessus durant son périple et de développer une nouvelle empathie envers Iggy et son rapport plus que délicat avec la maternité, il n’avait pas assez d’informations pour se faire une idée de ce à quoi sa relation avec sa fille pouvait vraiment ressembler, et encore moins en quoi le fait qu’ils aient été mariés pouvait avoir une incidence dessus. ‘Plus humaine’… Est-ce qu’Iggy semblait inhumaine aux yeux de Charli parce qu’elle avait le sentiment d’avoir été abandonnée ? Cela semblait l’explication la plus plausible, mais Sunny ne se sentait pas de demander la confirmation. Il n’était pas du genre à faire de la psychologie de comptoir, et encore moins à presser les gens. En tous cas, en ce qui le concernait, bien qu’il se soit sur le moment senti trahi que son ex-femme lui ait caché une chose aussi importante concernant sa vie, il ne l’avait jamais considérée comme un monstre. Et ça, il se sentait de le lui laisser savoir.

« À propos, je voulais que tu saches, parce qu’il y a un an j’ai pas été clair là-dessus… Pas du tout, même. Parce que c’était pas clair pour moi non plus, je pense… »

Il se passa une main dans la nuque en prenant une inspiration.

« Je comprends. Je comprends pourquoi tu as préféré laisser la garde de Charli à quelqu’un d’autre, et pourquoi tu as préféré ne pas en parler. Bien sûr je peux pas tout comprendre, exactement, j’oserais jamais prétendre ça, parce que ça t’appartient et… »

Il s’interrompit, riant dans un souffle.

« Ok, je suis pas aussi clair que ce que je voudrais, en fait, hmm… Ce que je veux dire c’est que… Je t’en veux pas. Plus, admit-il en roulant des yeux et pinçant les lèvres de côté dans une petite moue embarrassée. Et aussi… je te demande pardon d’être parti aussi vite. Je regrette pas mon voyage, j’en avais vraiment besoin, mais si c’était à refaire, j’aurais fait les choses juste un peu différemment. »

Il est vrai que d’un point de vue extérieur, ce n’était pas forcément évident de pouvoir s’imaginer comment les choses se passaient entre Charli depuis leur réunion. Et pour vivre la situation de l’intérieur, Iggy irait jusqu’à dire que ça ne se passait si mal que ça. Ou plutôt que ça pourrait être pire. Alors c’est vrai que sa fille continuait de lui balancer des piques et autres remarques cinglantes régulièrement, et celles-ci continuaient de lui glisser dessus telle l’eau sur les plumes d’un canard parce qu’elle n’avait jamais regretté sa décision, toujours aussi persuadée que c’était la meilleure qu’elle aurait pu prendre. Mais elles étaient capables d’avoir une discussion. Et Charli donnait parfois l’impression de se soucier de son bien-être. Ce qui n’était très certainement pas donné à tout le monde dans une situation telle que celle-ci. Nouvel haussement d’épaules.
« J’en suis pas sûre mais je suppose qu’avant ça, elle me voyait comme une personne sans cœur. Toujours seule, incapable d’aimer qui que ce soit. C’est normal, je suppose que je me serais fait la même opinion à sa place. Puis tu débarques, elle s’aperçoit que je ne suis pas aussi insensible que l’image qu’elle s’est faite et ça remet beaucoup de choses en perspective. Elle m’a posé pas mal de questions sur toi, sur nous, quand son couple traversait une mauvaise passe. »
Des questions auxquelles Iggy avait répondu avec autant de sincérité que possible tant qu’elle ne trouvait pas le sujet trop touchy. Ce n’était pas parce qu’elle avait préféré la confier à quelqu’un d’autre en tâchant de se persuader que tout ça n’avait été qu’un mauvais rêve qu’elle n’aimait pas sa fille et si elle pouvait l’aider d’une manière ou d’une autre, alors elle le faisait volontiers. Puis Sunny rebondit là-dessus pour en venir à la discussion qu’ils auraient sans doute dû avoir avant son départ. Mieux vaut tard que jamais, comme on dit. Cillant à peine, elle le laissa aller au bout de son explication. La vérité c’est qu’elle-même n’était même pas sûre de comprendre exactement pourquoi elle ne lui en avait pas parlé. Surtout que ç’avait été le point de départ de leur désaccord. Elle avait préféré se fermer et continuer à faire comme si rien de tout ça n’était jamais arrivé. Ce fut à son tour de pouffer en l’entendant admettre qu’il ne lui en voulait plus. Qu’il ne lui en ait pas voulu du tout aurait été étonnant. Puis elle secoua la tête quand il s’excusa d’être parti aussi précipitamment. Encore une fois, elle ne pouvait pas lui en vouloir et poussa un soupir de lassitude avant de conclure :
« On prend pas toujours les bonnes décisions au bon moment. Je suis bien placée pour le savoir. J’aurais dû te parler de Charli plus tôt mais c’était d’abord plus facile de faire comme si elle n’existait pas et puis après… J’ai sûrement eu peur de te voir partir pour de bon alors j’ai repoussé. Et tu as quand même fini par t’en aller. Comme quoi ça n’a servi à rien. Mais l’essentiel c’est que tu sois là maintenant. »

Les explications d’Iggy sur la perception que Charli avait d’elle avaient du sens mais pour Sunny, cela restait dans le domaine de l’abstrait. Il était parfaitement capable d’entendre que quelqu’un puisse voir son ex-femme d’une façon totalement différente de la sienne, mais de là à réellement le comprendre… Ce portrait d’une femme au cœur de glace qu’elle venait de lui dépeindre était à l’opposé de celle qu’il connaissait. Bien sûr, certains auraient pu arguer qu’Iggy était le genre de personne qui demande qu’on prenne le temps d’apprendre à l’apprécier car elle avait un côté abrasif qui devait en rebuter plus d’un, mais cela n’avait pas été le cas pour lui. C’était une des choses qui pour Sunny faisait son charme, et non seulement il avait développé de l’affection pour elle dès le premier instant de leur rencontre mais en plus, il ne s’était jamais, jamais senti lésé de sa part en retour. Il n’aurait pas été avec elle, ce soir-là, presque quatre ans après leur divorce, si cela avait été le cas. Et s’il avait su plus tôt quel avait été le passif d’Iggy en matière de maternité, peut-être même que… Hum. Allez hop hop hop, au tiroir. On devenait dangereusement trop proche de remuer le couteau dans la plaie, là.

« Heureux d’avoir pu… aidé ? » dit-il en haussant les épaules et écartant les mains avant de rire dans un souffle.

Évidemment, il faisait de l’autodérision. Il n’aurait pas sérieusement considéré le fait de simplement exister comme d’avoir activement aidé dans la relation entre Iggy et Charli. Mais il était sincèrement heureux pour elles d’apprendre que les choses allaient vers le mieux.

Ce que lui expliqua ensuite Iggy sur les raisons de son silence sur l’existence de sa fille, c’était plus ou moins ce à quoi Sunny en était arrivé à force de réfléchir de son côté. Plus ou moins… Il ne s’était pas imaginé que l’une des raisons était la crainte qu’il s’en aille à cause de ça. Ah… Qu’est-ce qu’il avait mis au tiroir juste avant, déjà ? Oh, rien de crucialement pertinent sur ce détail, n’est-ce pas ?

Se donnant pour excuse d’observer distraitement la foule comme on pouvait naturellement le faire dans n’importe quelle conversation, Sunny s’éclaircit la gorge pour tenter de dissiper le sentiment qui venait de lui serrer les tripes. Puis, il s’accrocha un sourire.

« Et tu es là, aussi. »

Il marqua un temps, puis la regarda de nouveau.

« Ce qui est fait est fait… Je pense que, tout considéré, on s’en sort plutôt bien, non ? »

Cette fois, son sourire s’étira sincèrement, non dénue d’une pointe de tendresse ― et peut-être d’une autre, à peine perceptible, de regret.

Finalement, il se claqua les paumes sur les cuisses et reprit un ton plus enjoué :

« Bon, on s’arrache ? »

Le visage d’Iggy s’illumina d’un sourire suite à la réflexion de son ex-mari. Ce n’était pas fait exprès mais il avait effectivement aidé. Et pour le reste, il n’y aurait que le temps qui pourrait y faire quelque chose. A condition qu’elles s’en donnent toutes les deux les moyens, bien sûr. Et ça, personne ne pouvait le prédire. Arrivera ce qui arrivera, elle n’allait pas commencer à se faire du souci à ce propos. Puis Sunny détourna le regard et Iggy se perdit dans la contemplation de ses ongles jusqu’à ce qu’il reprenne la parole. C’est vrai, elle était là aussi et ça non plus, ce n’était pourtant pas gagné. Elle opina et le laissa mettre un point final à ce sujet. Peut-être bien qu’il n’avait pas tort et comme de toute façon, ils ne pouvaient pas revenir en arrière pour réparer leurs erreurs, il n’y avait plus qu’à faire avec et aller de l’avant. Dixit la femme qui parvenait très difficilement à passer à autre chose et se trouvait toutes les excuses pouvant lui tomber sous la main pour ne pas avoir à le faire. Puis elle acquiesça à nouveau et lui sourit en retour mais ne trouva rien à dire. De toute manière, il était temps de se remettre en route. Elle se remit debout et tâcha de retrouver le chemin qu’ils avaient emprunté pour arriver jusqu’ici pour le reprendre en sens inverse. Proche de la sortie, elle repéra un stand de tir et se dit que ça pouvait être pas mal pour terminer la soirée en beauté.
« Un dernier arrêt avant de rentrer ? »
Mais cette fois encore, elle n’attendit pas vraiment d’avoir sa réponse pour continuer sa route. Et se pencher par-dessus le comptoir pour claquer la bise au propriétaire ; encore quelqu’un qu’elle connaissait et qu’elle s’empressa de présenter à Sunny. Suite à quoi, Iggy s’empara d’une des carabines, épaula, visa et tira. Le plomb ne perfora même pas la cible en carton mais elle savait très bien ce qu’elle était en train de faire et poursuivit sur sa lancée tout en frimant un peu, pour la forme :
« Maintenant, admire l’experte. »
Rebelote mais en visant un peu sur le côté. Dans le mille. Fière d’elle, elle sautilla sur place puis elle se tourna vers Sunny et lui tendit la carabine.
« Tu veux essayer ? »

Et voilà, les sujets sensibles avaient été abordés. Tous ceux auxquels Sunny tenait. Quant à ceux qui avaient été révélés sans qu’il l’ait prévu… Bref. À son invitation, ils se levèrent et se mirent en marche ― on pourrait dire qu’ils allaient de l’avant ; ha, ha… Putain de tiroir.

Sunny avançait aux côtés d’Iggy sans réellement faire attention à la direction qu’ils prenaient. Inconsciemment, il devait se dire qu’elle savait où elle allait. Si c’était ce qu’elle pensait aussi, ils étaient dans de beaux draps. Peut-être même qu’ils allaient finir par se retrouver de nouveau chez Madame Irma et que cette fois, elle ne les laisserait plus repartir sans lui avoir payé son dû. Mais non, au lieu de ça, Iggy arrêta Sunny non loin d’un stand de tir. Il scruta ce dernier comme s’il venait de sortir d’un rêve absurde puis, une fois les informations calculées, il constata qu’Iggy n’avait pas attendu sa réponse et se trouvait déjà devant le stand, penchée par-dessus le comptoir pour saluer le propriétaire. Inconsciemment, Sunny se mordit la lèvre inférieure. Il y avait quelque chose dans ce que dégageait Iggy en ces lieux, cette aisance, cette familiarité… Il eut soudain l’image mentale de son ex-femme, debout sur le comptoir du stand, les bras écartés, clamant « I’M THE QUEEN OF THE FAIR ! » ; il lâcha un rire par le nez, secoua la tête, et la rejoignit. Elle lui présenta le propriétaire et Sunny lui rendit sa salutation en lui secouant chaleureusement la main. Pendant ce temps, Iggy avait déjà jeté son dévolu sur une carabine et avait pris position. S’accoudant au comptoir, Sunny la regarda faire, le menton dans la paume. Elle manqua son premier coup mais n’avait pas l’air déçue d’elle-même, au contraire. Intrigué, Sunny attendit la suite, et lorsqu’Iggy mit dans le mille, il ricana en prenant un ton exagérément railleur.

« Un coup de chance, c’est tout ! »

Il se retint tout juste de se mordre de nouveau la lèvre en la voyant faire son petit sautillement de la victoire et croisa les bras, s’éclaircissant la voix avant de répondre à sa proposition :

« Essayer ? Hm, pourquoi pas, ça peut pas être plus compliqué que le tir au pigeon. »

D’argile, évidemment. Petit souvenir de son grand-père qui l’avait initié à ce passe-temps, au grand dam de ses hippies de parents. Cependant, cela avait amusé Sunny juste un temps, et il n’avait pas vraiment remis ses pattes sur une arme à feu depuis la petite adolescence, ça faisait donc environ… Ouais non, il allait pas faire le calcul, au risque de se voir pousser de nouveaux poils blancs dans la moustache.

Il prit le temps de soupeser la carabine à plombs ― étonnamment moins légère que ce à quoi il s’était attendu ― et prit à son tour position, essayant de se remémorer le plus possible des enseignements de son grand-père. Il tira une fois, deux fois, trois fois, mais les plombs allèrent se ficher dans la paroi en liège sur laquelle étaient accrochées les cibles. Le quatrième, quant à lui, disparut dans le néant. Quelque part, un peu plus loin, quelqu’un poussa un couinement aigu. Sunny haussa les sourcils en se gobant la lèvre inférieure.

« Oups… J’espère qu’il a pas atterri chez Madame Irma, celui-là… »

Avec un sourire faussement fanfaron, il rendit la carabine à Iggy.

« Tsk, c’est clairement du matériel défectueux ! »

Coup de chance, tu parles ! C’est surtout qu’Iggy connaissait les combines. Si ça se trouve, elle aurait même pu mettre dans le mile sans coup d’essai, juste de mémoire. Mais elle avait préféré vérifier par précaution. Se gardant de tout commentaire – et le tout accompagné d’un haussement d’épaules de plus mais un rien plus effronté cette fois -, elle lui tendit la carabine, qu’il voit par lui-même. Puis elle prit appui contre le comptoir, adressant un discret sourire de connivence au propriétaire, pour le regarder se mettre en position. Quatre plombs plus tard, aucun n’avait atteint sa cible. A moins que la cible en question n’ait été le derrière de la personne qui couina dans le fond. D’un air un rien moqueur, elle s’exclama :
« Wow, va pas nous plomber le cul d’un passant non plus, ça, ça nous attirerait des ennuis. »
Plus que la voyante de tout à l’heure sans doute. Bien que les deux possibilités soient presque aussi flippantes l’une que l’autre. Sunny lui rendit ensuite la carabine en déclarant qu’il s’agissait d’un matériel défectueux. Alors pas défectueux, juste trafiqué. Et pas vraiment amélioré. La bouche en cul de poule, elle hocha la tête, récupérant l’arme et changeant de place pour se remettre en position de tir. Une fois de plus, le plomb atteignit sa cible en plein cœur. Toujours avec un air un peu fier, elle se tourna vers lui et fanfaronna pour de bon.
« Défectueux, hein ? »
Puis elle tira encore trois coups pour lui prouver que non, ce n’était pas seulement de la chance. Puis elle reposa la carabine sur le comptoir et devança une possible réplique.
« Et je sais ce que tu vas dire, non, c’est pas de la magie non plus. »
Avec un sourire un coin, elle désigna encore la carabine.
« Je te montre ? »
Avant d’apercevoir le propriétaire en train de lui faire les gros yeux. D’accord, elle savait bien qu’aucun forain n’aimait trop voir ses combines révélées au grand public, mais oh ça va, ça ne serait pas une ni même deux peluches qui allaient le ruiner non plus. D’un geste de la main, elle le tranquillisa à ce sujet et il décida de laisser faire. Regarder des forains se parler sans mots, c’était un peu comme de regarder des joueurs de baseball se faire des signaux qu’eux seuls comprenaient au cours d’un match.

En ce qui concernait le plomb perdu, Sunny essayait d’alléger sa conscience en se disant qu’il pouvait y avoir une myriade d’autres explications quant au fait que quelqu’un avait poussé ce couinement : une piqûre d’insecte, une glissade sur une peau de banane, une main aux fesses, allez savoir. Quant à son incapacité à toucher la cible, le fait qu’il y ait des centaines de plombs dans la paroi en liège aurait dû lui mettre la puce à l’oreille. Pourtant, il eut beau observer attentivement Iggy alors qu’elle lui faisait la contre démonstration de son argument du matériel défectueux, il ne comprenait toujours pas l’astuce. Plissant les yeux, il la dévisagea, le nez levé d’un air théâtralement soupçonneux. Pas de la magie, hein ?

« N’empêche que tu m’ôteras pas de l’idée que t’es une sorcière. T’essayes juste de brouiller les pistes, avoue, » la railla-t-il, non sans lui adresser un clin d’œil complice.

Une nouvelle explication des plus plausibles s’il en est… venant de Sunny, en vérité, elle pouvait réellement l’être. Il avait vu son lot de phénomènes intrigants qui auraient surexcité plus d’un sceptique désespéré de s’accrocher aux explications rationnelles jusqu’à en perdre la tête. Alors, avec toutes les légendes que l’on pouvait susurrer sur les forains, la sorcellerie n’était pour lui pas la première piste à exclure, d’autant que l’échange silencieux qui venait d’avoir lieu entre Iggy et le tenancier du stand semblait des plus mystérieux. Ainsi, il ne put cacher un air intrigué lorsqu’elle lui proposa de lui montrer de quoi tout cela retournait. Il hésita un instant, jetant un coup d’œil incertain au forain qui bourrait un brin la gueule dans son coin, puis il récupéra la carabine en mentionnant à sa décharge :

« Hé, de toute façon, j’ai jamais été très doués avec ces trucs, alors même en connaissant l’astuce, c’est pas dit que j’y excelle tout de suite. »

Cependant, il se prit à déjà lorgner sur l’un des gros lots exposés : une grande peluche de fourmilier géant accrochée au plafond. D’un regard entendu, il la désigna à Iggy d’un coup de menton, lui faisant savoir que c’était sur ce prix qu’il avait jeté son dévolu et qu’il comptait sur son aide pour le gagner.

Deuxième fois de la soirée qu’il lui faisait part de son ressenti concernant le fait qu’elle devait être une sorcière. S’il continuait comme ça, elle allait finir par se vexer. Pas du tout en fait, ça lui plaisait bien de s’imaginer avec autant de pouvoir. Pas de commentaire, non, mais Iggy posa son index contre ses lèvres pour lui faire comprendre qu’il fallait garder le secret et se mit à bouger les mains comme si elle s’apprêtait à lancer un sort, mimant ainsi la gestuelle de la voyante un peu plus tôt. Avant de laisser les bras retomber le long du corps et de lui servir un sourire tout innocent en guise de réponse. Mais surtout avant de lui proposer de lui montrer que non, tout ça n’avait vraiment rien de magique. Proposition qu’il finit par accepter après un regard au forain et tout en précisant qu’il n’avait jamais été très doué pour ça de toute façon, donc il ne faudrait pas lui en vouloir s’il ne réussissait pas du premier coup, même avec l’explication. Elle acquiesça et se posta à son côté tandis qu’il lui désignait un des plus gros prix mis en évidence du stand. Du gâteau. Surtout que, s’ils s’attardaient trop, ça lui ruinerait un tout petit peu son business de la soirée, au proprio, alors il y avait de fortes chances pour qu’il finisse par leur donner tout ce qu’ils voudraient en échange de la promesse de ne pas revenir trop souvent. Sauf pour dire bonjour. Iggy était en train de replacer une mèche de cheveux derrière son oreille, preuve qu’elle ne prenait pas les choses à la rigolade, quand tout un groupe débarqua en rigolant. Le forain les accueillit et leur fit signe à tous les deux de se pousser un peu pour que ses clients n’entendent rien de ce qu’elle pourrait dire et c’est ce qu’elle fit. Avant de prendre d’autres précautions en se collant un peu au dos de Sunny, posant son menton sur son épaule histoire d’avoir à peu près le même angle que lui puis elle tourna la tête pour venir lui chuchoter à l’oreille.
« Vise en décalant de deux centimètres et demi sur la gauche. »
Aussi simple que ça. Suite à quoi elle se décolla et lui laissa assez d’espace pour qu’il puisse agir à sa guise. Déjà qu’ils étaient un peu serrés à cause de tout ce petit monde, ça serait dommage qu’il manque sa cible à cause d’un manque de liberté de mouvement.

Le forain avait l’air résolu, mais pas tout à fait rassurer. Aussi, lorsqu’un groupe se pointa au stand, il leur fit signe de s’éloigner. Sunny se laissa donc entraîner par Iggy, pas qu’il eut besoin de beaucoup d’encouragement car il préférait ne pas risquer de définitivement se prendre une malédiction sur la tête. Il avait déjà foutu une baffe à un acteur de la maison hantée et fait tourner Madame Irma en bourrique, il ne voulait pas en plus s’attirer les foudres d’un type qui tenait un stand de tir, ça allait peut-être suffire pour ce soir-là.

Sunny prit position derrière le comptoir lorsqu’il sentit Iggy se glisser dans son dos et poser son menton sur son épaule. S’éclaircissant la voix, il leva son arme en chassant rapidement ― au tiroir, évidemment ― la comparaison douteuse qui était aussitôt venu le chatouiller. Il se concentra plutôt sur les directives que lui souffla sa complice avant de se décoller de son dos, et ce fut alors qu’il comprit l’astuce. D’ailleurs, maintenant qu’elle le disait, c’était si évident qu’il se sentit un peu con, et le fait qu’il n’ait jamais été doué pour évaluer les distances n’allait pas l’aider à se sentir plus intelligent.

« Hmhm… Et ça fait combien de terrain de foot à peu près, deux centimètres et demi ? »

Petite pique au passage envers les personnes qui essayaient de lui faire évaluer les distances en utilisant cette comparaison. Quand on a pas le compas dans l’œil, ça ne sert strictement à rien de mettre en relation une distance à une autre puisque, de toute façon, il est tout juste impossible de se faire une idée de l’une ou de l’autre. Cependant, ce n’était pas quelques petits centimètres qui allaient lui poser une telle difficulté. Se concentrant, les lèvres entrouvertes et le bout de la langue inconsciemment retroussé contre sa canine supérieure droite, Sunny décala sa visée légèrement sur la gauche. Maintenant qu’il connaissait le truc, il pouvait toujours faire un essai et ajuster son prochain tir, en espérant qu’il lui reste assez de plombs pour atteindre son objectif ― et dans le pire des cas, quelque chose lui disait qu’Iggy allait bien être capable de faire apparaître du rab dans la petite boîte de métal. Il tira et plissa aussitôt les yeux pour voir le résultat : le côté gauche de la cible portait bel et bien la marque du plomb, il n’était donc plus très loin du compte.

« J’avais dit que j’allais pas exceller, » ricana-t-il.

Le rire qui échappa à Iggy en entendant parler de terrains de foot était tout ce qu’il y a d’authentique. Parce que jamais, ô grand jamais, elle n’avait mis les pieds dans un de ces endroits. Alors bien sûr, elle pouvait dire que c’était grand. Mais grand comment, ça, c’était une autre histoire. Par contre, quand on parlait de deux centimètres et demi, là, pas de souci. Et comme à elle, ça ne lui posait pas de problèmes, elle avait tendance à oublier que c’était différent pour Sunny. Dans tous les cas, il était clair que cette question n’appelait aucune réponse et elle le laissa se faire sa propre idée. Ses yeux passant tour à tour de la cible à son ex-mari dont les traits laissaient deviner une concentration extrême, elle aurait pu aller jusqu’à en retenir son souffle. Si elle n’avait pas su que, qu’il la rate ou non, ça ne les empêcherait pas de gagner de toute manière. Il finit par tirer et cette fois, toucha ce qu’il était censé toucher. Iggy s’en réjouit pour deux tandis que Sunny lui rappelait avoir prévenu qu’il risquait de ne pas exceller. Ce qui lui déclencha un haussement d’épaules désinvolte.
« Fallait bien que tu te fasses la main. »
Elle s’approcha à nouveau et baissa d’un ton.
« Et puis maintenant tu te feras plus avoir comme tout le monde. »
C’est vrai, si plus tard l’envie lui prenait de décrocher tous les lots pour Sandro, il pourrait. Enfin, disons qu’il aurait toutes les cartes en main pour ça et si ça foirait malgré tout, eh bien, elle comme personne n’y pourrait rien.
« Réessaye, je suis sûre que tu peux y arriver. »
Parce qu’un peu d’encouragement, ça n’avait jamais fait de mal à personne. Et qu’il ne s’inquiète surtout pas en ce qui concernait les plombs. Avec cet amas de jeunes autour d’eux, ça serait encore moins compliqué pour elle de leur piquer quelques plombs pour les faire tomber dans la bonne boîte. Et tout le monde n’y verrait que du feu, comme toujours. Leurs regards avec celui du forain se croisèrent l’espace d’un instant et le sien avait clairement l’air de se demander ce qu’ils faisaient encore là. Un sourire indulgent étira les lèvres d’Iggy et il retourna à ses occupations. C’est là qu’elle remarqua qu’il avait déjà décroché la peluche pour la leur donner quand il jugerait le moment opportun, sans doute.

C’est sûr que pour un premier essai à se « faire la main » en connaissance de l’astuce, Sunny aurait pu faire pire. En vérité, le simple fait d’avoir réussi à toucher le carton suffisait à le satisfaire, et il aurait aussi bien pu repasser la carabine à Iggy, mais elle l’encouragea à réessayer. Bon joueur, il reprit donc position, mais ce fut alors qu’elle en profita pour de nouveau se pencher à l’oreille et lui glisser quelques mots. Sunny arqua un sourcil et pinça légèrement les lèvres de côté dans une moue faussement vexée.

« Et depuis quand je suis ‘tout le monde’, hm ? »

Ricanant, il lui fit un clin d’œil puis, l’air de rien, se remit à viser. Il prit son temps pour prendre en compte la compensation, se concentrant de nouveau en prenant cette mimique de se toucher la canine avec le bout de sa langue ― heureusement qu’il n’avait pas une arme plus puissante entre les mains sinon, avec le recul, ç’aurait été un coup à se la sectionner. Enfin, il tira et cette fois, il parvint à mettre un plomb à l’intérieur de la cible. Il se redressa d’un bon en poussant un petit « hou ! » de victoire et jeta un regard ravi à Iggy. Bien sûr, ça n’allait pas suffire pour gagner le gros lot, mais c’était un début, et il lui restait encore quelques plombs. Il se remit alors à la tâche et parvint à en mettre la majorité dans la cible. Lorsqu’il fut à cours de munition, il constata d’un air déçu qu’il ne leur manquait plus qu’un seul point pour gagner le fourmilier en peluche.

« Dammit ! » lâcha-t-il à mi-voix.

Il jeta un regard en coin au forain qui était occupé avec l’autre. Tant mieux, s’il n’avait pas remarqué qu’Iggy et Sunny étaient arrivés en fin de partie, ils avaient peut-être encore une chance de frauder en douce. Après tout, le stand entier était basé sur la fraude, alors ce n’était qu’un retour à l’envoyeur pas bien méchant, non ? Sunny mit un coup de coude à Iggy et lui désigna discrètement le réceptacle en métal vide avant de lui adresser un regard entendu, lui laissant savoir qu’il comptait sur elle pour trouver un moyen de marquer ce dernier point.

Okay, ce n’était pas ce qu’elle avait voulu dire et Sunny n’avait jamais été tout le monde pour Iggy et il le savait très bien. Même que c’était très exactement pour ça qu’il en jouait. Ce à quoi elle répondit par un soupir faussement ennuyé en plissant les yeux. Puis il se concentra à nouveau sur la cible et parvint à l’atteindre. Peut-être pas en son centre mais hé, c’était bien la preuve que c’était en forgeant qu’on devenait forgeron. Elle lui rendit un sourire ravi. Maintenant y avait plus qu’à faire pareil avec les autres plombs. Ce qu’il fit. Le hic, c’est qu’il était à présent à court. Et qu’il ne manquait qu’un seul. Ça tombait bien puisqu’entre-temps, Iggy s’était amusée à passer d’un côté à l’autre – à lui tourner autour en d’autres termes -, à faire ami-ami avec les jeunes d’à côté et ainsi de suite, bref, du Iggy tout craché et, quand ils ne regardaient pas, avaient récupéré un peu de leurs plombs. Si le forain se penchait sur la boîte, il se rendrait vite compte qu’il y avait bien plus de plombs maintenant qu’elle avait fait tomber ceux qu’elle venait de récupérer dedans que quand ils avaient commencé mais oh, elle était sûre qu’il ne dirait rien. Mieux, il irait probablement vanter ses exploits aux autres Rayne la prochaine fois qu’il les verrait. Bref, d’un geste expert, elle rechargea la carabine et, pour éviter que ça ne s’éternise, arma et tira. Le centre à nouveau. Décidément, il faudrait peut-être songer à faire quelque chose de ce don. Mais elle aurait tout le temps de voir ça plus tard. Suite à quoi elle posa définitivement l’arme et se tourna vers Sunny pour lui taper dans la main. Voyant ça, le forain rappliqua avec leur prix et le leur remit. Iggy laissa son ex-mari le récupérer, les jeunes autour poussèrent quelques exclamations – pas forcément toutes ravies ni admiratives, d’ailleurs – mais peu importe, ils n’allaient plus s’attarder maintenant. Pour le plus grand bonheur du forain. Avec qui elle échangea encore quelques mots et c’est sur un « tu remettras le bonjour à tes parents » qu’ils purent prendre congé. C’est alors qu’elle regarda l’énorme peluche dans les bras de Sunny. Un truc qui allait forcément prendre la poussière dans un coin et s’exclama :
« On sera pas venus pour rien. »
Puis elle songea au retour. C’est qu’il y avait une sacrée trotte jusqu’à South Bay. Encore plus jusqu’au ranch avec ce truc encombrant.
« Je te ramène ou bien tu préfères rentrer à pied ? »

Trop concentré sur sa tâche, Sunny n’avait évidemment pas remarqué le manège d’Iggy pendant qu’il tirait. Alors, quand il lui fit signe qu’il n’y avait plus de plombs et qu’elle en fit ‘magiquement’ apparaître un dans le récipient à munitions, il arqua un sourcil exagérément soupçonneux.

« Tu sais ce que je vais dire… sorcière. »

Cependant, il lui adressa un nouveau clin d’œil, lui signifiant sa reconnaissance. Puis, il lui confia la carabine ; il était temps de mettre un plomb final à cette histoire. Ce dont Iggy se chargea sans prendre le temps de ciller. Bingo, le fourmilier était à eux. Ou plutôt, à Sunny, ou plutôt…

« Merci, glissa-t-il à Iggy alors que, une fois son collègue salué, il s’éloignaient du stand, prenant cette fois bel et bien la direction de la sortie de la fête foraine. Quand je le lui donnerai, je dirai à Sandro que c’est de la part de… »

Fronçant les sourcils avec une moue de réflexion, il marqua une pause.

« Tiens, comment on devra t’appeler ? Tatie Iggs ? »

Il ricana et darda le bout de sa langue entre ses dents, la narguant d’un air éhonté. Il connaissait suffisamment Iggy pour savoir qu’elle n’était pas du genre à apprécier un tel surnom. Et elle le connaissait assez pour savoir qu’il le savait, et qu’il en jouait pour la charrier… En tous cas, il l’espérait, sinon c’était un coup à risquer l’un de ses appendices ― au moins.

Naturellement, ils avaient retrouvé le chemin par lequel ils étaient arrivés, mais ils n’avaient pas beaucoup avancé quand Iggy s’enquit de la façon dont Sunny comptait rentrer chez lui. Ah oui, c’est vrai qu’il n’y avait pas particulièrement pensé… Peut-être parce qu’au fond, il n’avait pas totalement pris conscience que la soirée arrivait à sa fin. Par une simple distraction de l’esprit, à n’en pas douter, évidemment. Et non pas parce qu’il aurait préféré que la soirée se prenne à l’idée de tromper le temps pour s’éterniser, bien sûr que non. De toute façon, des soirées, il y en aurait d’autre, et même des journées.

« Je dirais pas non à ce que tu me ramènes, merci. »

Il sourit d’un air reconnaissant, avant de lever le nez et d’ajouter, comme s’il se sentait obligé de se justifier :

« Vu le temps bizarre qu’il fait, il pourrait se remettre à pleuvoir, et ce serait dommage d’abîmer Monsieur Peluche ici présent. »

Il la regarda avec une petite moue et ricana.

« Me juge pas, le nom est pas définitif, je fais des essais. »