verre sur verre de cuba libre → jimmy

Comment ça, il ne sait pas ? Ça lui semble okay de détériorer un rond-point au beau milieu d’une ville, à lui ? Ils sont à Cuba, pas en pleine cambrousse ; c’est particulier mais pas incivilisé non plus. Peut-être que son cousin a trop regardé Fast&Furious, il ne serait pas le premier. Tout ça pour dire des courses, oui, mais dans le respect de la ville qui permet qu’on la traverse quand même. Bref, elle aime bien le taquiner mais ne va quand même pas jusqu’à lui faire la remarque. En revanche, elle lui indique le panneau dont elle parlait un peu avant une fois que celui-ci est visible. Et tout se passe bien. En tout cas jusqu’à ce qu’elle annonce à Jimmy que ce petit chemin de terre se termine par un tremplin. Un tremplin, oui, il a bien entendu. Un sourire étire ses lèvres alors qu’elle n’a pas la moindre idée de si cette voiture va y survivre ou non. Ses amortisseurs vont en prendre un sacré coup, ça, c’est certain, mais ce n’est pas non plus le plus grand saut qu’on puisse faire sur ce circuit. Marina ne s’y connaît pas trop en voitures, c’est vrai, mais quand même assez pour savoir qu’un saut plus long pourrait leur être fatal. Elle prend tout de même le temps de rappeler à son cousin qu’ils y sont bientôt et la voiture s’envole alors dans les airs. Ah, c’est ça qu’on veut ! La rouquine pousse une exclamation de joie juste avant que le véhicule ne retombe sur ses pneus. Difficilement. Mais elle l’a fait ! Puis elle part d’un grand rire.
« Mais non, t’inquiètes ! C’est la seule cascade de ce genre qu’on aura à faire. »
De ce genre, oui. Bref, elle continue de donner ses directives puis sent que la voiture a un pépin. Sans crainte de tomber ou de se faire décapiter, elle se penche par sa fenêtre et regarde les pneus. Oui, c’est bien ce qu’il lui semblait… Dommage. Et d’un autre côté, heureusement que Jimmy a ralenti sinon ils auraient pu finir dans le décor.
« On a crevé. Tu sais changer un pneu rapidement ou bien ça signifie que c’est la fin de la course pour nous ? »
Ce n’est que pour la forme que Marina pose la question ; elle se doute un peu que son cousin n’a aucune compétence dans le domaine. Ce qu’elle ne peut lui reprocher puisqu’elle n’en a pas non plus.

C’est sûr que Jimmy ne la connaît pas comme ça. La plupart du temps, Marina est quelqu’un d’assez raisonnable – évidemment, ça dépend pour quoi, mais elle en a fini avec les frasques de gosses de riches depuis quelques années déjà -, de très focalisé sur son travail, très soucieuse de l’image qu’elle renvoie aux autres aussi. C’est qu’elle n’est pas la fille de n’importe qui et que, même si personne ne connaît les Monthawk en Nouvelle Zélande, elle a été habituée à devoir faire attention à ne pas trop souiller son nom non plus. Mais par moment, comme c’est le cas maintenant, elle peut se montrer carrément fonceuse. Okay, c’est facile à dire parce que ce n’est pas elle qui conduit mais dans un premier temps, ce n’est jamais elle qui conduit – ou presque -, et deuxièmement, elle pourrait avoir la pétoche, se dégonfler et demander à descendre de voiture tout de suite. Même ici, à quelques kilomètres de la ville. Or, ça serait mal la connaître, en effet. Et tout ce qu’elle trouve à répondre à ça, c’est une expression où se mêle l’amusement à un brin de fierté. Jusqu’à ce qu’elle remarque qu’un pneu a crevé et qu’il leur faille s’arrêter en tout cas. La réplique de son cousin lui donne la confirmation que la course est finie pour eux. Tant pis, ç’aura été marrant le temps que ça aura duré. La rouquine ricane et y va de son petit commentaire :
« Alors j’espère que leur service international est efficace. »
Non, elle ne semble pas seulement tout prendre à la légère ; elle le fait vraiment. Elle est en vacances, chez elle qui plus est, elle a bien le droit. Puis il y a quand même plus grave qu’un pneu crevé ou même une course perdue dans la vie.
« C’est pas grave, on fera mieux la prochaine fois. Surtout que tu sais à quoi t’attendre, maintenant ! »
Parce qu’il y aura une prochaine fois, n’est-ce pas ? Un jour où Jimmy reviendra faire un petit coucou à son oncle et sa tante et qu’elle sera là aussi.
« Alors, je suis pas du tout sûre qu’une dépanneuse puisse emprunter ce chemin, mais y a un petit village pas très loin. Et on est à Cuba, tout le monde a toujours les mains dans le cambouis par ici. »
Tout le monde, sauf elle, quand même.

Ah oui, oui, bien sûr, Jimmy a aussi été élevé avec les mots « le temps c’est de l’argent » constamment en tête. Ce qui explique qu’il n’ait pas l’air de très bonne humeur compte tenu des circonstances. De son côté, Marina prend bien mieux la chose. Notamment parce que ce n’est pas la première fois que ça lui arrive et qu’en tant que co-pilote, elle n’a pas tellement de pression en comparaison de son cousin. Sans se départir de son sourire, voilà qu’elle répond :
« Je te savais pas si mauvais joueur. Faut que tu souffles un coup, t’es effectivement en vacances. »
S’il faut perdre son temps, c’est le bon moment pour ça. Là-dessus, il lui fait savoir que s’il y a une prochaine fois, il choisira mieux son modèle de voiture. Mais que si elle en profite pour l’emmener sur un circuit, il ne se privera pas pour l’envoyer balader. Ce qui la fait rire.
« Tant que c’est dit gentiment ! »
Et si Jimmy n’est pas partant, elle trouvera bien quelqu’un d’autre. Il n’y a pas que sa mère qui aime les courses dans la famille, heureusement.

Soit, en attendant, ils sont bien coincés sur cette route. Si tant est qu’on puisse appeler ça une route, bien sûr. Mais ça n’entache en rien la bonne humeur de la rouquine qui sait très bien que, tant que le problème concerne une voiture, il n’y a pas de problème dans ce coin du monde, que des solutions. A la question qu’il lui pose, elle hausse les épaules.
« Qu’est-ce que j’en sais moi ? C’est pas une obligation d’avoir une roue de secours dans le coffre de toutes les voitures ? Je vais regarder mais t’en fais pas, qu’il y en ait ou pas, je suis sûre qu’on trouvera bien quelqu’un pour nous dépanner avec ça aussi. »
Par contre, elle ne garantit pas du tout l’état de la roue de secours. Peut-être bien raffistolée à l’aide de rustines. Ce qu’elle n’a pas l’intention de dire à Jimmy parce qu’il serait encore capable de ronchonner. Au lieu de quoi, elle se penche pour tirer la poignée qui permet d’ouvrir le coffre et contourne la voiture pour voir ce qu’il en est.
« C’est bon, y en a une. »
Après quoi, ils peuvent se mettre en route. Le tout en discutant jusqu’à ce qu’ils arrivent au village susmentionné. Et là, son cousin la laisse gérer, forcément. Marina avise alors un homme couvert de cambouis, penché sur le moteur de sa propre voiture, s’avance vers lui, lance un :
« Salut Marco ! »
En espagnol et attend qu’il se retourne pour le serrer chaleureusement dans ses bras. Rien d’étonnant à ça, les deux sont sortis ensemble quelques mois. Bien avant Lindsey. Là-dessus, elle se tourne vers Jimmy et lui glisse :
« Je t’avais dit que ça serait facile. »

La mauvaise foi de son cousin la fait sourire. Tout pour se rassurer en se disant que ce n’est pas un manque de technique – ou même pire, de talent -, qui l’a mis hors course mais bien un coup du sort. La faute à pas de chance, quoi. Et il le dit sans la moindre vergogne, en plus.
« Oui bien sûr, sinon, je suis certaine qu’on aurait gagné. »
Pas du tout ; Marina sait parfaitement qu’ils auraient perdu d’une manière ou d’une autre parce qu’il n’y avait pas que ce seul tremplin sur le chemin et que si cette voiture y avait à peine survécu, elle n’aurait probablement pas survécu aux autres. Mais elle n’a aucune envie d’assombrir sa journée, aussi fait-elle comme si. Et surtout, elle pouffe à la réplique suivante.
« C’est vrai, tu le démontres à chacune de nos rencontres. »
Et encore, Marina est convaincue qu’elle ne peut même pas se plaindre et qu’il est sûrement pire avec d’autres. Sûrement qu’elle a droit à un traitement de faveur parce qu’elle est de la famille et qu’en plus de ça, elle est plutôt cool, pas du genre à se prendre la tête à moins que ça ne concerne un contrat.

Là-dessus, il lui fait savoir que ça l’étonnerait que la police vérifie qu’il y a bien une roue de secours dans le coffre à chaque contrôle. Mouais, sans doute pas, mais son père est quand même ambassadeur alors elle est quasiment sûre que la voiture est en règle. Surtout qu’il ne participe à aucun trafic d’aucune sorte, donc, aucune chance de trouver des paquets de coke scotchés à la roue de secours. Dommage. Bref, c’est donc ainsi qu’ils se mettent en route, prenant la direction dudit village. Où la rouquine connaît des gens. Et peut donc négocier qu’on vienne changer leur roue assez rapidement. Ce qu’elle fait seule étant donné que Jimmy ne parle quasiment pas espagnol. Ce n’est pas plus mal, autant que ça soit elle qui gère.
« Ah, t’en fais pas pour ça, Marco me connaît suffisamment bien pour savoir qui a fait quoi dans cette histoire sans que j’aie besoin de le préciser. »
Un petit sourire étire ses lèvres, que Jimmy en tire les conclusions qu’il veut et là-dessus, il est temps de rebrousser chemin pour revenir à la voiture. La roue est changée en un temps record et Marina remercie Marco en lui proposant de passer dîner un soir, avant qu’elle aussi ne rentre en Nouvelle Zélande.
« Bon, on fait quoi maintenant ? Autant reprendre la route principale et déclarer forfait, quitte à s’occuper autrement. »

Mine de rien, Marina aime bien embêter son cousin. Faut dire que c’est marrant autant à cause de sa personnalité que de ses réactions. Continuant de pouffer, elle riposte :
« Non, j’exagère. Quand on te surprend pas avec une course surprise et qu’on crève pas au beau milieu de ladite course, t’es plutôt sympa ! »
Mais là, disons que Jimmy a besoin de se souvenir un peu qu’il est en vacances et que perdre son temps au bord d’une route de campagne sous un soleil de plomb n’est pas si grave que ça. Au contraire, c’est même une anecdote qu’ils pourront raconter et dont ils pourront rire plus tard. Bien qu’en ce qui la concerne, la rouquine est déjà en train d’en rire. Ce qui lui passera rapidement si elle chope un coup de soleil, mais pour l’heure, tout ça l’amuse plus que ça ne l’ennuie. Raison pour laquelle elle se met en route sans traîner des pieds. Jusqu’à arriver à ce fameux petit village. Où elle ne connaît pas tout le monde, non. Mais quelques personnes quand même. Dont Marco. Qui est mécano et ça tombe bien puisque c’est pile ce dont ils ont besoin. Fronçant le nez en une grimace, Marina répond :
« C’est pas gentil de me mettre de telles idées en tête par contre ; je sais que c’est un truc qui peut se faire entre cousins mais pas par chez nous. Mais t’en fais surtout pas, Marco connaît l’existence de Lindsey. »
Il sait donc aussi qu’elle lui est plus que moins fidèle depuis leurs fiançailles. Alors même si la ressemblance entre Jimmy et elle n’est peut-être pas flagrante, il n’ira pas penser au coup de la panne, d’un côté comme de l’autre. Il se fait même un plaisir de venir leur prêter main forte. Et ne leur aurait probablement rien demandé en compensation, mais tout travail mérite salaire. C’est après s’être promis de s’appeler pour faire un truc ensemble que les cousins peuvent reprendre la route. Et Marina s’esclaffe.
« Ça sent le trauma, ça ! Promis, une route bitumée assez large pour qu’au moins deux voitures puissent se croiser. Non, on n’est pas obligés d’aller jusqu’à la ligne d’arrivée, je demanderai à ma mère de les prévenir qu’on a quitté la course, qu’ils ne s’inquiètent pas pour nous. On a qu’à faire un peu de tourisme plus classique, c’est bien aussi. »

A l’entendre lui dire qu’elle ferait moins la maligne s’il prenait la décision de l’abandonner sur le bord de la route une fois la roue changé, Marina ne peut s’empêcher de rire. Typiquement le genre de coups fourrés que ses frangins étaient capables de lui faire. Raison pour laquelle elle ne serait pas plus surprise que ça si ça venait de Jimmy non plus. Après tout, ils ne sont pas tous cousins/cousines pour rien. D’un air crâne, la rouquine hausse donc les épaules.
« Oh tu sais, j’aurais plus qu’à repartir avec Marco. »
Pas le pire qui puisse lui arriver, donc. Des couples okay avec le partage, Marina en connaît assez peu, en fin de compte. Elle non plus, ça ne la dérange pas outre mesure mais elle sait que ça ne plairait pas du tout à son fiancé alors tant pis parce que c’est de lui dont elle est amoureuse et d’aucun autre, pense-t-elle.
« Toi ça te choque peut-être pas, mais les gens du coin, eux… C’est différent. Surtout si c’est une femme qui est infidèle. »
Pays où la majorité des gens sont catholiques et très pratiquants – ce qu’elle ne juge pas étant donné qu’elle a été élevée là-dedans et qu’elle aussi a tendance à faire des bêtises qu’elle espère régler ensuite à coups de Notre Père – donc forcément, c’est une tout autre mentalité.

Bref, Marco se hâte de faire ce pour quoi il est là et la bonne humeur de Jimmy revient tout à coup. Faire du tourisme plus classique a l’air de mieux lui convenir. Oh allez, la prochaine fois qu’il branchera un mannequin, il pourra lui raconter qu’il a un jour participé à une course folle en pleine cambrousse pour l’éblouir un peu autrement que par son argent et son charisme ! Ce n’est pas rien. Après avoir remercié et salué Marco, Marina remonte en voiture, n’attendant pas de voir si son cousin met sa menace à exécution ou non, puis elle sourit.
« Je connais pas de Miguel qui organise des combats de coqs, non. »
Petit moment de flottement où elle laisse la déception s’installer avant de reprendre :
« Mais un Diego, oui ! Par contre, je suis pas certaine que tu t’amuserais beaucoup là-dedans. »
Sortant son téléphone de sa poche, elle entre des coordonnées et laisse la voix incroyablement agaçante donner ses indications.
« A cet endroit, on peut s’acheter des baignoires customisables ! C’est pas trop cool ? Puis partant de là, on aura qu’à remonter sur la Plaza Vieja, boire un mojito à la source. »

L’idée de traîner encore un peu avec Marco pourrait être tentante si Marina n’était pas du genre à croire qu’une fois que c’est fini, c’est fini. Ses exs ne sont pas des kleenex qu’elle retrouve par hasard au fond de son sac à main quand elle en a besoin avant de les jeter à nouveau le lendemain parce que si c’était arrivé une fois, c’est qu’il y avait une bonne raison, quand même. Tout ça pour dire que Marina n’a pas l’intention de laisser tomber son cousin, sauf s’il décide de le faire, lui. Ainsi cherchèrent-ils tous deux une nouvelle activité à faire ensemble. Comme des combats de coqs, organisés par un type qui s’appelle forcément Miguel ; comment pourrait-il s’appeler sinon ? Ben Diego en fait.
« Juste des Miguels. Le Diego que je connais organise bien des combats de coqs. »
Mais la rouquine ne voit pas du tout Jimmy dans ce genre d’endroits où les plumes volent en tous sens, où ça sent les fientes mélangées à l’odeur de la transpiration et des cigares. Elle ne le voit pas non plus s’extasier sur des baignoires customisables, rassurez-vous, mais il faut bien admettre que c’est le genre de choses qu’on ne trouve qu’à la Havane ou presque. C’est une attraction touristique comme une autre, quoi. Et le ton pour le moins sarcastique qu’il emploie lui laisse comprendre qu’elle aurait dû proposer autre chose. Peut-être que le combat de coqs lui aurait mieux plu, finalement. Tant pis, ça leur faisait une option de repli si les baignoires, c’était vraiment trop chiant. Elle lui mit alors un gentil petit coup de coude dans les côtes.
« T’es quand même un public difficile, tu veux pas vivre d’aventures dans la jungle, tu veux pas faire d’attractions touristiques qui font la renommée de la ville et j’imagine qu’un musée ou une église ne t’intéresserait pas des masses non plus, je sais plus quoi te proposer, moi, en dehors des mojitos. »
Evidemment que Marina exagère. Un peu. Mais il n’empêche que c’est difficile de viser juste en ce qui concerne ce qui peut plaire à Jimmy. Et donc avec modération, le mojito. Parce qu’il vaut définitivement mieux que ça soit lui qui garde le volant, sans quoi Marina aurait tendance à croire que la route lui appartient et peut-être bien qu’ils seraient contraints de faire une fois de plus appel à Marco. Bref, ils arrivent enfin à destination et elle observe les différentes personnalisations de baignoires proposées. Elle n’est pas la seule d’ailleurs, du monde se masse devant cette forme d’art un peu particulière.
« Ah ben eux aussi ils font des courses, apparemment. T’en fais pas, je vais pas te proposer d’y participer. »
Même si ça pourrait aussi être drôle.