Confidences pour confidences | with Andy.

Le regard de la française s’écarquilla quelque peu derrière les verres correcteurs qu’elle portait suite à la réplique de l’homme sur qui elle était installée. Se reprenant rapidement, elle sourit en coin à son tour avant de le fixer, clairement amusée par la situation.

- Que veux-tu... Je suis une professionnelle ! Va savoir où s'arrête mon jeu d'acteur magnifique ?

Haussant un sourcil devant le rire qu’elle étouffa, le jeune homme observait la manière et l’aplomb avec lequel elle répondait sans sourciller, parfaitement dans ce style qui les caractérisaient tant. Le son de sa voix se fit taquin, clairement amusée par tout ce qu’elle allait lui dire et lui faire subir. Douce torture aux yeux et aux oreilles du sportif.

- Continue à me provoquer et c'est pas du chinois que je vais manger - pour te prouver que je ne simule rien du tout... et il sera trop tard pour commander, tu devras faire à manger.

Toute en souplesse – qu’elle avait démontrée à de multiples occasions – elle s’approcha dangereusement du visage du garçon tout en sensualité, faisant monter la température de quelques degrés autour d’eux. Dans un soupir terriblement érotique, elle lui souffla ses derniers mots lèvres contre lèvres, ultime limite avant qu’il ne lui cède totalement.

- C'est toi qui vois...

Rigolant sans retenue, sa bouche quasiment collée aux lèvres – douées – de la musicienne, Andy entoura son visage de ses mains avant de l’embrasser sans plus de cérémonie. Au fond de lui, c’était tout ce qu’il voulait : ne pas penser à leur relation, ce qu’elle impliquait et, inévitablement, interdisait. Il était évident que ce genre de baisers, comme celui échangé à  la galerie marchande, était clairement de ceux que s’échangeaient deux amoureux brisés puis retrouvés. Le nier était totalement stupide. Mais le confesser n’était pas non plus obligatoire, douce transgression d’un règlement se perdant dans la chaleur de leur attrait réciproque.

Se séparant pour reprendre leur souffle, le néo-zélandais ne pu s’empêcher de sourire en observant les yeux si brillants qui occupaient, à son grand plaisir, l’ensemble de son champ de vision. Elle aurait pu l’hypnotiser d’un simple battement de cil, l’envouter d’un regard enjôleur et il se serait damné dans la minute. Ce langage, celui du cœur, n’avait jamais pu être feint et ce depuis le tout premier jour. Clairement, si le but du jeu était de laisser leur relation en l’état et ne jamais avoir à se demander – ou simplement accepter- qu’il voulait être plus que ce qu’ils avaient convenus… alors il avait totalement perdu la bataille. Et, sans même s’en rendre compte, dès l’instant où il avait vu la sincérité nue dans ces yeux bruns.

- Et bien j’espère que le frigo est plein, bébé.

L’embrassant dans le cou, sachant pertinemment qu’elle ne résistait jamais à ce genre d’attentions appuyées à cet endroit si sensible, il traça de ses lèvres une ligne qui remonta de la gorge jusqu’à la joue de la parisienne. Il termina en lui murmurant, un sourire mutin étirant ses lèvres.

- Car aujourd’hui, tu apprends à cuisiner sous mes conseils.

Comme Leena s'y attendait - et l'espérait, il fallait dire ! - Andy franchit la maigre distance qui les séparait, et, entourant le fin visage de la musicienne de ses mains, l'embrassa. Spontanément, les mains de la française se posèrent dans le cou de son amant, juste en bas de son visage, alors qu'elle lui rendait son baiser.
Clairement, il n'était pas de ceux qu'ils avaient eu l'habitude se faire avant. Certes, il camouflait une certaine passion - que la jeune femme venait de provoquer - mais, surtout, Leena ressentait qu'il était plein... de sentiments. Peut-être se montait-elle la tête, maintenant qu'elle savait éprouver plus que de l'attirance pour cet homme dont elle ne pouvait plus se passer... Mais il lui semblait réellement qu'Andy laissait transparaître ses sentiments dans cette embrassade...

Quand ils se séparèrent, la française leva un regard brillant et troublé vers l'anglais quand celui-ci la fixa. Tout ce qu'elle avait ressenti dans ce baiser brillait maintenant dans ses yeux et il lui semblait même, maintenant, que les yeux bleus de son amant brillaient d'un nouvel éclat... Elle devenait complètement accro.

- Et bien j’espère que le frigo est plein, bébé.

L'ancien rugbyman ne laissa pas le temps à son amante de lui répondre qu'il descendit ses lèvres pour l'embrasser dans le cou, geste qui avait le don de la rendre folle !
Sous les baisers du sportif, chaque parcelle de peau de la jeune femme réagissait. Son corps entier était secoué de frissons et la chair de poule la faisait se cambrer un peu...
Il le savait. Et en profitait tellement.

- Car aujourd’hui, tu apprends à cuisiner sous mes conseils.
- A tes risques et périls.

Tout en répondant rapidement, Leena avait retiré ses lunettes et les avaient jetées - un peu négligemment - sur la table, pour ne pas qu'elles la gênent avant de reprendre possession de ces lèvres si désirables, entourant à son tour ce visage aux traits virils de ses mains.

Sans séparer leurs lèvres et en les dévorant même un peu plus, la mélomane se tourna et leva une jambe pour s'installer à califourchon au-dessus de son amant.
C'était la, quoi... troisième fois qu'ils en arrivaient là, aujourd'hui ? Et pourtant, il lui semblait que jamais elle se serait rassasiée de ces lèvres sur les siennes, de ces larges mains qui exploraient chaque courbe de son corps, de ce torse collé contre sa poitrine...

Elle l'aimait tellement.

A cette pensée, la jeune femme se crispa et, rompant - un peu brusquement - le baiser, resta interdite en fixant son amant.
Les lèvres entrouvertes, le souffle court, les joues un peu rosies par l'émotion, Leena restait à fixer le néo-zélandais, toujours à califourchon sur lui, son visage dans les mains. Ses yeux - qui le voyaient flou mais restaient figés tout de même - brillaient d'une intensité qu'elle n'avait que peu exprimée...
La rélévation lui était arrivée en pleine figure. Tellement violente alors que si évidente...

Elle était amoureuse de lui.

N'est-ce pas, selon elle, ce qui allait, un jour, les séparer ? Que l'un des deux tombe amoureux... ? Dans sa tête, la voix d'Hannah résonnait.

- Le premier qui tombe amoureux a perdu...

- A tes risques et périls.

Elle avait balancé ces mots presque comme pour se débarrasser d’une corvée, ne semblant pas vouloir briser ce moment où la passion entre eux était clairement mêlée à quelque chose de nouveau, de fragile. Les sentiments les plus intimes qu’ils éprouvaient étaient de plus en plus perceptibles dans leurs gestes, leurs baisers, leurs regards… Il aurait fallu être aveugle pour ne pas s’en rendre compte, tellement cela semblait leur exploser au visage avec une violence incontrôlée.

Dans la foulée de sa réponse, la française se débarrassa de ses lunettes qu’elle avait jeté sans retenue sur la table, ne pensant même pas au fait qu’elle aurait pu les abimer, avant de venir souder à nouveau ses lèvres contre la bouche de son amant. Elle avait, à son tour, les mains sur le visage de l’homme qui répondait avidement à ce fougueux baiser, laissant ses doigts courir sur ce corps qu’il connaissait tellement… mais qu’il avait la sensation de redécouvrir à chaque fois. De ses hanches si bien dessinées à ses cuisses désirables, de son cou à sa colonne vertébrale, il n’y avait pas une parcelle à sa portée qu’il ne caressait pas malgré leurs vêtements.

Toujours liés dans ce baiser qu’elle lui offrait, Andy sentit la jeune fille se mouvoir afin de se placer plus à son aise, le dominant à califourchon et poursuivit ce ballet auquel ils se livraient. C’était déjà la troisième fois de la journée qui se dessinaient clairement, et pourtant le sportif était aussi appliqué, fougueux et désireux d’elle qu’à la première fois de la journée, de la semaine, de leur vie… C’était désormais évident pour lui que cela allait bien plus loin qu’un simple attrait physique, définitivement. En parler, que ce soit à lui-même ou à la concernée, serait une étape autrement plus délicate à franchir. Et à assumer.

Essayant de balayer ces idées de son esprit, revenant toujours plus fortes, toujours plus présentes, le garçon s’arrêta quand le baiser se rompit de manière assez brusque pour être soulignée. Pas une question de respiration – enfin pas que – tant le visage de la jeune fille le troublait à cet instant. Avec ou sans lunettes, elle restait toujours désirable à en crever, mais ses yeux renvoyaient une lueur qu’il n’avait pas souvent remarqué. Les joues rosées, la bouche entrouverte non loin de lui et ces yeux… le troublèrent au moins autant qu’elle semblait l’être. Avait-il mal fait ? Avait-il, sans s’en rendre compte, dit ou agit maladroitement ? Aucune réponse ne franchit les lèvres de la jeune fille, ne laissant que leur respiration commune en écho au son de la télévision qui était déjà passée sur un autre programme.

Le temps semblait presque s’être arrêté, les deux amants étant restés immobiles les yeux dans les yeux, le garçon dans l’incompréhension de la réaction de la française. Le silence, qui ne dura qu’une poignée de secondes, sembla durer un temps infini tellement la complexité apparente de la situation perturba le néo-zélandais. Il se risqua finalement à briser cette mélodie produite par leurs poumons qui s’emplissaient et se vidaient d’air, plus écrasés par la situation que par l’effort.

- Qu’est-ce qui ne va pas ?

L’inquiétude se dessina clairement dans les yeux de l’ancien ailier qui cherchait vraiment à comprendre le pourquoi de cette attitude qui le troublait profondément. Il n’était pas rare qu’elle ne rompe brusquement un baiser, mais ses agissements avaient toujours un but : le frustrer pour mieux le relancer, s’attaquer à une autre partie de sa peau, lui minauder de doux murmures en français à l’oreille… Mais jamais rien de tel. Le son du téléviseur semblait n’être qu’un lointain bruit de fond tant il attendait une réponse de celle qui reposait sur lui.

- Qu’est-ce qui ne va pas ?

La question - tout à fait pertinente ! - du néo-zélandais fit sursauter la française qui se figea de nouveau : qu'allait-elle lui dire ?

- Je...

Elle ne trouvait pas. Sa tête était vide, sa vision - en plus d'être floue - était blanchie par un voile d'appréhension. Tous ces sentiments qu'elle avait voulu nier, les oeillères qu'elle porait quotidiennement, pour ne pas franchir ce tabou entre eux... tout s'était écroulé. Tout avait cédé comme un chateau de cartes face à un vent violent.
Son coeur battait à tout rompre dans sa poitrine et Leena dut se mordre la lèvre inférieure pour s'empêcher de pleurer. Comment allait-elle pouvoir justifier un tel comportement ?

A l'heure qui l'était, justifier son attitude semblait bien anodin par rapport à la situation : elle était amoureuse d'Andy Rodwell. Pas de ces petits béguins dont on profitait un peu et qui passaient aussi vite qu'ils étaient arrivés. Non, elle l'avait dans le sang, sous la peau... ça lui résonnait dans les oreilles, fatalité.
Comment réagirait-il en l'apprenant ? Non, il ne fallait pas lui dire. Il ne devait pas savoir !

Même si, aujourd'hui, il s'était montré plus affectueux, ils avaient franchi quelques limites qu'ils avaient silencieusement posées entre eux... il fallait dire que le couple était passé par son lot d'émotions en ce jour et cela pouvait justifier tous les dérapages !
Si, en plus, la française venait lui dire avoir réalisé ses sentiments pour lui... ne prendrait-il pas peur ?

Dans leurs échanges de sms dans lesquels ils avaient parlé de leur relation, Andy avait clairement dit à son amante ne pas vouloir parler d'amour ou être en couple... Elle non plus, au début, mais elle s'était retrouvée prise à son propre jeu. Quelle imbécile !

Finalement, elle essaya de se reprendre et, prenant une inspiration pour se donner du courage, sourit - toujours un peu crispée - au rugbyman :

- Désolée. Trop d'émotions aujourd'hui, je crois. J'ai le cerveau qui part en cacahuètes.

"Partir en cacahètes"; expression purement française, non ? Pour s'en assurer, elle reprit :

- Qui délire, quoi. Excuse-moi.

Ne venait-elle de s'excuser deux fois en deux phrases ? Bon, c'était un peu décousu et il risquait certainement d'insister...
Son coeur était trop fragile pour être mis à l'épreuve comme ça. Il ne fallait pas qu'elle avoue.

Pour le coup, la jeune femme regretta de ne pas avoir commandé. L'arrivée d'un livreur l'aurait sauvée.

- Je...

Evidemment, aucune réponse compréhensible ne put être apportée aux interrogations du jeune homme qui patientait toujours, le cœur battant un peu plus fort. Avait-elle une réponse pour elle-même, avant de pouvoir lui expliquer ce qui n’allait pas à cet instant. La voir se mordre la lèvre inférieure, geste désespérée pour retenir un mot – ou des larmes ? – le sportif soupira doucement, juste pour lui-même. Pas d’agacement envers elle, mais ne rien comprendre, ne rien savoir rendait la situation moins supportable, bien plus tendue. Cette attente lui donnait la sensation d’être un lapin aux yeux pris dans les phares d’une voiture sans savoir s’il aurait la vie sauve à la fin.

Le temps s’écoula de manière bien plus perceptible, les secondes s’égrenant rapidement au vu du climat et de la pression qui les entourait, commençant à peser sur les épaules du garçon. Si quelque chose dans ce qu’il avait fait l’avait dérangée, pourquoi ne le disait-elle pas simplement, comme chaque fois ? Avec le recul, ils ne se faisaient jamais de reproches, de remarques sur ce tout ça, épanouis qu’ils étaient dans leur relation sans conséquences apparentes… jusqu’à aujourd’hui où la vérité se dessinait de plus en plus dans l’esprit du néo-zélandais. Souriant ironiquement dans son esprit, il se demandait comment elle réagirait s’il venait à lui faire part de ses doutes sur la manière dont il commençait à la voir ?

Inspirant doucement, reprenant un semblant de vie depuis l’instant où elle s’était figée en le fixant dans les yeux de ce regard presque effrayé. Les muscles du serveur se crispèrent quelque peu dans l’attente de ce qui pouvait l’attendre, après tout quels seraient les mots qui franchiraient les lèvres qu’il goutait encore il y a quelques instants ? Rien de très réjouissant au vu de l’attitude de la française.

- Désolée. Trop d'émotions aujourd'hui, je crois. J'ai le cerveau qui part en cacahuètes.

Encore une expression imagée, assurément venue de France, dont il ne comprit pourtant pas le sens. Les excuses, par contre, étaient claires mettant l’accent sur le cumul d’émotions vécus au court de la journée. Pourtant, cela sonnait tellement faux aux oreilles d’Andy, persuadé que tout ceci n’était qu’une parole de façade pour esquiver le fond du problème. Quelque chose la perturbait réellement.

- Qui délire, quoi. Excuse-moi.

Quel rapport les français pouvaient-ils trouver entre le délire et les cacahuètes, par contre ? Il aurait sûrement posé cette question si la tension était réellement redescendue, ou s’il avait simplement cru ce qu’elle lui avait dit. Trop d’excuses, une raison peu crédible, rien dans ces paroles ne semblait être la vérité qu’attendait son amant. Pouvait-il vraiment choisir de creuser plus encore, au risque de la brusquer totalement ? En avait-il le droit, simplement, au vu de la journée qu’elle avait effectivement vécu ?

Soupirant doucement, il avait déjà fait son choix dès le départ. Au risque d’entendre des choses qui pourraient lui déplaire. Se redressant quelque peu, gardant la jeune fille dans ses bras installée sur lui, il tendit la main vers les lunettes qu’il lui remit sur le nez.

- Regarde-moi bien. J’ai l’air d’avoir dix ans ?

Sans hausser la voix, son ton se voulait quand même assez explicite pour montrer qu’il n’avait pas mordu à l’appât qu’elle avait lancé. Il allait falloir faire mieux pour le convaincre.

- Tu crois que je ne connais que ton corps ? C’est quoi le souci ?

La libérant de son étreinte, la laissant tenir sur ses cuisses de son propre équilibre, il laissa ses bras ballants sur le canapé.

- Tu veux que je te laisse faire le point ? Tu m’enverra un message si t’as quelque chose à me dire.

Les mots étaient peut-être mal choisis à cet instant, mais l’incompréhension lui broyait le cerveau à tel point qu’il ne réalisait pas que le souci ne le concernait peut-être pas. Ou qu’il était trop gros pour être abordé immédiatement.

- Non, attends !

La surprise s’empara du néo-zélandais qui s’apprêtait presque à poser son amante sur le canapé afin de prendre sa veste et de partir, la laissant seule si c’était ce qu’il lui fallait. Le fait qu’elle lui réponde si spontanément, et donc en français, ne manqua pas de faire tiquer le garçon. Il n’y avait que trois cas où elle parlait sa langue maternelle face à lui : quand elle voulait le taquiner pour qu’il ne comprenne pas, lors de leurs étreintes passionnées et quand elle était prise de court. Et c’était clairement le dernier cas qui se présentait à lui, dépassée par elle évènements la tourmentant elle-même.

Le regard dressé soudainement vers Leena suite à sa réplique presque immédiatement prononcée, le garçon cherchait à comprendre pourquoi la proposition de partir l’avait faite réagir de la sorte. Il était à cent lieux d’imaginer qu’il pouvait être au cœur de la bataille mentale qui faisait rage dans l’esprit de la musicienne, persuadé que la vérité était ailleurs sans trop savoir où. Il voulait savoir ce qui la secouait tant, il souhaitait tellement pouvoir lui dire qu’elle pouvait tout lui dire comme ils l’avaient fait à leur retour dans cet appartement, se confiant sur les détails de leurs vies qu’ils n’avaient probablement dit à personne d’autres. Mais ses pensées furent effacées devant le sourire que lui faisait la parisienne.

Un sourire franc, sincère et plein d’une émotion qu’il n’avait que rarement vu, et ressentie, en sa présence. Jusqu’à aujourd’hui pour dire les choses honnêtement, remué qu’il avait pu l’être par ce moment partagé entre tristesse et amour à Wellington. La voix, plus calme, de la jeune fille résonna entre ce sourire qui vida la tête du jeune homme.

- Sincèrement, je suis désolée... Toutes ces histoires m'ont vraiment perturbée... et fatiguée. Ne pars pas.

Toujours ce sourire presque figé sur son visage, la mélomane leva doucement la main vers le visage du garçon, lui caressant la joue avec une tendresse folle qui le fit frissonner sans réveiller son appétit d’elle. C’était un moment si intense, sans cette passion folle, mais tellement apaisant et… précieux ? S’étaient-ils privés de ce genre d’émotions, moins intenses mais plus profondes, qu’un moment charnel tout ce temps ?

- Ce soir... j'ai juste envie de tendresse. J'ai envie de rester avec toi, simplement. Sans grande passion, ni grands discours. Juste besoin que tu sois là.

- Leena…

Comme pour couper court à ce qu’il pourrait lui dire, celle dont il avait soufflé doucement le prénom l’embrassa avec une douceur presque pudique contrastant avec les baisers qu’ils échangeaient tout à l’heure. Que se passait-il entre eux concrètement ? L’esprit d’Andy était tellement troublé, partagé entre la stupeur de la jeune fille et la tendresse dont elle faisait preuve à cet instant précis. Putain que c’était clair. Cette foutue française l’avait rendu fou d’elle au-delà de toute limite fixée, de toute réalité acceptée, de tout accord silencieux conlus…

Le baiser rompu, en voyant le sourire toujours aussi beau de sa collègue, l’ancien rugbyman mit un mot tout simple sur tous les tourments de la journée. De sa réaction en apprenant qu’il était à la frustration ressentie de n’être peut-être qu’un coup de passage, de son cœur qui s’était serré en la sentant trembler dans son dos à ce baiser échangé en public.

- Tu viens m’apprendre à cuisiner ?

Pouffant doucement à ce qu’elle venait de lui dire, s’étant attendu à – presque – tout sauf ça, le garçon lia de nouveau ses mains dans le dos de la jeune fille le chevauchant toujours. Ces petits moments complices valaient aussi chers que ces nuits collées l’un contre l’autre, chacun apportant son lit d’émotions et de frissons particuliers.

- Y’a du boulot, je pense.

Laissant la jeune fille se relever avant d’en faire de même, il la laissa ouvrir la marche vers la cuisine avant de la suivre, la regardant dans son ensemble. Ce petit corps dans son grand sweat était désirable en tout point. Mais cela allait plus loin que ça, plus que tout ce qu’il aurait pu croire quand ils s’étaient attirés mutuellement. Une fois dans la cuisine, il ouvrit le réfrigérateur et d’en sortir quelques ingrédients. Fouillant dans les placards, il en sortit une planche à découper, un couteau ainsi qu’un économe et invita la jeune fille à se mettre entre le plan de travail et lui.

- Eplucher des carottes, c’est un bon début ?

Un seul mot : amoureux.

- Ca, je sais le faire !

- Le Ciel soit loué.

Souriant en coin, observant la jeune fille devant lui s’affairer à sa tâche, le geste était assez assuré pour éviter les coupures et s’acquitter de ce qu’elle faisait de la bonne manière. S’attendant à devoir l’aiguiller un minimum sur la manière de tenir l’économe pour éviter de s’éplucher les doigts plus que les légumes, c’était un gain de temps certain. Et une bonne surprise pour quelqu’un qui disait n’avoir jamais – ou presque – tenter de cuisiner. Amusé, le garçon l’observait poursuivre son travail.

- Qu'est-ce qu'on va manger de, peut-être, bon ?

Tandis qu’elle commençait à voir le bout de sa – petite – corvée, le sportif entreprit de répondre quand il fut coupé par la voix de la demoiselle qui s’était mise à… chantonner ? Une mélodie s’échappait de ses lèvres, résonnant doucement dans la pièce sans que le garçon ne pu reconnaître cet air. Après tout, l’univers musical de Leeena était bien plus large et étendu que le sien, ayant trempé dedans depuis son plus jeune âge et n’étant pas limitée à la chanson française.

Ecoutant avec attention la mélodie toujours aussi inconnue à ses oreilles, le néo-zélandais ne pouvait pas dire qu’il en était raide dingue. Mais c’était appréciable et ça gagnerait à être joué sur un piano ou une guitare très probablement. Reportant son attention sur la planche à découper, le garçon constata qu’elle en était quasiment au bout de sa tâche, et sans s’être coupée une seule fois ! Lâchant un sifflement admiratif, il la regarda du coin de l’œil, gardant le visage dirigé vers le plan de travail.

- Pas mal, je croyais que tu serais déjà amputée de deux doigts. Au moins…

Amusé par la réaction de la jeune fille, il lui tendit un torchon pour s’essuyer les mains avant de répondre enfin à la question qu’elle lui avait posé.

- Pour vos débuts, madame Andrews, nous allons faire une composition.

L’avantage de ce mot était qu’il avait autant sa place en musique qu’en art floral. De même que derrière des fourneaux, évidemment.

- Une salade composée, plus précisément. Vu ce que tu as dans tes placards, de toutes manières…

Réunissant les ingrédients préparés à l’avance, il se joignit à elle pour en voir le bout plus vite, s’attaquant à la préparation d’une vinaigrette maison tandis qu’elle poursuivait les étapes qu’il lui indiquait progressivement. Ce moment simple était tellement agréable, amusant et divertissent aux yeux du jeune homme : le contact avec Leena, l’activité les amusant, les taquineries qu’ils s’échangeaient… Dire que ce n’était pas un rencard, à la base.

- Au fait, c’est quoi cette mélodie que tu fredonnes ? Je ne pense pas la connaître. C’est intéressant, en tout cas.

- Oh ! Désolée pour ça, d'ailleurs... je chantonne tout le temps en cuisinant, je n'ai pas réfléchi...

Le néo-zélandais haussa un sourcil en l’entendant s’excuser pour quelque chose de si banal qu’un fredonnement en pleine cuisine. Cela démontrait qu’elle l’avait fait spontanément, emportée par ce qu’elle faisait sur l’instant. Comme elle le faisait quelques rares fois où elle était concentrée sur son téléphone ou une activité quelconque. La voir agir comme une enfant prise sur le fait pendant une bêtise amusait Andy qui la trouvait adorable.

- Tu fais bien de t’excuser.

Tout en lui tirant la langue pendant qu’elle terminait l’olive qu’elle avait prise dans le paquet, le garçon l’observait lui sourire tandis qu’elle reprit.

- Tu ne peux pas la connaître, je suis en train de la composer.

Ceci  expliquait donc, en partie, pourquoi le jeune homme n’avait absolument pas reconnu l’air qu’elle venait de fredonner en terminant d’éplucher les légumes. Elle reprenait le travail en composant de nouveau ? C’était intéressant, cela indiquait qu’elle n’avait pas abandonné l’idée de poursuivre dans la musique, même à des milliers de kilomètres de là où tout avait commencé – et presque terminé – pour elle. Tandis qu’ils poursuivaient la préparation de leur petite salade, le sportif entendit la voix de Leena résonner de nouveau dans la pièce.

- C'est encore en cours d'écriture... mais tu en penses quoi ?

Relevant les yeux vers elle, souriant, tandis qu’il s’essuyait les mains dans le torchon à carreaux, l’ancien ailier la regardait avec un regard mi-amsusé, mi-attendri. C’était agréable de savoir qu’elle n’avait pas renoncé à ses rêves, après tout elle pouvait toujours les poursuivre elle. Pas d’organe ou de membre touché, seule sa confiance en elle avait été éprouvée face au système glacial de la critique qui faisait et défaisait les stars et les succès. Redoutable, déprimant mais pas insurmontable.

- J’te l’ai dis, c’est intéressant. Ca donne envie d’en entendre plus.

Tout en s’approchant d’elle, le serveur lui pinça doucement le bout du nez avant de s’emparer des couverts et des assiettes qui avaient été préparés par la jeune fille à sa demande.

- Allez, va mettre la table, j’apporte le reste.

Ils terminèrent finalement la préparation et tout ce qu’il restait à faire avant de se retrouver à table, chacun devant une assiette contenant une portion du plat préparé en grande majorité par la française. Le premier – apparemment – réussi de sa vie, selon elle.

- J’accepte de me sacrifier et de goûter le premier. Si je meurs, jette tout, et mon corps avec.

Ramassant une pleine fourchette de ce mélange coloré, Andy la porta à sa bouche et commença à mâcher, effectuant plusieurs mimiques au passage.

- Ma foi, c’est…

Souriant en coin à la jeune fille, il reprit.

- … pas mauvais du tout. C’est vraiment la première fois ?

Ecoutant la réponse de Leena, il poursuivit ensuite.

- Au fait, si tu composes une chanson, ça veut dire que tu comptes reprendre tes vidéos ? Enfin, le truc dont avait parlé le disquaire ?

- Oh...

Alors qu’elle souriait à l’attitude du jeune homme l’ayant faite patienter quant à son avis sur la composition culinaire qu’ils avaient fait, la mélomane baissa les yeux vers son assiette sitôt qu’il lui avait parlé de la mélodie qu’elle avait fredonné. Elle passait décidément pas bien des émotions dans cette rude journée, le sportif ayant été bien moins éprouvé qu’elle sur les heures écoulées. En un laps de temps relativement court, elle avait été reconnue, avait craqué publiquement sans pudeur, avait été prise en photo embrassant son amant et s’était retrouvée dans la foulée en une de tous les sites français people. En plus d’avoir eu un appel de son cher oncle pour en savoir plus. Une journée bien remplie, en somme.

Piquant une bouchée de ce qu’elle avait préparé afin d’y goûter à son tour, elle releva finalement les yeux vers celui l’ayant aidé en cuisine et se mit à sourire doucement. A son plus grand plaisir.

- A vrai dire... je ne sais pas trop. J'ai dis que je voulais arrêter la musique mais c'est plus fort que moi. Les mélodies - celle-la en particulier - me défilent dans le crâne et je n'arrive pas à m'en défaire... il faut que je les mette sur papier. J'ai besoin de cette dose de musique ou j'étouffe...

- C’est ta passion, où est le mal ? Ca ne va pas s’arrêter du jour au lendemain.

Souriant à son tour, le garçon entendit le soupir qui s’échappait des lèvres de son amante, visiblement encore tourmentée par diverses questions. La situation lui avait échappé tant de fois, et alors qu’elle semblait vouloir fuir son passé – ce qui incluait la musique – voila que tout la rattrapait en l’espace de moins de vingt-quatre heures. Il était évident qu’elle n’avait, à aucun moment, imaginé un tel scénario lorsqu’elle avait quitté son pays pour la Nouvelle-Zélande. Cette pensée amusa l’ancien rugbyman, seul un scénariste à l’esprit fertile aurait pu envisager un tel déroulement de la situation.

- C'est plus pour un choix de carrière, que j'ai envie d'arrêter. Je ne sais pas si je vais continuer à poster des vidéos sur cette chaîne, tout comme je ne sais pas ce que je ferai de ce morceau et tous les autres une fois terminés...

La détaillant pendant qu’elle continuait de s’expliquer, le néo-zélandais fut attendri par la petite moue innocente, comme celle d’un enfant charmant ses parents, qui se dessina sur le visage de sa – définitivement plus que – collègue.

- On verra ?

Il poussa un soupir amusé à cette réaction, elle savait comment éluder les sujets qui la dérangeaient ou de l’amusaient guère. Si elle ne souhaitait pas en parler, libre à elle après tout. Ils en avaient assez dit sur leurs vies respectives aujourd’hui pour se permettre de laisser encore un peu de mystère à découvrir. Plus grand chose en apparence, mais les sentiments assumés intérieurement du jeune homme semblaient être une montagne gigantesque qu’il n’aurait pas le courage de gravir dans l’immédiat.

- Te prends pas la tête, j’te dis.

Avalant une nouvelle bouchée de son plat, savourant sans gêne les débuts de la serveuse aux fourneaux, il piqua une nouvelle avant de poursuivre.

- Et si t’en faisais une sur nous, tiens ? Ca serait drôle de faire une chanson où tu te moquerais en trois couplets.

Souriant en coin, il baissa les yeux vers la poche droite de son pantalon dans lequel venait de vibrer son téléphone. Une fois en main, il regarda l’identité de la personne qui l’appelait. Bingo, il fallait bien que ça arrive après tout. Relevant les yeux vers la musicienne, il s’excusa brièvement.

- J’suis vraiment désolé, je dois répondre.

Décrochant l’appareil, il le plaqua contre son oreille droite non sans laisser échapper un soupir mi-plaintif, mi-agacé.

- Salut m’man.