Confidences pour confidences | with Andy.

Devant la conversation, toujours aussi incompréhensible, qui se poursuivait entre la musicienne et son tuteur, Andy décida d’occuper son temps en prenant les devants. Il savait pertinemment qu’il y aurait droit à un moment ou un autre, autant crever l’abcès dès maintenant. Pianotant sur le pavé tactile du téléphone un rapide message destiné à sa génitrice, il devait peser chaque mot pour éviter une guerre ouverte. Autant se contenter d’une petite explication rapide, si possible.


Soupirant doucement en tenant son smartphone dans les mains, le garçon se repassait rapidement la scène dans sa tête. Malgré l’explication qu’ils avaient eu, il ne comprenait toujours pas pourquoi il avait agit ainsi en apprenant qu’il y avait une histoire pareille derrière l’arrivée de la mélomane. Il devait s’y attendre, leur relation n’était clairement pas basée sur le dialogue et l’échange, mais plus sur les taquineries et les pulsions. Plus que des amis, moins que des amoureux. Toujours cette conclusion qui sonnait de plus en plus… fausse ?

Il ne put réprimer un sourire en coin en imaginant ce que la presse à scandale française devait avoir titré pour illustrer ces photos volées du petit couple. Amoureux ? Moyen d’oublier son passé ? Voulant rire un peu, il déverrouilla le téléphone avant de taper « Leena Andrews » dans le moteur de recherche. Il devait y avoir de nombreuses choses à voir la concernant. Evidemment, les photos d’eux deux s’embrassant sortaient en tête, preuve que la nouvelle s’était déjà bien répandue là-bas. Cherchant d’autres liens, il tomba sur un clip où la jeune fille n’était pas créditée comme chanteuse.

Observant rapidement la mise en scène accompagnant la chanson, il la vit au bras d’un jeune homme, rigolant, batifolant et l’embrassant. Sûrement une chanson d’amour où elle incarnait le rôle de la fille à qui les mots étaient destinés. En ayant assez vu, ressentant une pointe de jalousie au baiser langoureux – même joué – qu’elle donnait au garçon, il voulu couper la vidéo juste au moment où elle arriva. Verrouillant l’appareil, il tourna la tête vers elle et la vit sourire. Peut-être que l’échange ne s’était pas si mal passé que ça.

- Bon... il n'était pas trop fâché... plus moqueur qu'autre chose. Sacré Oscar.

Le sourire qu’elle arborait s’étira, devenant celui qui précédait toujours une pique destinée à le taquiner.

- Il pense venir bientôt en vacances. Garde une Lion Red, il aimerait te rencontrer.

Pouffant doucement, pris de court par ce trait d’esprit – en était-ce ? – il passa son bras autour de l’épaule de la Parisienne, la collant contre lui. Ce simple geste, qu’ils ne faisaient jamais, lui plaisait de plus en plus. Le contact de sa main contre son épaule, de son corps contre lui. C’était peu, mais tellement agréable. Bien qu’il ne l’avouerait jamais.

- Il se contentera d’une omelette ? Ou faut que j’lui achete ces saloperies baveuses à coquille ?

La vibration du portable le ramena au message qu’il avait envoyé. Elle avait mit du temps à répondre, étant probablement en cours. Il s’en doutait, et avait espéré qu’elle ne chercherait pas à le joindre jusqu’à ce qu’elle quitte l’établissement universitaire. C’était trop utopique, apparemment.

Déverrouillant de nouveau l’appareil, l’écran afficha la dernière chose qu’il avait regardée : le fameux clip. Il se doutait qu’elle l’avait vu, mais quitta immédiatement YouTube et parti voir ses messages reçus. Comme prévu, c’était cocasse. Tellement cocasse.


Son patronyme complet. C’était définitif, elle n’avait pas apprécié ce qu’elle avait vu. Ou plutôt, et il en était sûr, la manière dont elle l’avait appris.

Soupirant doucement, il leva les yeux au Ciel avant de sourire.

- Pourquoi j’ai proposé cette sortie moi, déjà ?

- Un souci ? Plus gros que moi te demandant pourquoi tu cherches mon nom dans Youtube pendant que je suis au téléphone ?

C’était évident qu’elle l’avait vu, et elle n’allait pas s’en priver de le lui faire remarquer. Après tout, il ne lui serait jamais venu à l’esprit d’entrer sur Google le nom de son amante avant aujourd’hui. Avant qu’il n’apprenne qui elle était vraiment, et que ce scandale ne fasse ressurgir son nom à la face de la France. Et il avait été pris sur le fait, recherchant plus que les articles et les clichés le concernant également, voguant de lien en lien jusqu’à arriver à cette vidéo d’elle.

Il n’avait pas l’intention de mentir ou de s’en cacher, il était même décidé à lui en parler sitôt qu’elle aurait fini sa conversation avec Oscar. Sans aller jusqu’à lui coller la vidéo sous le nez en lui demandant qui était cette personne – réaction d’amoureux cocufié par excellence – il voulait savoir à quel place était la comédie dans ce genre de tournage. Mais se faire prendre la main dans le sac sur une vidéo d’elle embrassant sans retenue un homme qui l’enlaçait. Le tableau était difficile à défendre.

Un petit sourire mutin étira ses lèvres tandis qu’elle poursuivit, embrayant sans le savoir sur un sujet plus sérieux.

- Belle-maman est fâchée ?

Secouant le téléphone entre ses doigts, Andy releva les yeux vers la télévision où la chaine sportive continuait de diffuser en boucle des matchs de divers sports déjà passés. Un match de foot entre le Brésil et le Pérou se déroulait sous ses yeux, tandis qu’il choisissait à quelle question répondre en premier. Se dédouaner, ou tenter de le faire, fut la première décision du sportif.

- Je me documente, rien de plus.

Souriant en coin tout en reportant son attention sur la chanteuse, il reprit.

- J’te savais pas si fleur bleue, d’ailleurs. Quand tu m’arraches mon pull, t’y mets beaucoup moins de douceur.

Levant de nouveau les yeux au plafond, il réfléchissait à comment répondre à la seconde question. C’était clair : il n’avait aucune idée de ce qu’elle lui dirait, mais il savait qu’il y aurait des reproches variés. Sur la vie qu’il menait, sur ce qu’il avait laissé derrière lui, sur le fait de faire la une non pas par un acte enviable mais pour un baiser en plein centre commercial. Bien loin de tout ce que l’Anglaise avait toujours souhaité pour son enfant, qu’elle aurait tant voulu derrière un bureau de la prestigieuse université d’Oxford.

- Quant à ma mère.

Il rigola doucement, le regard toujours fixé sur le plafond du luxueux appartement qu’occupait la musicienne, le trouvant d’un coup très intéressant.

- Je ne sais pas ce qu’elle va me dire. Me faire la morale ? Me déshériter ? Me ramener en Angleterre par la peau du cul ? Venir pour nous forcer à nous marier ? Tout est possible avec elle.

Il avait de nouveau plongé ses yeux en souriant ironiquement tandis qu’il finissait sa phrase. La dernière solution était tellement peu probable qu’elle en devenait presque souhaitable.

Secouant son téléphone dans ses mains, Andy regarda la télévision : fuyait-il le regard de sa compagne ? La française allait lui dire de ne pas fuir quand il répondit :

- Je me documente, rien de plus.

Il lui adressa un sourire en coin pendant qu'elle levait un sourcil, peu convaincue de l'excuse.

- J’te savais pas si fleur bleue, d’ailleurs. Quand tu m’arraches mon pull, t’y mets beaucoup moins de douceur.
- Je jouais la comédie. Toi, je te veux vraiment.

Mais sa réponse tomba dans l'oubli vu que l'anglais semblait réfléchir, les yeux levés au plafond... pourquoi ?
Leena avait-elle vu juste ?

- Quant à ma mère.

Bingo... elle avait vu juste ! C'était réellement un message de sa mère ! Comment avait-elle réagi en voyant son fils dans les magazines people pour une choses aussi ridicule qu'un baiser au milieu d'un centre commercial ? Sachant que, lui non plus, n'avait pas du lui parler d'elle...

Les yeux toujours fixés sur le plafond, Andy rigola doucement :

- Je ne sais pas ce qu’elle va me dire. Me faire la morale ? Me déshériter ? Me ramener en Angleterre par la peau du cul ? Venir pour nous forcer à nous marier ? Tout est possible avec elle.
- Leena Rodwell... Ca rend comment ? Au moins, pour l'anonymat, changer de nom est parfait !

Spontanément, la française avait plaisanté sur le dernier point tellement exagéré, un sourire aux lèvres mais, rapidement, le sourire retomba et elle soupira.
Leena savait bien qu'en Angleterre, son nom devait être murmuré parfois mais loin d'être célèbre. De ce fait, la famille du sportif chercherait certainement pourquoi il faisait la une avec cette femme à son bras... et, malheureusement, les articles les plus célèbres pour parler de la française n'étaient pas sur ses prouesses...
De quoi refroidir une belle-famille...

Les yeux baissés vers le sol, la parisienne pinça les lèvres dans une moue désolée.

- Elle ne doit pas avoir une belle image de moi... C'est pour ça que tu as recherché mon nom ? Savoir ce qu'elle verrait en premier ?

- Leena Rodwell... Ca rend comment ? Au moins, pour l'anonymat, changer de nom est parfait !

Andy ne put réprimer un rire à la réaction de la jeune fille, ayant volontairement ironisé sur le dernier point abordé. Mieux valait en rire, il aurait tout le temps d’en parler sérieusement avec la personne concernée quand elle serait rentrée de sa journée de travail. Dire qu’elle aurait mieux à faire que d’imposer à son fils un interrogatoire futile. Car, quoi qu’elle dise, il était évident que malgré l’immense amour et le grand respect qu’il avait pour elle, elle aurait bien du mal à lui convaincre que c’était « du temps perdu », « stupide » ou « à cesser d’urgence ».

Soupira bien vite, attirant ainsi l’attention du jeune homme, la mélomane effaça le petit sourire qu’elle affichait la plupart du temps. Cette situation semblait la travailler de plus en plus, s’inquiétant tantôt pour elle, et donnant l’impression après de penser aux conséquences que cela pourrait avoir sur la vie de son amant. Sauf que l’ancien rugbyman, lui, n’en avait cure de ce qu’il pourrait arriver. Que pouvaient faire une bande de gratte-papiers dans un pays n’étant pas le leur ? Evidemment qu’ils pouvaient grandement nuire malgré tout, mais il préférait ne pas y penser, estimant qu’il suffirait d’éviter Wellington pendant quelques temps.

La capitale n’avait de plus qu’Island Bay qu’un changement de décor à offrir, leur petite ville leur apportant tout ce qu’il fallait : emploi, magasins, divertissements, plage. Le paradis, en somme.

Reportant son regard sur la télé, au moment où un joueur brésilien marquait d’un superbe coup franc en pleine lucarne, arrachant un sifflement admiratif de l’amateur de sport, ce dernier voulu dire à la française qu’il pouvait en faire de même. Mais il la trouva les yeux rivés sur le sol et une petite moue déplaisante sur le visage, pinçant doucement ses lèvres. On pouvait dire qu’elle prenait les choses trop à cœur, mais elle s’était frottée à ce système et savait ce qu’il pouvait provoquer et comment il fonctionnait.

- Elle ne doit pas avoir une belle image de moi... C'est pour ça que tu as recherché mon nom ? Savoir ce qu'elle verrait en premier ?

Sans le vouloir, elle venait de lui offrir une issue favorable comme justification au fait qu’il cherchait des liens en rapport avec elle sur Internet. Mais c’était aussi stupide car cela ne ferait que conforter l’idée que les parents d’Andy craignaient la réputation de la jeune fille. Il était clair qu’Elizabeth mettrait du temps à accepter que son enfant fréquente une personne ayant un passé aussi étalé dans la presse. Mais devait-elle occulter pour autant que le fruit de ses entrailles avait tout perdu pour avoir bu plus que de raison, étant ainsi incapable d’empêcher une tragédie annoncée ? Quant à Clinton, il était évident que pour lui, les amourettes de son fils – c’était sûrement comme ça qu’il voyait la chose – ne le regardaient pas.

- Franchement ? Même pas. J’ai juste voulu assouvir ma curiosité, rien de plus.

Souriant généreusement, ayant assumé pourquoi il avait utilisé son téléphone, il serra un peu plus contre lui la jeune fille, sentant sa crispation évidente suite à cette situation.

- On s’en fiche de ce qu’il pense. Le jour où tu partagera ton lit avec ma mère, t’y pensera. Mais par pitié, pas de mon vivant.

S’étirant quelque peu en rigolant bêtement à la blague stupide qu’il venait de faire, il rangea son téléphone dans sa poche avant de mettre une petite pichenette sur le front de la jeune fille.

- Par contre, j’ai pas été rémunéré pour mes droits d’image. Vu que c’est de ta faute, tu va devoir…

Il approcha doucement son visage de celui de la jeune fille, comme à chaque fois que leurs corps étaient attirés inexorablement. Approchant ses lèvres à quelques centimètres de la bouche qu’il adorait, il l’évita finalement pour lui murmurer à l’oreille, un grand sourire aux lèvres.

- … me faire un bon repas.

La jeune fille ne put réprimer un petit rire devant la réplique à laquelle elle avait spontanément répondu, surprise de ce qu’il venait de lui demander. En soi, il était évident que tout ceci n’avait que pour but de la sortir de ces interrogations qui lui torturaient l’esprit plus qu’il ne le fallait. Mais, bien que la probabilité que la française réponde par l’affirmative soit basse, il n’y avait aucun mal à tenter. Elle se décala quelque peu pour mettre son visage face à celui du garçon avant de le fixer, lui offrant une vue prenante sur ces yeux qu’il aimait tant.

- Tu me connais donc si mal ? Je suis une gosse de riche qui n'a jamais vécue seule avant... Je ne sais rien faire et commande quasiment tous les jours. Ma cuisine est totalement inmangeable.

Comme prévu, un coup d’épée dans l’eau, mais l’attitude taquine et amusée de la jeune fille lui suffisait amplement. Voir ces yeux plus rieurs que tristes était suffisant pour vouloir la protéger de ce qui pouvait la toucher de la sorte, comme cette stupide affaire de photos et d’articles. Observant toujours ce regard brun, il sourit, amusé, quand elle vint déposer un baiser sur le bout de son nez avant de lui tirer la langue, comme les enfants qu’ils aimaient être si souvent. Loin des obligations professionnelles et des codes de la société. Ces mêmes codes ayant éprouvés la parisienne.

- Si ta mère nous marie, il va falloir que tu sois un homme au foyer, mon chéri.

En entendant le petit rire qui s’échappait des lèvres de Leena, Andy savait qu’elle était partie dans des visualisations stupides de ce qu’elle venait de dire. L’imaginait-elle faire le ménage ou l’attendre devant un repas préparé avec amour ? Elle tomberait de haut, la réalité étant toute autre. Enfin, pas tellement. Débrouillard, le néo-zélandais avait appris à être totalement indépendant, entretenant son appartement et cuisinant seul avec pas mal de talent, apprenant chaque fois de nouvelles recettes qu’il trouvait sur le net. Mais il savait que s’il lui faisait part de ses qualités culinaires, il y avait fort à parier qu’elle l’obligerait à passer derrière les fourneaux.

L’avantage qu’il avait pour briser cette image était que sa chambre était le seul endroit où la flemme était plus forte que lui, la laissant souvent dans un état peu montrable en public. Mais, étant donné que la seule personne y ayant accès à part lui était la jeune fille qui y dormait, il était peu important de savoir qu’elle contrastant avec la propreté apparente du logement qu’il occupait. Il faisait surtout ça pour parer à toute visite surprise de ses parents, afin de leur couper toute possibilité de remarques sur son incapacité à vivre seul loin de tout. Accepteraient-ils un jour qu’il avait désormais vingt-huit ans ?

- C’est toi la femme, jusqu’à preuve du contraire. Tu n’a qu’à apprendre.

Un grand sourire sur les lèvres, il attrapa la jeune fille par la taille et l’allongea doucement sur le canapé, venant se placer sur elle. Fixant son regard dans celui qui l’observait, mi-amusé, mi-interrogateur, il reprit.

- Le jour où tu saura me plaquer comme une pro du rugby, je ferais la cuisine pour toi ma belle.

Les mains appuyées sur l’accoudoir contre lequel reposait la tête de la française, il enchaîna.

- Alors tu nous commandes quoi de bon ?

- Hm... Laisse-moi réfléchir...

Le sourire qu’affichait la musicienne trahissait une idée qu’elle avait derrière la tête, les deux amants ne cherchant nullement à bénéficier d’un effet de surprise quand ils envisageaient de s’amuser un peu aux dépends de l’autre. Se redressant de l’accoudoir contre lequel elle reposait, Leena collant ses lèvres contre celle du sportif sans pour autant chercher à l’embrasser, s’exprimant dans cette position équivoque.

- Tu as de la chance que j'ai très très faim... Sinon...

Elle l’embrassa finalement, avec une douceur et une tendresse qui auraient rendus fou le néo-zélandais si elle avait maintenu leurs bouches liées plus que le – trop – court temps qu’avait duré cet instant.

- J'aurais re-commandé un peu d'anglais... Je n'en ai jamais assez...

Elle se laissa retomber sur le canapé, ayant agrandit encore plus le sourire mutin qu’elle lui avait fait, fière de lui avoir offert ce moment et de le lui avoir repris aussitôt. Il secoua doucement la tête avant de sourire à son tour, à moitié amusé, à moitié frustré par ce trop court baiser. Jouer avec l’envie de l’autre était un jeu du chat et de la souris auquel ils se livraient souvent, finissant souvent par céder à l’autre. Amusée, elle poursuivit.

- Mais, pour le coup, je mangerais bien chinois, ça te va ?

Elle ne quittait pas des yeux l’homme qui l’observait toujours, souriant tous les deux. Il s’en faudrait de peu pour que la situation ne finisse comme souvent, leurs corps liés dans un de ces instants qu’ils avaient silencieusement acceptés dès le tout premier soir. Mais la situation différait quelque peu, ayant déjà goutés à l’autre deux fois depuis leur retour de Wellington, et l’esprit malgré tout occupé par ces publications stupides faisant la une de la presse francophone.

Il se redressa, entraînant avec lui Leena afin de se réinstaller, confortablement assis, dans leur position initiale. Avant de répondre.

- Tant que tu ne parles pas de ce Chinois qui vient tous les jours et qui exige d’être servi par toi.

Il était habitué aux clients qui demandaient d’être servis ou qui dévisageaient la belle serveuse, cette dernière ayant vite obtenu un petit succès. S’ils savaient qu’une star française leur apportait leur commande, la réputation du café décollerait aussi que celle de la pauvre chanteuse chuterait, l’affaire explosant immanquablement en France.

- Va pour ça. Mais tu va payer, commande-moi une double dose, tiens.

S’étirant une nouvelle fois avant de joindre ses mains derrière sa nuque.

- Entre ton matériel et tes envies, tu m’a épuisé aujourd’hui.

Il avait particulièrement appuyé sur le fait que les dites envies étaient celles de la jeune fille, tout en sachant pertinemment que lui-même était devenu dépendant d’elle, corps et âme. Mais tout remettre sur le dos de l’autre était toujours drôle à dire.

- Mes envies ? Ben, voyons... C'est vrai que tu n'es totalement pas conscentant et que j'abuse de toi. Pauvre petit chou...

Comme attendu, la jeune fille ne manqua pas l’occasion de rebondir sur ce que venait de dire le garçon, réfutant l’idée que ses pulsions soient les seules à l’origine de leurs ébats. Et c’était bien la vérité car ce premier soir, les premiers gestes, les premiers mouvements, le premier baiser. Tout était venu du jeune homme qui s’était laissé porté par l’instant, électrisé par ces yeux, ce regard qui l’avait silencieusement appelé. Feignant d’être offusqué, il fit une petite moue.

- T’as vu ça.

Une expression amusée sur le visage, la musicienne secoua la tête avant de quitter le canapé pour aller chercher un menu, sûrement le fameux restaurateur chinois chez qui elle devait – très – souvent commander. Non sans se permettre une petite pique à l’encontre de l’affamé qui patientait dans le canapé.

- Maintenant que tu sais ma fortune, tu vas te faire entretenir, c'est ça ?

La parisienne revint finalement vers lui, toujours sa moue amusée imprimé sur le visage, avant de tendre le menu au garçon. Il savait pertinemment où elle voulait en venir. C’était couru d’avance.

- Prend ce que tu veux... mais c'est toi qui appelle.

Souriant en coin, le garçon attrapa le menu qu’il balaya rapidement du regard. Il se doutait qu’elle lui laisserait la corvée de la commande, les communications téléphoniques n’étant pas parmi ses préférences. Elle ne décrochait son appareil que lorsque la situation l’exigeait, comme un peu plus tôt avec son oncle qui attendait des explications quant à ce qu’il avait vu. Mais pour les affaires du quotidien, elle préférait avoir recours aux messages ou à Internet plutôt que devoir s’exprimer à travers son smartphone.

- Puisque la future madame Rodwell est riche, j’vais pas me gêner.

Secouant la tête en lâchant un soupir amusé, le garçon s’éventa vaguement avec le menu tandis qu’il levait de nouveau les yeux vers la télévision. Il restait un gros quart d’heure à jouer entre les deux équipes sud-américaines, et le Brésil menait deux buts à un. Levant les yeux vers  la jeune fille qui attendait, il reprit.

- Mais puisque le match n’est pas terminé, et que je tiens à le finir, tu va devoir commander bébé. Prends-moi ce que tu veux, je te fais confiance.

Lui tendant de nouveau le menu qu’elle lui avait passé quelques secondes plus tôt, il agrandit son sourire.

- C’est pas un coup de fil qui va faire buguer la grande Leena quand même ?

- T'as même pas vu le début de ton match ! Ne fais pas semblant de t'intéresser maintenant !

Il se contenta d’un clin d’œil pour seule réponse. Elle soupira, indiquant de manière démonstrative son mécontentement face à l’attitude du sportif, complètement le tableau en arrachant un peu brusquement le menu qu’il lui tendait. N’ouvrant même pas le feuillet, sachant sûrement déjà ce qu’elle allait commander. Elle attrapa  un papier ainsi qu’un crayon qui trainaient sur la table qu’elle déposa devant lui. Haussant un sourcil devant ce geste, elle s’expliqua brièvement.

- Ecris ce que tu veux. Et je te hais.

- T’énerves pas, ça te rends plus mignonne.

Se saisissant du matériel, tandis qu’elle se laissa tomber à ses cotés en soupirant, il griffonna à la hâte certaines choses dont le nom paraissait intéressant, n’étant pas un habitué de la restauration asiatique, en majorité concentré par la partie qui approchait de son terme. Tendant le papier vers la jeune fille, ne détournant pas le regard, elle s’adressa à lui.

- Et tu m'as appelée "bébé", sérieusement ?

Tournant doucement la tête vers la française, Andy pu constater son regard moqueur et son sourire satisfait. Evidemment que certains surnoms avaient déjà été utilisés entre eux, mais celui la en était à sa première utilisation. Il était clair qu’il pouvait se cacher derrière l’ironie, affirmant l’avoir utilisé pour souligner le parallèle entre un gamin et sa « peur » de répondre au téléphone. Mais cela serait sûrement trop prévisible, pas vrai ?

- Un souci avec ça, bébé ?

Délaissant sans problème son match, il reporta son attention sur la jeune femme qui l’observait toujours aussi amusée et moqueuse. C’est vrai, il n’avait pas réfléchi, c’était venu spontanément, de manière aussi naturelle que l’embrasser le devenait. Repensant à ces barrières qui tombaient les unes après les autres, il ne put réprimer un petit sourire. C’était ridicule, un simple surnom affectueux ne pouvait pas être considéré comme une étape cruciale. Ils avaient fait bien plus que ça, après tout. Prenant un air sérieux, il poursuivit.

-Et même mon bébé.

Il avait appuyé sur le pronom pour accentuer l’effet de sa phrase, comme un écho à ce qu’elle lui avait dit chez le glacier. Bien loin de vouloir déclencher un nouveau malaise entre eux, il fini par soupirer d’amusement et par reporter son attention sur le match.

- Jusqu’au prochain clip ou tu tournera, du moins.

Appuyée sur ses genoux, la jeune fille approcha du visage du jeune homme pour lui minauder d’une voix mielleuse à souhait une réponse à sa réplique sur le clip qu’il avait vu quelques minutes plus tôt.

- Eh bah, alors... on est jaloux, mon p'tit coeur ? Mais, tu sais que c'était de la comédie, n'est-ce pas ?

Les traits fins, le mignon petit nez, les yeux rieurs et expressifs de Leena entrèrent dans le champ de vision du garçon, s’interposant entre son regard et l’écran qu’il fixait, lui faisant hausser un sourcil. Un silence, paradoxalement si expressif, s’instaura entre eux tandis que les pensées devaient se bousculer dans leurs esprits. Il avait envie de lui écarter doucement le visage, lui dire que le match l’intéressait plus comme réponse à son ironie passée. Mais il resta à contempler le visage qu’il dévorait du regard avec un appétit féroce.

Dire que sans le savoir, il avait partagé des nuits enflammées et passionnées, goûtant et caressant la peau et les lèvres d’une star connue – et pas uniquement en bien – en France. Souriant dans sa tête, il se posait la question de savoir si savoir tout ça dès le départ l’aurait refroidi ou éloigné d’elle, se demandant ce qu’une célébrité avait à faire avec lui ? Il n’en avait aucune idée, évidemment. Pourtant, il était heureux de ne pas l’avoir su, ayant ainsi été attiré jusqu’au sein de son âme par la fille derrière la star, le cœur derrière l’image, Leena derrière la fille Andrews.

La réelle personnalité de la française, derrière ce qu’elle devait être pour plaire aux médias, aux fans, à ceux qui décidaient de faire et défaire les célébrités du jour au lendemain. Et Dieu sait que, sans même avoir vu beaucoup de choses sur elle, il savait la chance qu’il avait d’être au contact de celle qu’elle était réellement, celle qu’elle voulait être. Il l’avait vue taquine et fière, sauvage et torride, peinée et en larmes. Tant d’aspects que le système empêchait de révéler, trop humain, pas assez vendeur.

Il sourit doucement au soupir satisfait qu’elle avait émit, toujours les yeux dans les siens. Elle devait cogiter comme lui à cet instant, se demandant sûrement de quoi seraient faits leurs lendemains, leur vie, les attentes de leurs familles, le possible retour en lumière de la chanteuse. Trop de questions, beaucoup trop pour deux personnes ne jurant que par l’instant présent sans penser à l’avenir, savourant chaque seconde que leur relation si particulière leur offrait.

Ils n’étaient évidemment pas à l’abri d’une rupture sèche de tout ce qu’ils pensaient. Il suffisait d’un rien, qu’un des deux se lasse, tombe – en l’assumant – amoureux d’une autre personne, pour que tout se brise. Mais trop de barrières n’avaient-elles pas déjà céder pour croire que ces deux aimants pouvaient tout simplement s’éloigner comme si rien n’avait existé, aussi spontanément qu’ils s’étaient attirés ? C’était une question que l’anglais ne voulait pas se poser, simplement comblé auprès d’elle, quelque soit l’appellation de leur relation ou l’image qu’ils pouvaient renvoyer en public, s’assumant tous deux sans gène.

Installant la jeune fille sur ses genoux, Andy avait placé ses mains sur les hanches de la mélomane, plongeant toujours son regard des ces yeux bruns dont il savait qu’il ne pourrait plus se passer, douce drogue nécessaire à ses pulsions quotidienne. Et s’il devait en être sevré du jour au lendemain ? Il savait qu’il lui faudrait quelque chose de bien plus fort pour ne pas sombrer dans un manque qui le dépasserait assurément.

- C’était bien joué, pour de la comédie dis-moi.

Souriant de nouveau en coin, sans se détacher des yeux de la chanteuse, il émit un petit rire taquin.

- Un peu trop, d’ailleurs. J’ose espérer ne pas être un comédien de plus dans la vie de la grande star.

Haussant les épaules, il reprit.

- Et j’aurais été plus crédible que lui, sans même avoir pris un seul cours de comédie.