verre sur verre de cuba libre → jimmy

Bien sûr qu’il y a des combats de coqs. Ils sont à Cuba quand même. L’un ne va pas sans l’autre. En tout cas c’est l’impression que Marina, qui a grandi là, en a. Et si elle peut tout à fait se fondre dans le décor, justement parce qu’elle est du coin, il n’en va pas de même pour son cousin. Bon après, elle veut bien l’y emmener si c’est vraiment ce qu’il veut, même que ça pourrait être assez drôle en vérité, mais elle en doute. Là-dessus, Jimmy fait le point de ce qu’il attend de chacun de ses voyages. Pour peur que le temps s’y prête, bien sûr. Des plages et des nanas. Sans savoir pourquoi, l’image de son cousin en tenue d’animateur du club Med s’impose à son esprit et, avec une petite moue désapprobatrice, la rouquine s’empresse de secouer la tête pour l’en chasser. Avant de déclarer :
« Ouais, enfin, la plage ça peut vite être aussi chiant qu’un musée. »
Plus même, si on lui demande son avis. Mais ça, c’est une question de goût. Lézarder au soleil, ça n’a jamais été trop son truc ; sans doute parce qu’elle est rousse et qu’une exposition au soleil trop prolongée a clairement tendance à lui brûler la peau plutôt qu’à la faire bronzer donc bon, ceci explique peut-être cela. En revanche, elle est assez d’accord sur le fait que, quand on en a vu une, on les a toutes vues, en ce qui concerne les églises. Sauf si on parle de la Sagrada Familia. Mais bon, comme dans presque tous les pays sud-américains, c’est ce qu’on retrouve le plus. Que d’argent dépensé à la gloire du Seigneur. Mais ce n’est pas Marina qui va dire quoi que ce soit à ce propos.
« Architecturalement, on peut dire qu’il y en a de très jolies dans le coin. Mais comme tu l’as toi-même dit, ça reste des églises. »
C’est donc ainsi qu’ils en viennent à admirer des baignoires customisées vraiment sympas. En tout cas, c’est l’avis de la rouquine qui trouve ça original, presque même un peu excentrique. A la question de son cousin, elle finit par hausser les épaules.
« Ça, j’en sais rien, jamais participé pour le coup. Demande-leur. »
Puis elle fait la grimace.
« Moi j’aurais rien contre mais Lindsey est pas trop branché déco excentrique. »
Ah oui, il a bon dos, Lindsey. Mais Marina garde en tête qu’un beau jour, elle a débarqué chez lui et n’en a pas encore été délogée. Bien que ça soit devenu chez eux, au fil du temps.

Que ça soit à la plage ou ailleurs, ça l’ennuie de rester sans rien faire, Marina. A moins qu’elle se trouve un bon bouquin, mais ça fait des années qu’elle n’en a pas trouvé un qui parvient à la distraire assez longtemps de son travail. Parce que oui, même en vacances, elle garde son téléphone professionnel à portée de main, des fois qu’un de ses clients aurait une question pour elle. Ou pire : un avocat. Les avocats, c’est un peu comme la police : personne ne les aime et c’est encore plus vrai dans le cas de Marina, son travail faisant qu’elle est souvent amenée à les rencontrer. Et ces fourbes sont toujours prêts à user de ruses diverses pour embobiner tout le monde. Surtout ceux auxquels elle a affaire, ceux qui défendent de grosses boîtes de ciné, de musique ou encore de mannequinat ; ceux-là sont prêts à tout parce que grassement payés. Bref, tout ça pour dire que non, même quand elle est en congé, elle ne cesse jamais vraiment de travailler alors c’est peut-être un peu normal qu’elle ne soit pas très fan des moments détente où il n’y a vraiment que de la détente et rien d’autre. La suite la fait beaucoup rire en revanche :
« Genre, tu vas me dire que toi, ça t’arrive d’aller sur des plages publiques ? »
Parce qu’elle non. Les rares fois où ça lui arrive d’aller à la plage, on parle de plages privées où les enfants sont tout juste tolérés et pas question de les entendre hurler ni de les voir courir dans tous les sens, tout enfants qu’ils soient. C’est ça l’enfance quand on est riches à ce point, on en profite pas vraiment. Mais y a quand même pas de quoi se plaindre non plus. Bref. La rouquine admire le travail des gens doués de leurs mains en se disant que ce n’est sûrement pas elle qui parviendrait à faire ça tandis que son cousin lui annonce se foutre des courses de baignoires. Bien. Puis il lui propose une solution à son problème et Marina ne peut s’empêcher de faire la grimace. Si elle faisait vraiment ça, elle était sûre qu’au bout d’un moment, elle finirait par ne plus utiliser que cette salle de bains-là et les choses pourraient alors très vite s’enchaîner ; après avoir fait salle de bains à part, Lindsey et elle feraient aussi chambre à part, voire même appartement à part, exactement comme leurs parents. C’est pas vraiment la vie de couple dont elle rêve.
« Mouais, je suis pas vraiment convaincue, mais c’est gentil de vouloir aider. »
Puis Marina hausse les épaules en prenant la direction de la Bodeguita del Medio, le fameux bar où Hemingway allait autrefois boire ses mojitos.
« Ouais, c’était intéressant. Toi je sens que c’était pas du tout ton truc. Mais bon, j’aurai essayé. »

Quand Jimmy finit par lui avouer qu’okay, il n’est pas vraiment du genre à fréquenter les plages publiques, Marina ricane en lui adressant un regard entendu. C’est bien ce qu’il lui semblait. Non, elle n’aime pas tellement donner raison aux stéréotypes comme quoi les riches ne se mélangent pas au commun des mortels mais le fait est que parfois c’est vrai, et qu’en ce qui concerne les plages, ça l’est d’autant plus. Bref, il est alors temps de délaisser les baignoires customisées ou non – que non, Marina ne ramènerait pas en Nouvelle Zélande, parce que l’avis de Lindsey lui importe quand même un peu étant donné que c’est sa vie qu’elle partage et qu’elle n’a pas tellement envie que ça jette un froid entre eux – et de prendre la direction d’un bar. Et pas n’importe lequel. Son cousin a d’ailleurs l’air beaucoup plus enthousiaste à cette idée. La rouquine acquiesce quand il lui fait remarquer qu’elle devait bien se douter que ça ne lui plairait pas. C’est vrai, mais bon, quoi qu’il en dise, Jimmy n’est quand même pas le meilleur public qui soit non plus, donc il fallait bien tenter quelque chose. Etant certainement l’une des attractions les plus visitées de la ville, il s’avère que le bar est déjà bondé, mais il suffit qu’elle s’annonce pour voir la foule s’écarter devant eux telle la mer devant Moïse pour leur céder le passage jusqu’à une petite table où ils peuvent alors s’installer.
« Le Mojito, bien sûr. Le meilleur que t’aies jamais goûté, sans doute. »
Puis il s’enquiert de si c’est ici qu’elle a pris sa première cuite et Marina rit à nouveau. Les souvenirs de cet évènement restent flous pour elle, mais elle se rappelle quand même très bien que ce n’était pas dans un endroit aussi classe, ça non.
« Oh non. Tu te rappelles le petit village de tout à l’heure ? C’était plutôt là-bas avec de l’alcool parfumé à l’essence, un jour où j’avais échappé à la vigilance de ma nourrice. »
Pour partir battre la campagne en compagnie de Marco. Et d’autres encore, sûrement ; parce que c’était interdit, Marina et ses frères s’étaient très souvent amusé à faire le mur. Enfin, ses frères surtout. Mais la rouquine s’était plus d’une fois incrustée dans la bande à coups de menaces de tout balancer aux parents. Soit, des échanges entre frères et sœurs des plus classiques.

Intérêt d’avoir raison. Marina ne s’inquiète pas trop à ce sujet déjà parce que dans un premier temps, il s’agit en effet du meilleur mojito qu’elle ait jamais goûté en ce qui la concerne et même si bon d’accord, tout ça est toujours très subjectif parce que c’est encore et toujours une histoire de goût, que certains pourraient le préférer plus sucré ou plus alcoolisé et ainsi de suite, elle se dit qu’il faudrait quand même être très difficile pour ne pas apprécier un mojito bien dosé. Dans un second parce qu’avec le métier qu’elle fait, la rouquine a l’habitude de ce genre de menaces. Sauf que bien sûr, celles qu’on lui fait habituellement sont bien plus sérieuses que celle de son cousin. Dans tous les cas, c’est ainsi qu’ils en viennent à parler de sa première cuite. Jimmy a l’air surpris d’entendre parler de la nourrice et se demande alors si elle était si jeune que ça.
« Rajoute deux années de plus. D’ailleurs, Consuella est toujours à notre service. Bien qu’en dehors de mes frères qui resteront sûrement à jamais de grands enfants, y en ait plus chez nous depuis longtemps. »
Et y en aura probablement pas de sitôt entre elle qui ne peut pas en avoir et ses frères qui n’ont toujours pas l’air d’avoir envie de se poser. Bref. Elle rit au souvenir de cette fameuse première fois. Un souvenir aussi affreux que délicieux. L’insouciance d’autre fois et toutes ces bêtises.
« Ouais, c’était horrible. Mais j’aurais pas voulu que ça se passe différemment. Et toi alors ? A quoi ça pouvait bien ressembler ? »
Une chose est sûre, c’est qu’il ne devrait pas y avoir d’histoire d’alcool parfumé à l’essence dans son histoire. Mais elle s’attend à peu près à tout. Son cousin aussi peut parfois être plein de surprises. Dans tous les cas, quand arrive le moment de la dégustation, la rouquine se fend d’un :
« Je te l’avais bien dit. »
Avant de tremper les lèvres dans son propre verre. Toujours aussi bon, ils n’ont pas perdu la main. En même temps, quand on en fait son principal argument de vente, y a tout intérêt à s’y tenir, c’est sûr. Mais bon, au fil du temps, tout finit par changer. A commencer par les patrons de ce genre d’endroits. Bien que le fait qu’on leur trouve une table malgré tout ce monde est un bon indicateur que le patron n’a probablement pas changé depuis la dernière fois. Il faudra donc qu’elle pense à aller le saluer avant de partir.

C’est vrai que du point de vue de la plupart des gens, douze ans pour sa première cuite, ça peut paraître jeune mais il faut le voir ainsi : ça n’a pas fait d’elle une saoularde pour autant. Quelqu’un qui aime s’amuser, ça oui. Mais sans aller trop dans l’excès non plus. En tout cas, l’excès pour les gens comme elle. Et puis elle a une excellente excuse ; Marina est la plus jeune de la fratrie. Non seulement ça fait d’elle quelqu’un d’un peu influençable – ou en tout cas faisait – parce que l’envie de tout faire comme les grands s’était très souvent fait en ressentir mais en plus de ça, ses frères aimaient bien lui faire faire des conneries à l’époque. En entendant la remarque de Jimmy, la rouquine ricane et hausse les épaules.
« Tu dis ça comme si on était de vieux croûtons, faut pas exagérer non plus. »
Non parce qu’elle n’oublie pas que son cousin est à peine plus jeune qu’elle. Une histoire de mois. Alors si elle est vieille, elle n’est pas la seule. Puis comme dit précédemment, commencer jeune ne veut pas dire grand-chose en l’occurrence et ce n’est pas demain la veille qu’elle va s’inscrire aux réunions des AA. Tout ça pour dire que ça l’intéresse d’apprendre comment ça s’est passé pour Jimmy. Lui était un peu plus vieux mais pas de beaucoup non plus, dirait-on. La classique, à une fête de lycéens. L’histoire ne dit pas si Jimmy était trop jeune pour se trouver là ou bien si ces gens plus âgés l’étaient au point de pouvoir acheter de l’alcool sans qu’on ne leur dise rien, en revanche. Dans un cas comme dans l’autre, ce n’est pas beaucoup plus glorieux que sa propre expérience, quand on y pense et ça la fait sourire. Jusqu’à ce qu’il lui parle du trou noir ainsi que des photos de cette fameuse soirée. Ah. Moins cool, ça. C’est généralement comme ça que la plupart de ses clients font un bad buzz. Qu’il soit mis en scène ou non. Marina fait donc la grimace puis hoche la tête en entendant que ça ne lui a fort heureusement pas porté préjudice.
« Heureusement qu’on fait pas partie des gens hyper médiatisés. »
Evidemment, ils doivent bien se comporter mais ils n’ont pas non plus cette pression immense constamment sur les épaules. Et puis, généralement, il suffit de quelques billets pour que tout soit passé sous silence. Elle hausse ensuite les épaules.
« Oh ouais, un peu des deux. Va bien falloir que je serre la pince aux amis des parents qui vont me tourner autour comme des mouches en apprenant que je ne suis toujours pas mariée. Puis après ça, je pourrai aller faire un peu la fête avec des amis qui sont restés ici. »
La plupart en fait, elle fait partie des rares qui ont fui.
« Peut-être même qu’on ira jusque Miami, comme avant. Si jamais, y a toujours une place pour toi. »
Tant qu’à faire. C’est peut-être une ville de retraités mais y a quand même moyen de s’y amuser quand on sait où chercher.

Le point positif dans le fait d’avoir deux frères plus âgés qu’elle – outre celui d’avoir pu les suivre dans toutes leurs péripéties tout au long de leur enfance puis adolescence, bien sûr -, c’est que Marina est habituée aux railleries et sait en reconnaître une quand elle en est victime. Ce qui est exactement le cas avec Jimmy en cet instant. Un sourire étire ses lèvres tandis que la seule répartie qui lui vient sur l’instant n’est autre que :
« Crétin. »
Le tout dit avec beaucoup de tendresse. Puis la rouquine acquiesce vivement, très consciente de ce que ça représente au quotidien puisque c’est son métier de côtoyer des personnalités qui, elles, doivent impérativement faire très attention à chacun de leurs pas sous peine de se retrouver du sommet au fond du fond en l’espace de quelques heures à peine. Ces gens-là ne sont pas libres et ont une pression constante sur les épaules qu’elle ne pourrait pas supporter. Pourtant, elle n’est pas beaucoup plus libre qu’eux, au fond, personne ne l’est jamais complètement, mais un peu quand même et c’est déjà ça. Mais on ne ferait pas non plus comme si ces gens n’avaient pas le choix : libre à eux de renoncer à l’argent facile et la popularité s’ils le souhaitent. Enfin bref, ça, c’est un tout autre débat qu’ils ne sont pas vraiment en train d’avoir alors autant se concentrer sur les gens qui s’amusent à faire des remarques assez désobligeantes et à qui on ne peut pas vraiment rabattre le caquet. Vraiment ? Parce qu’à en croire son cousin, lui n’hésite pas – ou pas toujours. C’est avec perplexité que la rouquine hausse un sourcil à son attention.
« Parce que c’est ce que tu fais, toi ? Tu te permets d’envoyer bouler les autres ? »
Peut-être se le permet-il, parfois. En ce qui la concerne, c’est un rien plus compliqué ici, à Cuba, où elle reste la fille d’un ambassadeur ; il faut qu’elle montre qu’elle a été bien éduquée, tout de même. Mais c’est vrai que l’envie de répondre à ces gens qu’ils devraient plutôt se mêler de leurs propres mariages souvent sur le déclin avant de fouiner dans les relations des autres l’a titillée plus d’une fois. Et que loin de chez elle, elle n’hésite que très moyennement à le faire. Mais les remarques à ce propos se font moins nombreuses là-bas. Probablement parce qu’elle y connaît moins de monde. La suite la fait en revanche pouffer de rire. Comme si elle pouvait se permettre de prendre des vacances qui n’en finissent plus, comme si elle n’avait pas un fiancé et un travail qui l’attendaient de pied ferme en Nouvelle Zélande.
« T’en fais pas pour ça, j’ai pas vraiment la possibilité de m’éterniser trop non plus. Mes clients ne savent plus comment vivre quand je m’absente trop longtemps. On fera ça vite. »

Mine de rien, ça l’étonne d’apprendre que son cousin peut lui se permettre d’envoyer sur les roses certaines personnes. Pas que Marina ne se permet pas de le faire, mais… En fait si. Et maintenant qu’elle y pense, elle se rend compte qu’elle l’a toujours fait. Sauf quand certains dépassent vraiment les bornes, bien sûr, parce que ce n’est pas en se laissant marcher sur les pieds qu’on réussi quoi que ce soit. Et d’ailleurs, Jimmy semble ne pas être le seul à le faire puisqu’il dit « on ». Ils ont de la chance, faut croire. Avec un petit hochement de tête, Marina commente :
« Une vraie tête brûlée, dis-moi ! »
Le tout accompagné d’un petit rire parce que peut-être bien qu’elle exagère un tout petit peu. Un petit peu puisqu’au fond, elle a grandi avec l’idée qu’il valait mieux pour elle qu’elle reste sage et qu’elle ne fasse surtout pas honte à son nom. Bref, elle en vient ensuite à proposer une escale à Miami et fait comprendre à son cousin que ça ne devrait pas trop tarder parce qu’aussi plaisantes que puissent être ces vacances, elles ne peuvent pas non plus s’éterniser. Marina a des clients en Nouvelle Zélande qui ne savent littéralement pas quoi faire quand elle s’absente. De trop longues vacances serait le meilleur moyen que l’un d’eux termine en prison pour mauvaise conduite. Et le pire, c’est qu’elle n’exagère même pas. Bon signe, oui, parfois.
« C’est ce que je me dis aussi la plupart du temps. Sauf quand ils m’appellent en panique à deux heures de mat’ parce qu’ils ont eu la bonne idée de dire un truc que je leur avais recommandé de ne pas dire au cours d’une interview un peu plus tôt dans la journée. »
Et ça encore, c’est soft, évidemment. Même si au fond, elle préfère être appelée à une heure indue pour une raison valable plutôt que pour une connerie. Bref, là-dessus, Jimmy pense au fait qu’il aurait pu ne rien faire et juste profiter de la vie jusqu’à ses quarante ans avant de reprendre les rênes. Ce à quoi elle hausse les épaules.
« Ne rien faire et juste profiter, c’est aussi faire quelque chose de sa vie, je pense. Surtout quand on peut se le permettre. Mais je suis sûre que tu te serais ennuyé. »
Elle aussi, sans doute. C’est bien pour ça qu’elle a fait ce choix. Et aussi parce qu’elle avait ressenti le besoin de prendre son indépendance, à un moment donné. Un sourire étire ses lèvres en entendant la suite.
« C’est tout le problème des bons cocktails dans les pays où il fait chaud. Mais ne le crie pas trop fort, avec un nom pareil, le monde s’attend à ce que t’aies une bonne descente. »
Ce qui est idiot, elle le sait mais les clichés ont la vie dure.

Se moquer de son cousin plus jeune qu’elle – même si ce n’est que de quelques mois ? Mais c’est une activité qui la passionne, bien sûr. En tant que benjamine - et seule fille de la fratrie -, c’est toujours elle que ses frères s’amusaient à charrier alors faut bien qu’elle se rattrape un peu quand l’occasion lui est donnée. Un sourire taquin s’esquisse donc sur ses lèvres avant qu’ils ne passent à un autre sujet : ses clients. A en croire Jimmy, c’est précisément parce qu’ils peuvent se montrer parfois insupportable qu’il faut se faire payer plus cher. En un sens, il n’a pas tout à fait tort.
« Ouais, disons que le problème c’est qu’il faut que je fasse attention à ne trop faire monter mes prix non plus parce que la concurrence est là. Et que, bien que je puisse leur assurer un travail au top, on a connu bien plus fidèle qu’un artiste. »
Certains changent littéralement d’agent comme de chemise. Et pas toujours pour des questions de tarif, parfois juste parce que vous aviez l’outrecuidance de les regarder de travers, d’après eux ou une bêtise du genre. Bon, ce n’est pas non plus comme si Marina bradait ses prix car tout travail mérite salaire, surtout quand vous devez sauver la réputation de certains ; disons plutôt qu’elle essaye de trouver le juste milieu de ce côté-là. Chanceux sont parfois les gens qui ont décidé de ne pas travailler, donc. Ce qu’elle n’imagine pas vraiment Jimmy faire. D’accord, il n’est peut-être pas du genre à se mouiller beaucoup – comme en atteste sa façon de râler durant la course -, mais il a quand même l’air d’avoir la bougeotte. Sûr certain qu’il finirait par s’ennuyer à un moment. Il ne semble cependant pas être d’accord sur la question et sa réflexion la fait sourire.
« C’est sûr que les journées sont courtes et les nuits longues. »
Si la rouquine a bien compris quelque chose au contact des artistes c’est que ce n’est pas parce qu’on vit en décalage qu’on dort plus que les autres. Sans doute même moins, en vérité. Mais c’est un style de vie que certains préfèrent. Bref, elle écoute ensuite son cousin se vanter de ses prouesses et hoche la tête.
« J’espère bien, compte pas sur moi pour te traîner jusqu’à un taxi. »
Pour le reste elle n’en sait rien parce qu’on a plus tendance à se murger entre amis qu’en famille alors les capacités des uns et des autres font un peu partie de leur jardin secret. C’est alors qu’elle remarque qu’on lui adresse un signe de la main et s’empresse d’y répondre.
« C’est la maîtresse de Miguel. Et lui, là, à côté d’elle, c’est son mari. »
Elle désigne du menton le vieux pruneau tout fripé à côté de la femme. Et quand elle parle de Miguel, elle n’est pas en train de citer un énième nom à consonance latine pour parler d’un random type de la ville, non, c’est de son frère aîné qu’elle parle.