Niamh - I won't give up

♪ Une famille traditionnelle avec un père, une mère, deux enfants, jusque là tout va bien. Sauf qu’elle commence à se fissurer légèrement en voyant qu’aucun garçon ne reprendra l’héritage, que le nom ne survivra pas après cette génération. Et il se brise en milles morceaux quand l’aînée ne se retrouve pas dans ce schéma dit ‘normal’. Elle ne comprend vraiment pas ce qu’il y a d’intelligents dans les paroles de son enseignant catholique, c’est à se demander s’il vient de la même planète. Alors elle écoute, silencieuse, mais ne parvint pas à se faire à l’idée que la vie idéale est vraiment celle qu’ils décrivent et les années qui passent ne sont pas là pour arranger les choses. L’aînée, c’est moi, Niamh, la furie blonde qui a fait exploser cette famille bloquée par des principes moyenâgeux pour découvrir de nouvelles visions des relations, une vie bien plus colorée. ♪ Si j’ai fait ma discrète les premières années, râlant pour moi-même pour ne pas recevoir les regards noirs de mes parents, pour éviter que ma petite sœur ne subisse elle aussi les conséquences, l’arrivée au lycée à changer bien des choses. J’avais l’espoir que les autres lycéens étaient assez mûrs pour comprendre eux aussi qu’on nous enseignait idioties sur idioties, mais rien n’y faisait, j’étais seule contre tous. Si je devais trouver un avantage à toutes les punitions que j’ai enduré, ce serait mon temps passer dans la salle de musique à dépoussiérer et accorder les instruments. Je me suis laissée charmer par le son si particulier de la harpe, un son mélodieux et énergique, difficilement domptable, mais magnifique une fois apprivoisé. ♪ Kenlee… Je ne peux pas parler de mon adolescence sans parler d’elle. Princesse à travers les couloirs de l’internat les premières semaines après son arrivée, ou plutôt gamine de 16 ans incapable de supporter que tout ne lui est pas dû, elle s’est révélée plus surprenante que je ne l’aurais jamais cru. Plus que son attitude de fille à papa, c’était surtout ce même dégoût dans son regard lors des cours qui a attiré mon attention. Je n’étais plus seule. Seulement, je n’étais pas prête à laisser une petite riche faire sa loi sur mon territoire, hors de question d’avoir une personne de plus à me dire ce qui était bon pour moi. Surtout pas avec une personne qui prenait un malin plaisir à ne pas prononcer correctement mon prénom. ♪ On dit que les passions rapprochent les humains et je ne pourrais pas être la personne qui pourrait le contredire. Après plusieurs mois à se défier, par des piques, des regards, des provocations, rien n’aurait pu nous laisser apercevoir un tel retournement de situation. Et pourtant, le duo que nous formions ne pouvait pas être oublié, pas avec la musique qui nous transcendait. Un violon, une harpe, deux lycéennes impétueuses, passionnées. Une envie de plus, toujours plus. Pourquoi s’arrêter à une limite quand on les repousse depuis plusieurs années ? La fin de l’enfer, le commencement d’un nouveau chapitre, nouveau livre, sans frein, sans frontière. ♪ Sept ans de relation, dont six loin de nos familles, loin de tout. Belfast était notre nid douillet, la ville qui nous a ouvert toutes les possibilités dont on rêvait. Je pouvais enfin me battre pour les idées auxquelles je croyais, à tel point que je dus redoubler une de mes années, mais ce n’était pas important, on avait tout le temps devant nous. Rien ne pouvait nous séparer, pas même le défi de construire une famille, parce qu’on avait des amis présents pour nous, pour nous aider en cas de coups durs, on était enfin heureuses et en sécurité. Jusqu’à ce jour. Aujourd’hui encore, les souvenirs de cette soirée restent flous. Je me souviens du restaurant, de notre performance musicale dans notre bar préféré, des câlins au moment de dire bonne nuit à nos amis, du rire de Kenlee dans la rue encore éclairée et après… Les insultes et les coups sont tombés, sans prévenir, sans aucune retenue. Une agression brutale, ne me laissant aucune chance de me défendre. Seule la dernière insulte homophobe me reste en tête, me donnant la nausée à chaque fois, avant de laisser place au silence froid et à un noir complet. ♪ La fin d’un rêve permet le début d’un autre ? Ça aurait été trop beau pour être vrai. Il me laissait juste un goût amer avec pour seule consolation l’annonce que je ne resterai pas seule malgré sa disparation. Elle m’avait laissé un mot et je savais comment la retrouver, avec le rang de sa famille, ce n’était pas si compliqué, mais les mots sur un écran n’étaient d’aucune utilité avec elle et je n’avais pas l’autorisation de sortir de l’hôpital. Dans une autre situation, je n’aurais écouté personne, mais un petit être me demandait silencieusement de prendre soin de nous, alors j’ai écouté les conseils qu’on me murmurait jour après jour. J’ai rangé la harpe qu’elle m’avait offerte avant d’annoncer à ses parents son départ et je l’ai oubliée avec la promesse de ne jamais laisser tomber mon combat tant que nous ne pouvions pas vivre en paix, tant que tout le monde ne se sentirait pas assez en confiance pour être tel qu’il veut être. ♪ Un sourire d’Ailina vaut tous les pleurs et toutes les crises qu’elle a pu me faire, même encore aujourd’hui avec sa belle crise d’adolescence. C’est elle qui m’a poussée à vivre, a déménagé dans un nouveau pays, dans une nouvelle ville pour recommencer à zéro, faisant des petits boulots par-ci par-là avant de trouver ma place dans l’association. Aujourd’hui, c’est plus compliqué avec elle. Elle n’arrête pas de poser des questions auxquelles je ne peux pas forcément répondre, elle me pousse dans mes retranchements, teste mes limites. Je tiens, comme je tiens avec les jeunes de l’association, mais ce n’est jamais pareil avec ses enfants et je commence à être à bout. Je ne comprends pas ce qu’elle attend de moi, elle me repousse tout en me demandant toujours plus. J’espère juste qu’elle ne fera pas la même chose que moi, je ne pourrais pas survivre si elle fuit loin de moi. ♪ Je me dis parfois qu’il faudrait que je prenne un peu plus de distance avec l’association, que je ne m’implique plus autant maintenant que le nombre de bénévoles augmente année après année, mais je n’arrive pas à partir. Ce sont ses responsables qui m’ont sauvée. Ils m’ont hébergée quand je n’avais plus d’endroit où je me réfugier, ils m’ont aidée quand j’en avais besoin, ils m’ont donné un travail en voyant ma détermination. Ils m’ont fait sentir comme si j’étais à la maison et jamais je ne pourrais leur rendre la pareille. Alors je fais mon possible pour que chaque personne qui pose le pied dans notre centre ressente la même chose. ♪ Niveau amour, je n’ai plus jamais ressenti le même sentiment qu’avec Kenlee, je ne pense pas pouvoir ressentir un jour la même chose. Peut-être parce que chaque relation est sensiblement différente. Mais je n’ai pas pu me poser aussi longtemps avec une autre personne, alors je ne sais pas quoi en conclure. Une mère célibataire est beaucoup trop compliquée quand on est encore jeune à faire la fête, puis les responsabilités arrivent et il ne devient plus possible de vivre au jour le jour quand son enfant s’attache à chaque personne qui rentre dans sa vie. Quelques femmes ont fait battre mon cœur plus vite que je ne l’aurais souhaité, mais pas assez pour que je les laisse entrer dans la vie de ma fille, pas assez pour que je prenne un tel risque. ♫ Elle est ici, à Island Bay. Je ne comprends pas comment elle a pu me retrouver ou pourquoi l'univers nous torture à ce point pour nous faire nous retrouver. Tout ce que je réalise, c'est qu'elle est bien présente ici, qu'elle est la professeur de musique de ma fille, qu'elle a déjà une relation spéciale avec elle. Elle est au courant à présent, je n'ai pas pu lui caché que nos essais pour agrandir notre famille avait fini par fonctionner. Je n'ai pas pu lui cacher qu'elle était mère, qu'elle est mère. Et je n'ai pas le droit de le dire à Lina. Je ne sais plus quoi faire. Je m'éloigne de ma fille, je suis piégée avec ma promesse de tout faire pour la protéger, je ne sais plus ce qui est le mieux pour elle. Alors je reste loin et me cache dans le travail jusqu'à ce que je ne puisse plus m'échapper.