verre sur verre de cuba libre → jimmy

Décidément, les avions de chasse c’est une obsession chez son cousin. A se demander d’où ça peut bien lui venir : est-ce qu’il a l’habitude qu’on lui envoie des avions de chasse au cul pour telle ou telle raison ou bien est-ce que c’est un souhait qui tarde à se réaliser ? Dans tous les cas, il peut aussi se tranquilliser à ce propos, on n’enverrait pas de narco-trafiquants à leurs trousses, pas plus que l’armée. Des fois que Jimmy n’aurait pas compris, les Monthawk sont une famille influente de la région alors ils ont peu le droit de faire à peu près ce qu’ils veulent. A peu près parce que personne n’est vraiment au-dessus des lois, même dans un pays comme celui-ci, mais y aurait de toute manière moyen de s’arranger. Puis c’est jamais qu’un survol de l’île en hydravion, ça peut faire de mal à personne. Sourcil haussé et petit sourire en coin, Marina demande :
« Je peux savoir d’où vient cette fixation sur les avions de chasse ? T’as pensé à en parler à un psy ? Dans tous les cas, t’en fais pas : l’armée va pas nous emmerder. Quant aux barons de la drogue, si je peux pas avoir ce permis, eux non plus. »
Puis elle hoche la tête à sa remarque. Elle le disait tout à l’heure et elle était très sérieuse : ici comment dans plein d’autres endroits, presque tout se réglait à coups de pot de vin. Et bien sûr, il en va de même pour ces fameux barons de la drogue dont on parle tout le temps. Puis pour les guérilleros aussi. Parce qu’il y en avait toujours, bien tapis dans la jungle. Bien pratique, la jungle pour ce genre d’entreprises. Bref, Marina s’amuse donc à jouer les guides touristiques, elle lui désigne certains endroits en lui donnant les noms et quelques infos qui vont avec. Historiques ou plus contemporaines, d’ailleurs. Puis, voyant que son cousin est curieux de comment ça marche, les avions, la rouquine le laisse toucher un peu à tout. Pour peu que ça ne les mette pas en danger, bien sûr. Puis au bout de quelques minutes, elle propose :
« Tu veux piloter un peu ? Tu verras, c’est pas super compliqué. »
Différent d’un peu tous les autres véhicules, mais pas forcément compliqué pour autant, c’est juste qu’on a pas souvent l’occasion de se faire la main.

Une arnaque, les psys ? Peut-être bien. Marina n’a pas tellement d’avis sur la question. Ça lui est arrivé d’aller en voir. Notamment quand elle a appris qu’elle était stérile. Parce que bien sûr, le devoir d’une femme, sa seule et unique raison de vivre, c’est de procréer alors fallait pas qu’elle aille s’ouvrir les veines parce qu’elle pouvait pas. Des conneries tout ça, elle était du genre carriériste, pas besoin de mouflet dans les pattes. Puis ça l’a pas empêchée de trouver un mari. Enfin, un fiancé. Quelqu’un, quoi. Bon, peut-être bien que ça fait partie du problème s’ils ne sont toujours pas mariés après autant d’années mais peut-être pas. Après tout, Lindsey lui jure depuis toujours que c’est pas un problème. Bref, si les psys ne lui ont jamais été d’une grande utilité à elle – elle a souvent plus eu tendance à se tourner vers l’église -, ils l’ont été pour certains de ses clients. Au moins à court terme. Et il y en a même certains qu’elle refuserait tout net s’ils n’étaient pas suivis. Mais elle comprend et respecte l’opinion de son cousin à ce sujet et étire donc un sourire en guise de réponse. Avant de carrément se mettre à rire. Ah ! Vous voyez bien que tout s’achète, même les permis d’avions de chasse. C’était ni plus ni moins que ce que la rouquine avait dit tout à l’heure, c’est juste Jimmy doit la voir comme quelqu’un d’assez peu impressionnant. Ça se voit clairement qu’il n’a jamais assisté à une de ses journées de travail… Après, c’est sûr que quand elle menace de tuer quelqu’un, ce qui doit lui arriver à peu près une fois par semaine, elle met quand même rarement ses menaces à exécution.
« Tu vois que ça peut se faire ! »
Cela dit, si c’était une chose qu’elle avait dite pour rassurer Jimmy, elle se trompait peut-être. Quoi qu’il en soit, tant qu’ils sont là, autant lui proposer de piloter un peu. D’autant que piloter une fois que l’avion a déjà pris de l’altitude, c’est vraiment pas le plus dur. Suite à une très longue explication pas vraiment nécessaire parce que c’était pas ce que la rouquine comptait faire de base, voilà qu’il accepte et Marina lui laisse donc le manche. Elle lui explique un peu comment ça marche, s’il tire dessus ça monte, s’il le pousse, ça descend et ainsi de suite, somme toute très classique comme fonctionnement. Puis elle fait mine de se retourner pour récupérer son parachute et lui lance un :
« Allez, à plus ! »
Avant de se mettre à rire. Parce que non, il n’est pas question qu’elle l’abandonne dans les airs. Surtout que jamais de la vie il serait capable d’atterrir ni même d’amerrir tout seul et ça se terminerait en crash. Quand il a fini de s’amuser, elle reprend les commandes et secoue la tête.
« Je vois que la confiance règne. »
Elle sait amerrir et atterrir de la même manière qu’elle sait décoller et aux dernières nouvelles, il n’a pas émis la moindre plainte au moment du décollage.

Tout serait si simple s’il y avait le pilote automatique sur tous les avions. Et même sur tous les véhicules. Marina n’aurait plus besoin de chauffeur, elle n’aurait qu’à l’enclencher, ce qui reviendrait probablement moins cher que de payer Salomon pour presque tous ses déplacements. Mais d’un autre côté, elle aime bien Salomon : il sait la divertir sans donner l’impression de dépasser les limites. Puis bon, c’est pas de payer son chauffeur qui la met sur la paille non plus. Tout ça pour dire que non, y en a pas sur cet hydravion. Ni sur aucun autre d’ailleurs, à sa connaissance tout du moins. La rouquine pouffe donc et en rajoute une couche :
« Ça serait le cas si on transportait plus de monde. Ou une cargaison précieuse, peut-être. »
Deux personnes, aussi riches soient-elles, ça n’a pas tant de valeur que ça, bien que ça soit déplaisant pour tout le monde – et surtout pour les principaux concernés – de l’admettre. Puis elle lève les yeux au ciel avec un soupir tout en reprenant les commandes pour amerrir. Y a vraiment que les cons qui croient que la meilleure façon d’obtenir quelque chose de bien d’une autre personne, c’est de la rudoyer. Le genre qui elle, lui donne plutôt envie de se borner et de n’en faire qu’à sa tête. De là à dire qu’elle est en train de dire que Jimmy est un con, il n’y a qu’un pas. Qu’elle ne franchit quand même pas parce qu’elle le connaît quand même pas si mal et qu’elle sait bien qu’il blague. Avec elle, en tout cas. Pour ce qui est du reste, il est peut-être bien comme ça avec d’autres et si tel est le cas, elle préfère n’en rien savoir.
« Tu sais que t’as de la chance d’être mon cousin, pas vrai ? »
Peut-être bien qu’elle aurait vraiment pris le parachute pour abandonner n’importe qui d’autre à son triste sort. Bref, sans bouger de son siège, elle salue la foule en délire et redécolle. Plus qu’à rentrer après cette performance.
« Y a encore un truc que tu voudrais voir avant de rentrer ? »
C’était le moment parce qu’elle n’était pas sûre de refaire ça tous les jours en dehors du vol jusqu’à Miami qu’elle a proposé un peu plus tôt.

Deux tonnes d’or, rien que ça. Ça vendrait presque du rêve même à quelqu’un comme elle, quelqu’un qui n’a jamais manqué de rien, quelqu’un qui n’a jamais eu qu’à claquer des doigts pour avoir tout ce qu’elle voulait. Dans tous les cas, si elle devait transporter deux tonnes de quoi que ce soit, c’est quasi sûr que cet avion ne voudrait pas prendre son envol. Faisant la grimace, Marina commente :
« Meilleur moyen de finir au fond de l’eau, ça. Mais si ça nous permet de trouver l’Atlantide, moi, je suis pas contre. »
Bon, aux dernières nouvelles, l’Atlantide se trouverait pas du tout dans ces eaux, mais qu’est-ce qu’on en sait au final, hein ? C’est un peu comme pour Jack l’Eventreur ; il a existé, c’est un fait, mais personne, personne, ne saura jamais de qui il s’agissait. Un vrai coup de maître. Bref, à sa question qui ne demande pourtant pas de réponse, Jimmy en trouve quand même une. Et souligne que s’il a de la chance d’être son cousin, c’est surtout parce que ça lui permet de venir en vacances ici… Bien vu. Mais ça mérite quand même un gentil petit coup de coude dans les côtes, ça. Puis, comme il lui annonce qu’il n’y a plus rien d’autre à voir sur sa liste et qu’ils peuvent rentrer au bercail, Marina fait donc demi-tour et remet le cap sur le petit aérodrome. Puis, à la remarque suivante, la rouquine lui balance un regard en coin qui laisse assez peu de place au doute quant à sa signification et l’accompagne d’un :
« Ah ça, fallait être meilleur conducteur. »
Avant de se mettre à rire. Oui, elle le charrie, mais non, elle refuse de prendre la responsabilité de l’éclatement de ce pneu. C’est pas la première fois qu’elle fait cette course en tant que co-pilote, c’est pas la première fois qu’elle fait prendre ce raccourci et d’autres s’en sont mieux sortis, c’est tout. De retour sur la terre ferme, Marina est ravie de constater qu’elle n’a pas perdu la main parce que bon, ses sorties en avion se sont un peu espacées depuis qu’elle est partie d’installer à Island Bay. Faute de temps. Marina fait partie de ces gens qui aimeraient que les journées aient quelques heures de plus.
« Bon, tu nous ramènes à la maison et puis nos chemins se sépareront pour la soirée. »
Autant qu’elle en profite pour aller voir ses amis restés sur l’île.